Une tortue, un invisible et une Alpha. [PV L]

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Un grondement sourd, perpétuel, résonnait dans le crâne de la jeune femme. Elle avait beau tourner la tête dans tous les sens, impossible de voir d’où cela pouvait bien provenir. Impossible non plus de retrouver le chemin de la berge, elle est beaucoup trop éloignée de la côte. Comment ? Pourquoi ? Allez-savoir. Pataugeant dans cette immensité sans fin, Yumi sent qu’elle ne devrait pas tarder à fatiguée. Elle monte donc sur le toit d’un bâtiment militaire qui passait par là pour se reposer un peu, laissant des longues trainées rouges sombres derrière elle. Elle se demande un instant si elle n’est pas blessée, mais non. C’est juste la couleur de l’océan. Un océan sanglant.

Finalement, elle aperçoit une île. Heureuse, elle abandonne le toit flottant pour nager jusque là bas, espérant trouver quelqu’un qui puisse lui expliquer pourquoi le grondement ne s’arrête pas. Il y a Bob, tout seul, assis sur une énorme tortue rouge, un poil plus claire que l’eau mais pas de beaucoup. On dirait qu’il médite. Elle s’installe en tailleur devant lui, attendant qu’il remarque sa présence… mais il n’en fait rien.

- Qu’est ce que tu fais ?

- Ah Alpha, bonjour… ça fait longtemps que vous êtes là ?

- Non, quelques jours à peine.

- Ah, tant mieux.

- Et donc, tu fais quoi ?

- Je réfléchissais.

- Et à quoi ?

- Je me demandais comment vous en étiez arrivée à me tuer de cette façon…

Toute l’île se mit à tournoyer autour d’eux pendant que Yumi cherchait la meilleure façon de lui expliquer ça. Le grondement se fit de plus en plus fort, l’empêchant de penser.

- Tu peux pas arrêter ça ?

- Non… c’est vous qui l’avez déclenché…

Des poissons étaient en train de contourner l’île. Yumi décida de dire au revoir à Bob et grimpa sur l’un deux pour s’éloigner… Mais ils plongèrent pour passer sous une bombe, et l’air commença à lui manquer. Heureusement, la bombe finit par exploser, ouvrant un énorme trou dans l’océan de sang, envoyant des morceaux de poisson partout… et Yumi comprit enfin. C’était la bombe qui grondait… et maintenant il ne restait plus que le silence, un silence pesant, lourd et angoissant… plus rien dans l’oreillette non plus. L’oreillette ? L’oreillette !!!!!

Yumi se redressa d’un seul coup, un cri déchirant lui vrillant les oreilles. Elle chercha à trouver qui l’avait poussé… mais comme sa gorge lui faisait mal, elle se dit que ça devait être elle. Elle cligna des yeux plusieurs fois et regarda mieux. Rien. Elle était dans un lit, ça elle le sentait, plutôt confortable d’ailleurs. Assise, le dos droit comme un i majuscule. L’océan avait disparu et commençait déjà à s’effacer de sa mémoire. Un rêve… d’accord. Pas d’île non plus, pas de tortue… Et Bob ? Non… Bob non plus vu qu’elle l’avait tué. Elle leva les mains pour se masser les temps, histoire de calmer le bourdonnement sourd qui lui donnait la migraine, mais rencontra un bandage. Elle avait dû se blesser pendant l’opération… quelle opération ? Elle repoussa cette question d’un haussement d’épaules… et grimaça en laissant échapper un petit gémissement de douleur. Elle voulu tourner la tête pour regarder son épaule et trouver ce qui lui faisait si mal, mais quand elle le fit, elle eut brusquement l’impression que des milliers de pétards venaient d’exploser dans sa tête. Ne pas bouger la tête. Ne pas bouger le bras non plus… et l’autre ? Non, l’autre bras allait bien. Courbaturé, mais pas spécialement douloureux. Elle palpa son ventre de son bras valide… pas de soucis, pareil, juste des courbatures. Pareil pour sa jambe… ah… pas pour l’autre. Le haut de sa jambe la fit sursauter quand elle passa sa main dessus. Pas à cause du bandage surprise, la douleur était violente.

Poussant un soupir, l’esprit embrumé par le bourdonnement, le cri, l’océan et les draps inconnus. Elle se rallongea. A quoi bon se lever de toute façon, elle ne pourrait probablement pas marcher et elle ne voyait rien.

Invité

L fut tiré de son travail par le cri perçant que poussa Yumi. Posant son ordinateur sur le côté, il la vit se redresser dans le lit et ouvrir les yeux sans pour autant paraître voir quelque chose. Il la vit se toucher les bras et les jambes, comme pour vérifier la condition dans laquelle elle se trouvait.

Le détective ne fit pas un bruit, ne préférant pas l'alarmer si la jeune femme était désorientée et la regarda s'allonger de nouveau sur le lit. Une fois celle-ci visiblement rendormie, il se leva le plus silencieusement possible et se dirigea vers la salle de bain. Il revint dans la chambre et déposa un linge humide sur le front de la jeune femme.

Il entreprit ensuite de changer ses bandages, les uns après les autres, prenant soin de désinfecter les plaies. Le sommeil de sa partenaire semblait toujours aussi troublé mais au moins, elle ne se réveilla pas pendant qu'il pansait à nouveau ses blessures.

Les bruits d'une pluie battante et du tonnerre leur parvenaient de l'extérieur, et il se demanda l'espace d'un instant si le roi des Shinigamis avait les yeux rivés sur lui et cherchait à lui transmettre un message... mais non, les Shinigami étaient des dieux de la mort, ils ne se souciaient guère du temps qu'il faisait.

