When you need some fresh air [PV Alpha]

C'était un de ces soirs pluvieux comme elle les détestait. Un de ces soirs pluvieux durant lesquels, soudainement, elle se sentait terriblement mal. La pluie ne cessait de s'abattre sur la capitale tokyoïte et le vent terrible se déchaînait. L'immense appartement de Fate occupait le dernier étage d'un vertigineux building : c'était le genre de propriété que seuls les plus hauts-gradés de l'armée pouvait se permettre d'acquérir. Cet appartement, Fate l'appréciait beaucoup : bien que beaucoup trop grand pour elle seule et totalement impersonnel, il était plutôt agréable d'y vivre. Mais soudainement, ce qui était un lieu familier et rassurant était devenu froid et inquiétant. La jeune femme se sentait brusquement observée à travers cette baie vitrée et le spacieux appartement lui donnait désormais la sensation d'étouffer.

Elle avait peu de réponses à ce genre de crises d'angoisse : elle se contentait d'agir, de saisir son téléphone portable et de pianoter le numéro d'une de ses quelques connaissances. C'était ce qu'elle avait fait, enfermée dans sa chambre, volets clos, accrochée à son téléphone portable. Elle avait appelé James. James, elle l'aimait bien. Soit, ils se voyaient surtout pour la baise, mais il était bien plus compréhensif que les autres. Les autres se contentaient de tirer leur coup, lui prenait le temps de parler, voire de l'écouter. Et c'était plutôt appréciable, aussi idiot que cela puisse paraître. Entendre sa voix l'avait immédiatement rassuré. Elle se sentait déjà mieux et un peu moins en détresse. Quelques secondes suffirent pour qu'ils conviennent d'un rendez-vous : ce serait ce soir, chez lui – ça changerait de l'hôtel.

Fate avait raccroché, troqué son lourd uniforme contre une robe un peu plus plaisante, arrangé ses traits fatigués par la longue journée qu'elle traînait derrière elle et pris les quelques affaires dont elle avait besoin. Puis elle était partie, aussi vite que possible : sans doute avait-elle pressé au moins dix fois le bouton « Rez de chaussée » de l'ascenseur. Il lui fallait quitter cet endroit soudainement maudit. Une fois en bas, à l'air libre, elle s'était sentie mieux. Jetant son sac à main sur le siège passager de sa voiture, elle avait alors démarré à toute vitesse sa jolie berline noire et s'était enfoncée sur les grands boulevards fréquentés du centre-ville.

Bien évidemment, les choses ne s'étaient pas en suite passées comme prévu.

Fate était bien arrivée chez son amant. Il semblait bien réjouit de la voir comme elle l'avait espéré. Et les choses étaient d'ailleurs bien parties, du moins suffisamment pour annoncer une agréable soirée.

C'était sans compter une arrivée intempestive à laquelle il ne s'attendait pas.

Tout avait pourtant bien commencé quand ils avaient entendu une clé tourner dans la serrure et une voix féminine s'élever. Aussi brusquement qu'il s'était jeté sur elle, il avait sauté du lit en jurant et l'avait enfermé dans la penderie en lui priant de ne pas se faire remarquer. Il avait pourtant été formel : sa fiancée ne devait revenir que demain matin. Mais elle semblait avoir imaginer les choses tout autrement, persuadée que cette petite surprise lui ferait plaisir.

Et c'est ainsi qu'elle s'était retrouvée seule, assise et dénudée au fond de la petite penderie sombre, parquée entre les chemises de Monsieur et les robes de Madame. Et c'est ainsi qu'elle s'était retrouvée, quelques minutes plus tard, projetée par la porte sans un mot à un moment où la demoiselle tournait le dos. Il lui avait juste laissé le temps de revêtir sa robe, mais Fate supportait étrangement mal le traitement qu'il lui avait accordé. Elle s'était contentée de soupirer, revêtant son manteau. Il ne fallait surtout pas qu'on les voit ensemble. Son mariage risquerait de tomber à l'eau, se remémora t-elle en empruntant l'ascenseur.

Et puis elle se retrouva de nouveau seule, au milieu de cette nuit noire dans le quartier huppé de Ginza. En colère, elle serrait machinalement la hanse de son sac à main. Ca n'était pas la première fois que cela arrivait, mais jamais lui ne lui avait fait ce tour là. Elle marcha quelques minutes, à la recherche de sa voiture garée quelques mètres plus loin. L'idée de rejoindre son appartement lui arracha une grimace. Au fond, la nuit et l'extérieur s'annonçaient presque plus accueillant. La jeune femme resta quelques instants, là, devant le véhicule. Puis elle soupira à nouveau, une pénultième fois, reprit ses affaires et s'enfonça dans la foule nocturne.

Invité

La nuit, la pluie, le vent... une tempête assez faible qui arrivait lentement. Parfait. Yumi avait toujours aimé la pluie... maintenant elle l'adorait. La pluie réfrénait bien des ardeurs, elle calmait beaucoup de personnes "bien intentionnées" et faussait la vision quand il y en avait beaucoup. En gros, quand il pleut c'est plus facile d'être invisible.