S'asseyant auprès d'elle, L prit la main intacte de Yumi dans la sienne et la serra doucement, comme Watari avait coutume de le faire lorsqu'il était malade, étant enfant. Dans la pénombre de la pièce, il ne posait son regard que sur la jeune femme, admirant le courage d'une rebelle qui avait été prête à donner sa vie pour la cause en laquelle elle croyait, tout en étant quelque peu effrayé à l'idée qu'une mission puisse effectivement lui coûter la vie un jour. Cette fois-ci, Bob avait pris l'initiative de faire cet ultime sacrifice à sa place... et il regrettait sincèrement le garde du corps mais la perte de Yumi lui aurait été largement plus dévastatrice.

- Repose-toi, Yumi. Tu n'as plus rien à craindre, je veille sur toi maintenant.

Il murmura ainsi tout en gardant sa main dans la sienne, essayant de lui communiquer, par les mots comme par le toucher, qu'elle n'était pas seule dans ces ténèbres.

Invité

Elle referma les yeux, les rouvrit… non. Elle avait dormis. Longtemps ? Pas longtemps ? Toujours rien. Juste cette douleur lancinante dans sa tête qui empirait quand elle était couchée… elle se remit en position assise, le souffle court. Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Et l’opération ? Quelle opération ? Trop de questions pour un seul cerveau… Entre sa blessure à la tête et les quelques jours qu’elle avait passé à dormir, elle avait du mal à faire le point… Le point sur quoi de toute façon ? Ah oui... la douleur. La douleur physique oui, mais aussi l'autre, celle qui se taisait et qui criait en même temps, celle qui compressait son coeur et son estomac...

Elle avait été blessée. Bon... Ça au moins c'était clair. Mais elle n'avait pas de plaie au ventre, pas plus que de bandage d'ailleurs, alors pourquoi cela faisait-il tellement mal ? Un ulcère là comme ça d'un coup ? Avec une potentielle crise cardiaque ? Non... trop facile et trop improbable... quoi qu'avec toutes les merdes qu'elle bouffait, Bob croirait sans doutes à cette théorie non ? Non... Pas Bob. La tortue avait dit qu'il était mort... ah non, c'était lui, il demandait comment elle avait fait pour le tuer comme ça. Bonne question ça, comment avait-elle fait ? C'était l'opération surement... mais laquelle ?

Poussant un nouveau soupir, la jeune femme décida d'essayer de bouger un peu. Sa main... il y avait quelque chose dans sa main... elle palpa doucement la dite chose, la pressant délicatement dans sa propre main... une main. Pas la sienne, celle de quelqu'un d'autre. Prise d'un doute affreux, Yumi tira dessus... Ouf, il y avait quelqu'un à l'autre bout, pas une main toute seule, juste celle de quelqu'un. Quelqu'un ? Qui ? Bob ? Non... la main était trop petite. Mordred ? Non... ça sentirait les plumes... ça a une odeur les plumes ? Et c'est doux normalement non ? Celles de Mordred avaient l'air plutôt douces en tout cas, il faudrait qu'elle lui demande de les toucher à l'occasion s'il s'était bien remis... Remis de quoi d'abord ? L'opération ? Encore ? Mais... mais quelle opération ?

Elle regarda autour d'elle. Rien. Personne. Seule avec une main de quelqu'un d'autre invisible ? Non, impossible... pourquoi alors ? Ah oui... ses yeux. Ils ne marchaient pas. Tant pis elle verrait plus tard, peut-être... et pourquoi d'abord ? Le coup à la tête ? Sans doutes à cause de l'explosion... quelle explosion ?

Poussant un grognement, agacée de ne rien comprendre à ses propre pensées, la jeune femme se concentra sur la main qu'elle tenait. Elle fit remonter la sienne le long du bras, rassurée de trouver une épaule au bout, puis un cou, un visage, des cheveux... Les cheveux c'est cool, il faudrait qu'elle dise à Bob de laisser pousser les siens... ah non... pas Bob. Bob est mort. Elle ouvrit la bouche et, pensant parler plutôt fort, murmura d'une voix rendue rauque par le réveil.

- Qui est là ? Bob ? Ah non pardon... Pas Bob il est mort avec la tortue... Mordred pue la plume c'est pas lui... Qui ? Moi ? Non... c'est pas ma main...

Poussant un nouveau soupir et un petit gémissement d'impuissance, elle voulu se gratter la tête avec son autre main... mais s'arrêta net.

- Ah oui... blessée, c'est vrai. L'opération. Laquelle ? Pas important... blessée c'est tout, ça fait mal.

Prise d'une inspiration soudaine, elle tourna très légèrement la tête (pas trop ça fait exploser des feux d'artifice dans son crâne) vers L et braqua ses yeux sur lui exactement comme si elle pouvait le voir.

- R... Ryo ?

Invité

L fut content de la voir se réveiller à nouveau, et sensiblement plus lucide cette fois-ci, semble-t-il. Malheureusement, sa vue ne paraissait pas lui être revenue, à en croire la façon dont elle fixait le vide et sa façon d'essayer de le toucher pour déterminer qui il était. Ses mains étaient douces tandis qu'elles exploraient son bras, son cou, son visage ou encore ses cheveux...

Le détective posa doucement son autre main sur la sienne avant de répondre, de la voix la plus douce possible.

- C'est bien moi, Yumi. Je suis vraiment désolé pour Bob... Il a réussi, la mission a réussi grâce à lui.

Il prit un verre d'eau et le porta doucement aux lèvres de la jeune femme pour lui en faire avaler quelques gorgées. Sa voix rauque provenait sans doute de sa déshydratation et il avait préféré ne pas lui faire de perfusion en la sachant déjà si faible.

Une fois sa soif satisfaite, il reposa le verre sur la table et porta une main au visage de Yumi, la caressant avec la plus grande douceur.

- Tu es en sécurité maintenant. Tu as été blessée au cours de l'opération, c'est pour ça que Bob m'a demandé de venir te chercher. Je pense que ta cécité est temporaire, et qu'elle est probablement due au choc que tu as reçu à la tête.

Il passa sa main dans ses cheveux bruns, essayant de lui convier ce sentiment de sécurité et d'apaisement que Watari savait instiller en lui quand il était plus jeune. L espérait que la jeune femme ne paniquerait pas lorsqu'elle réaliserait les pertes qu'ils avaient essuyé au cours de l'opération, et plus précisément celle de Bob. Elle était très proche de lui, son garde du corps ayant pris soin d'elle avec une attention presque paternelle.

L s'était promis de prendre soin d'elle du mieux possible et il espérait seulement que cela suffirait.

Invité

Ryo. Bon... Au moins ça elle reconnait, sa voix. Elle l'entendait souvent avant de toute façon, et il avait dit qu'il la verrait après l'opération. Quelle opération ? Bref... Lui il la voyait sans doutes. Elle non. Non ? Pourquoi ? Pourquoi pas ? Elle pousse un soupir, ça tourne dans son esprit et ça ne se fixe pas. Compliqué de lire quand ça s'envole au fur et à mesure et que ça va plus vite que les yeux... ah non, pas les yeux. Ils ne marchent pas. Ils ne sont pas allumés... elle oui... ça la fait rire un peu, mais pas longtemps.

Ryo. Il dit qu'il est désolé... pourquoi ? Ah oui, pour Bob. Il est mort Bob. Mais il a réussi la mission... la mission ? Celle de l'opération. Quelle opération ? Ah... ça tourne... c'est pas grave parce que la main de Ryo est douce. C'est pas son vrai nom, elle le sait depuis toujours mais elle l’appelle quand même comme ça? C'est joli "Ryo", ça sonne bien... mais là ça sonne trop fort, ça fait tourner le reste des sons imaginaires... Elle soupire encore et ferme les yeux pour essayer de faire le tri des images qu'elle ne voit pas. C'est pas facile, elle apparaissent et disparaissent en même temps dans sa tête, mais comme ses yeux ne les voient pas ça ne fixe rien, comme ses idées... c'est pas fixe... fixe ? Non... pas fixe...

Froid... un truc froid contre ses lèvres. Un verre. Facile à deviner ça, elle connait bien les verres. Vodka ? Ah non... de l'eau... tant pis c'est bien aussi, ça... ça ? Tant pis elle ne sait plus mais elle boit. Ça fait du bien en tout cas. Dans sa gorge ça fait moins mal et elle se sent presque mieux. Plus fraiche, moins... sèche. Une douche, elle veut une douche. Elle bouge un peu et change d'avis. Un lit c'est bien aussi, ça tourne moins.

BING. Yumi se crispe. Un bruit énorme, monstrueux, gigantesque... le verre qu'on repose. Amplificateur de sons surement... pourquoi faire d'abord ? Ça fait mal pour rien... Elle soupire... c'est agréable en fait, du coup elle soupire de nouveau et sourit... mais arrête vite, sourire ça tire, tirer ça pique, piquer ça tourne et ça fait mal. Mal... mâle ? Comme Bob. Mais bob est mort, un mort c'est mal et mâle ? Dur... trop de M, ça tourne au ralenti et ça accélère en même temps. Elle soupire. Le point... faire le point... le point oui, mais lequel ? Le point final ? Le point... quoi, létal ?

Sécurité, blessée, opération, Bob, chercher, cécité, choc, tête... ça fait beaucoup de mots pour une seule bouche, beaucoup de pots pour une seule mouche... elle rit, c'est drôle... c'est drôle mais ça fait mal, alors elle arrête.

- Hydrate !

Elle sursaute. C'est ça ! C'est ça qu'elle fait l'eau, elle hydrate. C'est elle qui l'a dit ? C'est sorti de sa bouche à elle ? L'eau y est entrée, le mot en est sorti tout seul. Magique ? Non... Ryo a dit "temporaire". L'hydratation de l'eau est temporaire, pas magique, comme sa bouche à elle qui dit les mots auxquels elle pense. Pas magique. Bob non plus... Bob est mort, c'est pas magique la mort. Ryo est mort aussi, mais Ryo est magique, c'est pas pareil du tout.

La main de tout à l'heure, celle qu'elle avait trouvé dans sa main à elle, elle se pose dans ses cheveux. Au début Yumi se crispe, pour le principe, c'est une main inconnue quoi... mais finalement elle arrête, c'est celle de Ryo, elle s'en souvient maintenant, et Ryo c'est L, c'est pas magique, c'est deux noms pour un mec... un mec qui est mort et qui ne l'est plus. Ryo. Ryo... c'est lui qui l'a engagée, c'est lui qui l'a recrutée, c'est à lui qu'elle rend des comptes. Des comptes ? Pour les opérations et pour le reste aussi. Quelles opérations ? Peu importe...

- C'est pas grave hein, de toute façon ça tourne trop pour comprendre.

Elle lève la tête vers lui avec un sourire absent.

- Tu peux fixer ? Je sais que tu peux hydrater... mais fixer, tu sais faire ?

C'est ça qui compte, quand la magie s'estompe et que l'hydratation pompe...

Invité

Constatant la désorientation de la jeune femme, L lui mit deux intraveineuses en place, la première la garderait hydratée avec les nutriments adéquats tandis que l'autre lui restaurerait le sang perdu au cours de ses blessures. Il lui injecta aussi un antidouleur pour alléger les souffrances occasionnées par ses blessures.

Cela lui causerait certainement une désorientation supplémentaire, c'est pourquoi il la fit se rallonger au moins partiellement, plaçant des coussins dans son dos pour qu'elle soit plus confortable. Le détective replaça sa main sur la sienne et reprit la parole d'une voix douce.

- Je vais faire tout mon possible pour te soigner, Yumi... non, Aranwen.