Elle avait dormis une petite partie de l'après-midi, effondrée devant l'un de ses écrans, vaincue par la fatigue après une bonne partie de ses nuits précédentes à travailler... en fait, elle n'arrivait pas à se souvenir de quand datait sa dernière véritable bonne nuit de sommeil... où du moins bonne "durée"... tant pis, on peut même compter les jours à ce stade. De toute façon elle aurait très bien pu s'y perdre, ses journées elle les passait dans l'obscurité de sa planque, et ses nuits... Enfin disons que la nuit on est moins visible et que c'est le moment idéal pour glaner des informations, récolter des rumeurs, en répandre et prendre un peu l'air... elle avait décidé quelques mois auparavant de s'obliger à passer au moins une ou deux nuits par semaine dehors, histoire de respirer un peu.

Finalement elle s'était attachée à ces sorties et en faisait davantage... parfois même pour rien, juste histoire de prendre une pause. Mais ce soir c'était différent, elle avait quelqu'un à voir, à rencontrer... quelqu'un avec qui parler, même si c'était juste pour échanger deux mots...

Une perruque bleue électrique bien vissée sur son crâne, un maquillage plutôt soft mais dans les mêmes teintes et une sorte d'ensemble avec un leggin de la même couleur, un corset noir et bleu (toujours électrique) et des bottes noires remontant jusqu'au milieu de ses cuisses, des bracelets bien voyants, un collier dans le même goût et un nombre de boucles d'oreilles et de piercing factices à faire pâlir d'envie les pires spécimen d'accros à cette pratique. Yumi attrapa un parapluie en plastique transparent et s'extirpa de sa grotte.

Une fois arrivée là où elle le voulait, elle était restée tranquille pendant un moment... et puis celle qu'elle voulait voir avait finit par sortir de chez elle. La jeune femme l'avait suivie... et avait finit par s'installer en maugréant pour attendre que Gros-Seins finisse ce qu'elle avait à faire avec son mec... sauf qu'en fait non... elle s'était finalement faite éjectée de la maison, presque à poil (à part sa robe) dés que Madame était rentrée... d'accooooord !

En fait, Gros-Seins était une maitresse... Yumi sourit, amusée. A en voir le visage de la blonde, elle passait vraiment une sale soirée.

Ginza... même à cette heure et par ce temps ce quartier se démerdait toujours pour être noir de monde. Yumi laissa tomber son parapluie, tant pis pour l'eau froide il faudrait bien faire avec. Elle se glissa dans la foule à son tour en sortant une petite lame de sa poche.

Tout en marchant et en se planquant derrière ses cheveux bleus, elle réussi à contourner la rue dans laquelle passait Gros-Seins pour finir par arriver dans l'autre sens. Elle allait la croiser... elle espérait que son plan fonctionnerait, parce qu'elle était loin d'être une adoratrice de la douleur physique...

Quelques instants plus tard, ce fut une jeune femme en larme, la perruque bleue électrique de travers, les vêtements à demi déchirés, détrempés et couverts de sang qui s'effondra pile aux pieds de Fate. Elle avait la joue droite salement tailladée, une vilaine plaie au niveau de l'épaule, pareil pour sa cuisse gauche. Le devant de son corsait, au niveau du ventre, commençait à s'imbiber de sang, comme le prouvait la main qu'elle plaquait dessus, rougie et poisseuse. Elle était tombée à genoux devant la femme blonde, comme si elle avait trébuché, laissant les passants perplexes mais peu intéressés où inquiets pour cette originale qu'ils ne connaissaient même pas. Yumi leva un visage désespéré vers Fate, sa lèvre inférieure trembla et elle éclata en sanglots.

- Je... je vous en prie, aider moi ! Il... il va me tuer !

Elle n'avait rien vu venir, au milieu de cette foule. Rien vu venir du tout.

La jeune femme avait longtemps marché sans trop savoir où elle allait. Elle s'était mêlée à la foule des petits travailleurs du quartier de Ginza qui rejoignaient en masse leur résidence bourgeoise. Le couvre-feu approchait, et avec lui la disparition de cette profusion joyeuse d'étudiants et d'employés qui arpentaient les boulevards. Bientôt, elle serait seule. Seule avec quelques marginaux qui s'obstinaient à parcourir les rues sans tenir compte des règles. Elle s'était demandée ce qu'elle allait bien pouvoir faire, seule, une fois le quartier vide de toute vie. Retourner chez elle ? Ou errer un peu plus dans cette nuit sombre qui, désormais morne, perdait tout son côté rassurant... ?

Mais elle n'avait pas eu à se poser la question longtemps.

Soudainement, elle avait baissé les yeux vers cette chose, précipitée par elle ne savait quelle magie à ses pieds. Elle regarda au sol, quelque peu hébétée, et fut surprise d'y découvrir un corps ensanglanté. Fate releva quelques instants la tête, à la recherche d'un indice qui lui permettrait de comprendre la situation. Soudain, un espace s'était creusé autour d'elle tandis que les gens, paniqués, s'agglutinaient pour mieux voir la scène. Elle ne comprenait décidément pas comment quelque chose de semblable avait pu se produire sans que personne ne s'en rende compte.