L resta assis à côté d'elle caressant ses doigts tout en repensant à sa propre vie, à ces souvenirs qui le reliaient à une vie qui lui paraissait loin, tellement loin aujourd'hui. Est-ce que la Wammy's house était restée la même ? Roger était-il là ? Il y avait tellement de choses à rattraper après dix ans d'absence et il avait été si occupé qu'il n'avait pas pris le temps de s'enquérir plus que le minimum au sujet de cette vieille institution... il s'était davantage concentré sur ses anciens protégés : Mello, Near et Matt... et même Beyond, dont il avait essayé de suivre le parcours jonché de sang et de violence.

- Il était une fois un garçon qui avait perdu ses parents... et dont le seul prénom marqué dans sa mémoire, comme sur les rares papiers mentionnant son identité, se résumait à une lettre : L.

L. Lawliet. Tel était son "vrai nom", le seul nom qu'il ait jamais connu et son seul lien avec des parents dont il ne se souvenait qu'au travers de leurs silhouettes ensanglantées. Son seul vrai parent avait été et resterait toujours Quillsh Wammy... Watari.

- Le garçon fut recueilli par un inventeur de génie, qui avait ouvert un orphelinat pour des enfants aux talents particuliers. L'inventeur découvrit que L avait un don pour résoudre les puzzles, les énigmes... et les enquêtes.

Et c'était vrai. Watari l'avait recueilli et avait découvert ce talent, qu'il l'avait aidé à cultiver en même temps que sa remarquable intelligence. Le vieil homme s'était montré d'une extrême patience avec lui et il n'avait jamais montré le moindre signe d'exaspération alors que L lui faisait les demandes les plus extravagantes, depuis une tablette de chocolat jusqu'à un building entièrement réservé à son usage personnel. Rien n'était inaccessible pour son protégé.

- L aimait l'inventeur, même s'il n'avait jamais vraiment eu l'occasion de le lui dire. Ils vécurent plusieurs années ensemble, l'inventeur s'occupant de lui comme de son propre fils... jusqu'à ce que vienne l'enquête plus difficile que les autres, qui coûta la vie à l'inventeur et à son protégé.

Aujourd'hui encore, il ressentait une grande tristesse en repensant à la perte du vieil homme et il serra légèrement plus fort la main de Yumi. L ne voulait pas la perdre elle aussi, il ne pouvait pas la perdre.

Invité

Aranwen...

Ce mot lui arrache de tels frissons d'horreur que ça la calme un peu. Le point se fait un peu plus facilement. Elle perd encore le fil mais ça va mieux. Elle voit toujours pas par contre. Tant pis. Elle emmêle ses doigts et ceux d'L pendant qu'il raconte son histoire. C'est agréable, le chant doux et presque tendre de sa voix rend nostalgique, ça détend. Elle a même l'impression de le connaitre un peu mieux qu'avant, même après toutes les fois où ils ont parlé pendant des heures au téléphone, par mail où textos interposés. Sa voix réelle est encore plus agréable que celle que lui faisait entendre son téléphone portable. Quand il a fini elle soupire doucement. Le mal de crâne qu'elle se paie est pire que la pire gueule de bois du siècle. Elle finit par recommencer à parler. Lentement, histoire de pas brusquer son fil de pensées sinon elle va encore se perdre dans ses mots.

- Pas... pas Aranwen. Yumi. Aranwen est morte il y a longtemps... juste... juste Yumi.

Ce nom, il lui rapelle trop sa mère, son père, Kira... tout ce qui a fait qu'elle s'est engagée dans la résistance. C'est pas ça qui la gêne au final, c'est la douleur, toute cette douleur interne qui gronde quand elle pense à son père, toute cette haine qui monte quand elle pense à son assassin... Kira... Kira le meurtrier vénéré comme un Dieu. Elle secoue la tête, son fil s'étiole.

- Je suis désolée. La... La mission que tu m'as donné, j'ai échoué. C'est Bob qui l'a terminée, et il est mort pour ça. Ils sont tous morts à cause de moi. J'ai hésité, je ne voulais pas...

Elle sent des larmes qui commencent à couler de ses yeux et à rouler lentement, les unes après les autres, traçant des petits sillons humides sur ses joues pâles et sèches.

- Je ne voulais pas tuer les militaires... se sont des ennemis mais... Je ne veux pas être une meurtrière et... et...

Elle lâche la main de Ryo pour plaquer les deux siennes sur son visage. Le geste lui vrille l'épaule comme si elle s'était planté un couteau dedans mais elle s'en fiche. Elle se met à sangloter comme une petite fille, sans pouvoir s'arrêter. Être secouée ainsi de spasmes relance toutes ses blessures en même temps mais elle ne peut pas s'en empêcher. Elle craque.

- J'ai sa... sa... sacrifié des... des...

Elle n'arrive même pas à parler. Finalement, elle se fait violence, se force à se calmer, focalise ses pensées sur Ryo, lui il est là et il est bien vivant. Il est là, en chaire et en os, comme il l'avait promis. Forcément, les circonstances sont moins agréables que prévu, nettement moins même... mais il est là. Elle reprend sa main et la serre comme si sa vie en dépendait.

- J'ai sacrifié des hommes luttant pour une cause juste pour sauver la vie de nos ennemis... C'était pas le but, mais c'est ce que j'ai fais... j'ai tué Bob...

Elle écarquille ses yeux inutiles comme si elle le réalisait seulement alors qu'elle en parle depuis son réveil.

- Putain L ! J'ai tué Bob !

Elle laisse échapper un gémissement de pure détresse, suit le bras de Ryo du bout des doigts jusqu'à attraper son épaule... et se redresse assez vite pour que tout se mette à tourner dangereusement. Tant pis. Elle a besoin de le sentir contre elle, de le sentir en vie, de se dire que lui au moins elle ne l'a pas tué... elle entoure son cou de ses bras sans lui laisser le temps de se dire qu'il ne veut pas qu'une meurtrière comme elle s'accroche à lui, elle enfouit son visage contre son épaule et s'agrippe à lui comme s'il n'y avait que ça pour la retenir avant une chute vertigineuse. Elle pleure de nouveau, mais silencieusement cette fois...

Comment peut-ont être Alpha, la médiatrice, la dirigeante officieuse d'opérations punitives... et laisser crever ses hommes au profit des ennemis. Elle a tué Bob... jamais elle ne se le pardonnerait... Et Mordred ? L'avait-elle tué aussi ?

- Je vois rien... promets moi que tu es bien vivant Ryo ! Je t'en prie dis moi que je ne t'ai pas tué aussi... L... vis... ne parles pas à la tortue !

Invité

En entendant la jeune femme lui demander de l'appeler Yumi, L comprit que son nom de baptême était sans doute trop douloureux pour elle à entendre mais au moins, l'avoir évoqué semblait sortir quelque peu celle-ci de sa torpeur.

Comme il s'y était attendu, dès l'instant où elle avait réalisé ce qui était arrivé au cours de la mission, et surtout à Bob, Yumi s'était mise à culpabiliser. Ce n'était pas une surprise mais cela signifiait que le détective allait avoir du fil à retordre pour lui faire comprendre que l'opération était périlleuse et qu'il y avait de grandes chances pour que des morts surviennent de toutes façons.

Cela ne réconforterait toutefois pas la jeune femme, et c'est pourquoi il se contenta de la serrer contre lui tandis qu'elle se raccrochait à lui comme s'il était sur le point de disparaître. Alors qu'elle passe ses bras autour de son cou, Lawliet est surpris, agréablement surpris, que cette proximité avec Yumi ne le dérange pas, bien au contraire. C'est étrange de voir un être dépendre autant de soi et, d'une certaine façon, L comprenait mieux ce qu'avait dû ressentir Watari à l'époque de son adoption, et de celles des autres orphelins de la Wammy's House.

- Je suis bien vivant, Yumi. Je ne connais pas personnellement de tortue en revanche, et il n'y en a certainement pas ici.

Plusieurs secondes se passent, au cours desquelles il l'entoure toujours de ses bras, lui caressant doucement le dos comme son défunt tuteur le faisait autrefois. Ses yeux sombres et cernés regardent vers l'écran de l'ordinateur, dont l'image reflète le L stylisé que Watari l'avait aidé à choisir pour devenir son symbole, bien des années plus tôt.

- Tu n'es pas responsable de sa mort, Yumi. J'avais donné des instructions précises à Bob, et il y a obéi. Si tu dois blâmer quelqu'un, alors blâme moi.

C'était vrai. L avait demandé à Bob de prendre soin de Yumi et de faire son possible pour lui faire quitter les lieux si elle venait à être blessée. Le garde du corps de la jeune femme avait répondu qu'il l'aurait fait de toutes façons, ce dont le détective n'avait jamais douté, mais il y avait des choses qui valaient la peine d'être dites. Bob avait mené à bien ses deux objectifs : protéger Yumi et accomplir sa mission. Il pouvait reposer en paix, même si L savait qu'il n'irait pas au Paradis. Après tout, le Paradis et l'Enfer n'existent pas, il était bien placé pour le savoir...

- Ce n'est pas un mal, ni une faiblesse, d'accorder de la valeur à des vies humaines, même si celles-ci font partie du camp adverse. C'est en partie parce que nous n'accordons pas la même valeur à la vie humaine que Kira, que nous nous opposons à lui. Malheureusement, cette considération a eu un prix également lourd en vies humaines.

Lawliet n'était pas en train de lui faire des reproches. Il cherchait sincèrement à lui expliquer que sa vision des choses, et les émotions qui y étaient liées, n'étaient pas une mauvaise chose. Hélas, la justice telle qu'il la concevait ne régnait plus dans ce pays... et ceux qui montraient une telle miséricorde à l'égard de leurs adversaires pouvaient le payer de leurs vies.

Mais comment la critiquer ? Après tout, elle le complétait. L voyait les choses du haut de son perchoir, quelque peu détaché et distant du reste du monde. Il avait besoin de la perception émotionnelle de Yumi pour ne pas finir par devenir comme Kira... un monstre.

- Je suis là, Yumi. Je serai toujours là pour toi.

Invité

Au final elle se calme un peu, de longues, très longues minutes plus tard. Elle renifle, se rend compte qu'elle doit donner l'impression d'avoir envie d'enfoncer les côtes d'L dans ses poumons tellement elle le sert fort... et le lâche. Elle décroche ses bras de son cou et se recule lentement. Le moindre geste lui donne l'impression qu'on lui enfonce des dizaines de lames dans l'épaule et dans la cuisse, pendant qu'une dizaine d'éléphants chaussés de bottes de plombs dansent la samba dans son crâne.

Elle regarde un moment le jeune homme sans le voir, ses yeux bougeant comme si elle le cherchait, puis elle soupire. Elle a beau ne rien voir, des étoiles apparaissent devant ses yeux et le noir qu'elle voit se fait encore plus sombre. Elle se sent mal, très mal, et tout tourne autour d'elle et en elle. Bo, la pièce, le lit, Ryo, la tortue, la mission, le coussin, les bruits... tout... Elle se laisse retomber sur son oreiller en poussant un petit gémissement impuissant et ferme ses yeux inutiles.

- Laisse moi une minute... faut que je refasse le point sinon je ne vais jamais m'en sortir...

Le fil doit être réparé, elle ne pourra plus jamais être efficace si elle ne redevient pas capable de penser correctement. Alors elle se concentre, fort, trop fort sans doutes, mais tant pis. Elle veut réfléchir normalement... La mission, les ennemis, Bob, la tortue... non... la tortue n'existe pas c'est un rêve. Elle reprend... La mission, les ennemis, Mordred, Bob, les morts, L'île... non, elle n'existe pas non plus... Elle reprend encore : la mission, les ennemis, Mordred, Bob, encore Mordred, les menottes, l'explosion, le noir total, l'océan...

Elle recommence ainsi jusqu'à ce que tout soit clair, net et précis dans sa tête. Chaque mot, chaque sentiment, chaque impression, chaque sensation... une fois que la chaleur des bâtiments métalliques au creux de sa main, que le son des cris de Mordred dans ses oreille résonne et que l'explosion la fait à nouveau trembler, elle rouvre les yeux.

Elle ne voit toujours rien, mais toutes ses pensées sont à nouveau claires. Elle n'a pas conscience du temps que ça a prit et s'en fiche, elle sent la main de Ryo qui frôle la sienne et la prend. Il est toujours là, lui non plus n'était pas une partie de son rêve. Bien... très bien. Il avait promis de toute façon, la dernière fois qu'elle lui avait parlé au téléphone il avait promis de la rencontrer pour de vrai après la mission. Elle aurait préféré avoir réussi la mission... elle aurait préféré que Bob soit encore capable de l'attendre dans la voiture... elle aurait préféré pouvoir le regarder aussi, mais tant pis. Ça elle pourrait surement le faire une autre fois...

Elle se dit que normalement, L devrait lui offrir une glace, mais elle n'en fait pas la remarque étant donné qu'elle se sent tout à fait incapable d'avaler quoi que se soit. Elle se sent trop mal, aussi bien moralement que physiquement. Le côté moral passera, ça passe toujours... elle sait aussi que ses blessures ne sont pas si graves et qu'elle vont guérir. Ne voyant rien et n'étant pas toubib elle ignore s'il y aura des séquelles... mais tant pis. Son truc à la tête l'inquiète un peu plus quand même... elle espère qu'il n'y aura pas de complications. De toute façon la seule chose qui compte c'est que ça passe assez vite pour qu'elle puisse prendre une bonne douche brûlante dans pas trop longtemps...

- Voilà... je suis revenue "Patron"...

Elle lui adresse un vague sourire amusé, il déteste quand elle l'appelle comme ça.

Invité

L savait que les yeux qui se posaient pas sur lui ne pouvaient pas le voir. Quelle ironie que Yumi ne puisse pas le voir alors que lui-même voyait plus qu’il ne le devait, les yeux de Shinigami faisant danser au-dessus de sa tête son véritable nom et son espérance de vie. Du point de vue de L, il s’agissait d’une véritable malédiction, et il comprenait d’autant mieux que l’équilibre émotionnel de B ait pu en être profondément altéré. Voir ces choses en étant adulte est une chose mais depuis son plus jeune âge… cela devait être véritablement horrible et déroutant.

Son attention se reporta sur Yumi lorsque celle-ci desserra l’étreinte presque suffocante dans laquelle elle le tenait depuis quelques instants déjà. Surveillant chacun de ses mouvements, il la regarda se laisser retomber sur le lit. Ses sourcils froncés lui suffisaient pour comprendre que la jeune femme essayait de se concentrer, probablement sur ses souvenirs quelque peu embrouillés de ces dernières heures.

Il rapprocha inconsciemment sa main de la sienne, hésitant à la toucher mais elle finit le premier pas pour lui, l’attrapant sans hésitation. L eut une vision d’un petit garçon débraillé aux cheveux noirs tenant la main d’un homme d’âge mûr élégamment vêtu. Watari aurait su quoi faire, il n’aurait sans doute eu aucune difficulté à trouver les bons mots, les bons gestes pour réconforter mais il était mort, et ne subsistait à la place que le protégé qui n’avait sans doute pas été assez attentif à toutes les qualités de cet homme qui avait tant fait pour lui.

Les paroles de Yumi, et l’esquisse de sourire qu’elle lui adressa, le rassurèrent quelque peu quant à son état. Après l’épreuve particulièrement traumatisante qu’elle venait de subir, elle aurait tout aussi bien pu sombrer dans la démence.

- Je suis ton partenaire, Yumi, pas ton patron. Combien de fois te l’ai-je déjà dit ? La sermonna-t-il gentiment, plus pour la forme que pour autre chose.

Ses doigts serrèrent un peu plus la main de Yumi, sans toutefois la serrer trop fort pour ne pas lui faire mal. L n’était pas quelqu’un de sociable, il ne l’avait jamais été. Les gens ne l’avaient pour la plupart intéressés que sous la forme de pièces de puzzles à assembler ou de criminels à démasquer. Bien rares étaient les personnes dont il se souciait assez pour sortir de son isolement.

Il passa son autre main sur son front, essayant d’évaluer sa température, et jeta un œil aux perfusions, à l’amont desquelles les sacs contenaient encore suffisamment de liquide respectivement pour hydrater Yumi et régénérer le sang perdu.

- Je suis content que tu sois là… que tu sois en vie. Techniquement, c’est la première fois que tu viens ici, je suppose qu’il est de rigueur de te souhaiter la bienvenue. Est-ce que tu as besoin ou envie de quelque chose ?

L ne pouvait pas ressusciter les morts mais s’il y avait quoi que ce soit en son pouvoir pour soulager Yumi, il n’aurait eu aucune hésitation à le faire. Ce n’était probablement pas juste envers les disparus, et plus particulièrement Bob qu’il avait grandement apprécié, mais si sa danse mortelle avec les Shinigami lui avait appris une chose, c’était bien de se soucier des vivants plutôt que des morts, avant qu’il ne soit trop tard…

Invité

- Ben j'ai envie d'une glace... mais je pourrais pas la manger donc laisse tomber.

Elle avait aussi envie de le voir, de pouvoir enfin le regarder pour de vrai et pas juste en fouillant dans les archives du net. Mais ça attendrait. Elle avait envie d'avoir des nouvelles de Mordred par contre, mais ça reviendrait à s'avouer à elle même qu'elle s'inquiétait pour lui. Hors s'il lui était arrivé quelque chose et qu'elle avait peur pour sa santé, elle ne s'en remettrait pas. Du coup autant ne pas savoir. Entre Bob et ses hommes, elle avait largement assez de morts sur la conscience pour le moment.

- Va falloir que je m'habitue à ressentir moins brutalement les choses... si je prends chaque mort aussi mal je vais pas faire long feu moi. Déjà qu'à la base j'aimais pas des masses quand on perdait des gens que je ne connaissais pas personnellement...

Doux euphémisme, Yumi était perpétuellement minée dés que quelque chose arrivait à n'importe quel résistant. Elle allait devoir se blinder sérieusement. La mort de Bob est trop fraiche, elle n'en réalise pas encore totalement toutes les implications. Il ne sera plus jamais là pour la conduire où elle veut, pour la forcer à manger, pour lui adresser des regards à la fois désapprobateurs et paternels, pour lui passer presque tous ses caprices, pour faire le ménage chez elle, pour filtrer les entrées de son garage, pour... pour tout en fait. Bob était plus qu'un assistant, c'était un garde du corps, un homme à tout faire, un presque-ami et un presque-père. Quand elle se rendrait compte de tout ce qu'elle avait perdu ce jour là, en plus de la présence rassurante de l'armoire à glace silencieuse, elle en prendrait un sacré coup.

La jeune femme soupire et ressert encore un peu sa prise sur la main de Ryo.

- On... on va faire comment maintenant ? Je veux dire... je ne peux plus voir, du coup je ne pourrais jamais être aussi efficace qu'avant. Si ça se trouve je ne reverrais jamais plus un écran d'ordinateur et... attends... oh putain !!

Elle lui écrase pratiquement la main et tourne vers lui un visage décomposé par le désespoir.

- Ça veut dire que je ne pourrais plus jamais jouer à World of Goo ? NON !!! Il est tellement génial ce jeu ! Et y'a même pas de tortues dedans ! Mais qu'est ce que je vais devenir ? Et je ne te serais même plus utile en plus !

Elle se met à sangloter de manière hystérique.

- J'vois plus... plus rien ! Je suis aveugle et... et... et j'vais être innutiiiiiiile ! Je pourrais même pas voir le visage de Kira le jour où on le tuera et... et... je sers plus à rieeeeeeeen !!!

Petite session de crise d'hystérie presque normale pour quelqu'un qui vient de recevoir un choc pareil... même si son choix d'exemple est discutable (un jeu vidéo ? Vraiment ?). J'ai presque envie de devenir la narratrice de quelqu'un d'autre moi...

Enfin... en tout cas, penser qu'elle est désormais inutile à la cause et, plus particulièrement, à L la désespère sincèrement...

Invité

Si Yumi semblait avoir encaissé dans un premier temps, les conséquences de cette tragédie, tant la perte de Bob que les terribles séquelles dont elle souffrait, paraissaient la rattraper à une vitesse alarmante. Oui, l’homme qui avait été son protecteur, son ami, son ombre n’était plus, et avec lui, c’était aussi la vue qu’elle avait perdu. Or, pour une personne aussi active que Yumi, il imaginait bien le drame que cela devait représenter.

Si elle avait eu plus de force, il est probable qu’elle lui aurait broyé la main mais en l’état, elle paraissait surtout si fatiguée et si fragile. Voir la jeune femme fondre en larmes sous ses yeux était un spectacle insupportable pour le détective, si bien que ce dernier sortit de sa réserve habituelle et passa ses bras autour d’elle pour la serrer contre lui.

- Chut, murmura-t-il doucement, calme-toi.

L passa sa main dans son dos en cercles, de sorte à essayer de la calmer. Lorsqu’il eut l’impression que sa crise s’était quelque peu amenuisée, il reprit la parole d’une voix mesurée.

- Tu ne seras jamais inutile, Yumi. Ton utilité à notre cause, et à moi, ne se résume pas à tes talents de hacker ou tes infiltrations parmi nos ennemis. Je…

Les mots n’étaient pas faciles à prononcer. L n’était pas le genre de personne à dire ce qu’il pensait, et encore moins ce qu’il ressentait. Bien au contraire, pendant tout le temps passé en compagnie de Light et Misa, il s’était évertué à mêler des demi-vérités à des mensonges pour laisser planer le doute sur ses intentions. Light n’avait jamais su où s’arrêtait le masque de naïveté et où commençait le caractère implacable du détective. Misa l’avait simplement pris pour un pervers, et ne le percevait donc pas comme une véritable menace, ou tout du moins était-ce qu’il avait cru. Au final, la star plutôt écervelée avait servi de catalyseur à Light pour mettre ses plans à exécution…

L déglutit non sans difficulté et il prit une profonde inspiration avant de reprendre la parole.

- J’ai besoin de toi, Yumi. Je suis peut-être le cerveau de cette organisation mais tu en es le cœur. Je n’ai pas… je n’ai plus la résolution de mener ce combat, et même de vivre, simplement pour la cause, pour un idéal.

Il s’écarta légèrement d’elle, prenant ses mains dans les siennes pour qu’elle les pose sur son visage et sente ses traits sous ses doigts.

- Tu ne comprends pas… tu ne réalises pas l’importance que tu as prise dans mon existence. Cela m’est égal que tu sois aveugle, que tu gardes des cicatrices… tant que tu es en vie, j’ai une raison d’exister. J’ai besoin d’une personne à qui tenir, j’ai besoin d’une personne que… que j’aime.

Ses derniers mots étaient sortis dans un murmure étranglé, les mots sonnant tellement étrangers dans la bouche d’un homme qui ne les avait jamais prononcés pour exprimer ses propres sentiments. Il ne s’en était servi au préalable que pour caractériser les sentiments des autres, et souvent leurs faiblesses mais aujourd’hui, le grand L était tombé de son perchoir. Comme un ange dont les ailes auraient été coupées pour avoir succombé à la tentation des émotions humaines, il ressentait pour la première fois ce bonheur et cette vulnérabilité qui accompagnaient ce sentiment auquel il ne pouvait plus résister.

Invité

Yumi pleurait. Ça faisait des années qu’elle n’avait pas pleuré comme ça… elle ne se souvenait même pas de la dernière fois que ça lui était arrivé. Elle sanglotait sans pouvoir s’arrêter, pleurant à la fois sur la perte de ses yeux et sur ce que cela pouvait indiquer, pleurant sur Bob et sur ses hommes, morts par sa faute, pleurant pour la Cause, qui allait devoir se passer d’elle, pour elle, parce qu’être aveugle n’était ni agréable ni pratique… etc… Yumi avait beaucoup de raisons de pleurer en cet instant, et la fatigue, le choc et la douleur ne l’aidaient pas du tout à se calmer. Elle avait l’impression d’être emportée par un flot de larmes monstrueux, un genre de tsunami qui embarquait même les tortues sur son passage, quelque chose qu’elle se sentait totalement incapable d’arrêter.

Elle sentait les bras de Ryo autour d’elle, mais s’ils étaient rassurants, ils ne pouvaient endiguer ce gigantesque raz-de-marée de souffrance qu’elle ressentait. Ça faisait trop, juste trop… trop de choses en même temps, trop de choses à faire qui étaient désormais impossible, trop de choses déjà faites à présent inutiles, trop de morts, trop de larmes, trop de douleurs, trop de mots incompréhensibles… trop.

Yumi ne comprenait qu’à demi ce que lui disait L. Elle entendait, mais était trop occupée à se morfondre sur elle-même pou écouter vraiment. Quelques mots sortaient du lot pourtant, et la touchaient, la calmant lentement mais surement : « jamais inutile », « J’ai besoin de toi », « l’importance que tu as prise dans mon existence ». Là elle commença à arrêter de sangloter, se contentant de pleurer doucement en reniflant bruyamment, essoufflée par sa longue et violente prestation presqu’aquatique. « Une raison d’exister », « J’ai besoin »…

Poussant un petit soupir, elle se recula un peu, dégageant l’une de ses mains pour essuyer son visage en grimaçant à cause de la douleur provoquée par ce simple geste. Elle hochait la tête comme pour signifier à son interlocuteur qu’elle comprenait ce qu’il essayait de lui dire, qu’elle allait se ressaisir, revenir à elle et trouver des solutions, que tout irait bien, « d’une personne que… que j’aime », que même si… que…

- Quoi ?!

Elle leva ses grands yeux inutiles et les fixa sur l’oreille de Ryo.

- Qu’est ce que tu as dit ? Que tu… moi ?

Elle était choquée et dans un état pitoyable, mais s’il y avait bien une chose qu’elle avait compris c’était bien ça. C’était Ryo, L, quelqu’un qui ne parlait jamais pour ne rien dire, quelqu’un qui était toujours sérieux, tout simplement parce qu’il ne savait pas vraiment être autrement… ce qu’il lui disait, il le pensait toujours, il le lui avait déjà certifié, et même s’il faisait beaucoup de mystères sur beaucoup de choses, il n’aurait pas prononcer ces mots à la légère…

Elle appréciait l’idée, ça c’était une évidence, elle-même s’était déjà demandé plusieurs fois si ça n’était pas son cas. Il le lui avait déjà plus où moins avoué dans une conversation assez ressente, ce à quoi elle avait répondu d’une manière à peu près équivalente, mais entendre les vrais mots, en direct et tout… c’était quand même différent. Elle sourit doucement. Ses soucis ne furent pas balayés, loin de là, elle avait toujours une immense tristesse qui lui mouillait les joues, mais il la faisait sourire. Pas beaucoup, mais c’était déjà énorme. Le moment était mal choisis, elle avait beaucoup trop de choses en tête pour pouvoir gérer cette information supplémentaire, même si c’était quelque chose de bon et d’agréable (ce qui changeait nettement par rapport à ces dernières heures)… mais c’était doux.

- C’est fou… je le savais mais c’est… différent quand tu… enfin… Hum…

Elle avait envie de repousser tout ça et de s’effondrer à nouveau, de se complaire dans sa douleur encore un peu, revenir à la surface signifiait se pencher sur le problème. Elle n’avait pas envie de réfléchir, elle n’avait pas envie de trouver des solutions pour pallier à sa cécité, elle n’avait pas envie de recommencer à vivre aussi vite, elle considérait qu’elle avait quand même bien largement mérité son droit à la déprime après tout ce qui lui était arrivé ces derniers temps, après toutes les fautes qu’elle avait commises et qu’il ne serait jamais possible de faire réparer… mais tant pis. L lui avait dit qu’il l’aimait, c’était assez fort pour lui faire relever le nez doucement. Tant pis pour la déprime… maintenant il allait falloir qu’elle redevienne Alpha. Une Alpha aveugle, certes… mais une Alpha quand même. Ne serait-ce que pour L… ne serait-ce que pour Mordred… ne serait-ce que pour elle-même.

Elle utilisa sa main, qu’il tenait toujours contre sa joue, pour lui pincer amicalement l’oreille, et elle lui sourit à nouveau. Elle se pencha en avant pour l’embrasser sur la joue (bien entendu, ce fut sa pommette qu’elle embrassa, faute de viseur intégré), puis resta contre lui sans rien dire, remettant lentement son cerveau en marche…

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