La jeune femme ne cessait de geindre. Fate s'abaissa à son niveau, jetant son sac au sol. Enfin, elle prit le temps d'examiner la victime : c'était une femme, plutôt jeune et au look improbable. Un instant elle pensa qu'il fallait tout de même avoir de sales goûts pour penser pouvoir porter une perruque bleue mais cette considération sans importance lui parut futile. Elle observa les plaies dont son corps était recouvert : faites à l'arme blanche, elle ne semblait pas assez profondes pour être mortelles, mais suffisamment pour provoquer une atroce douleur. Fate esquissa une grimace à la vue de tout ce sang : celui qui avait fait ça était un amateur, ou juste un psychopathe, au choix.

« Police de Kira ! L'un d'entre vous serait-il médecin ou infirmier ?! Que quelqu'un appelle les urgences ! Quant aux autres, je vous demanderai d'évacuer les lieux ! » s'était-elle mise à hurler.

Elle n'eut droit qu'à quelques regards étonnés qui la toisaient d'un œil surpris. Il fallait dire qu'ainsi vêtue, accroupie sur ses hauts talons et peinant à garder une position correcte dans cette robe un peu trop courte, elle avait peu de crédibilité. En soupirant, elle sortit de son sac à main les papiers qui prouvaient son appartenance à l'armée, cria quelques consignes de plus et s'emporta sur l’imbécillité des gens jusqu'à ce qu'un urgentiste sorte de la foule.

Puis tout était aller très vite. L'ambulance était arrivée très vite et on avait transporté aussi vite que possible le corps de la jeune femme à l'hôpital. La soirée avait pris une drôle de tournure, mais devant cette situation incongrue, Fate avait choisi de rester au chevet de la demoiselle. Elle avait bêtement attendu la fin des soins et avait patiemment écouté le diagnostic du médecin. « Il ne fallait pas la brusquer » avait-il dit. Plus de peur que de mal, c'était l'essentiel. Ensuite, elle s'était assise dans la petite salle d'attente et avait attendu. Tantôt elle entamait la lecture d'un magazine, tantôt elle se levait pour observer la ville, tantôt elle sortait questionner les secrétaires. Les autorités étaient prévenues. On lui avait d'ailleurs fait comprendre qu'il serait préférable qu'elle attende avec la victime jusqu'à ce qu'on envoie un autre policier : il ne restait plus qu'à attendre... Elle avait même pris le temps de descendre acheter des fleurs : « ça se fait » lui avait-on dit. Et puis elle avait du temps à perdre, c'était plutôt rare.

L'attente fut longue. Et quand on l'autorisa enfin à entrer, minuit sonnait déjà. Fate entra, disposa les fleurs dans un vase et posa son sac à main. Elle prit place sur la chaise à côté du lit et lui adressa un sourire :

« Bonsoir. On peut dire que vous avez eu de la chance... ! Je suis chargée de vous veiller jusqu'à l'arrivée d'un représentant des autorités... Vous êtes ? »

Invité

- Je... je m'appelle Chihaya Kurosaki... je... Je ne sais pas quoi dire ou faire pour remercier... c'est... c'était...

La jeune fille se mit à pleurer. Les épaules secouées d'incontrôlables sanglots, elle essayait de continuer à parler, mais personne n'aurait pu comprendre les abominables sons qui sortaient de sa bouche. Elle avait remit sa perruque correctement, probablement pour un soucis esthétique fondamental pour une jeune fille s'habillant de la sorte, et avait même un peu retouché son maquillage... enfin dans la mesure du possible étant donné la longue éraflure qu'elle avait sur la joue.

Cette dernière ne nécessitant pas de points de suture, on la lui avait désinfectée en profondeur et on l'avait "emballée" dans un pansement si gros qu'il lui prenait presque la moitié de la figure. Ses vêtements avaient été remplacés par une petite chemise de nuit d'hôpital sans manches et lui arrivant mi-cuisses, les blessures de son épaule et de sa cuisse avaient, elles, étaient recousues en quelques petites agrafes rapides, rien de grave. La blessure qu'elle avait reçu au ventre quand à elle avait nécessité un peu plus de soins. Il avait fallu la recoudre soigneusement, la traiter et la panser beaucoup plus que les autres plaies. Cela n'avait rien touché de vital, mais ça restait une mauvaise blessure. Mais pas au point où elle ne pouvait quitter l'hôpital le soir même à condition qu'elle revienne dans quelques jours pour changer les pansements, et deux semaines plus tard pour voir où en étaient les points et retirer les agrafes.

Elle essuya ses yeux sur son avant bras, grimaçant légèrement parce que ça tirait sur ses blessures, et cessa de sangloter bruyamment. Elle restait secouée par quelques hoquets mais c'était tout.

- P... Pardon c'est juste que *hoquet* vous... vous m'avez sauvé la vie vous savez, ils *hoquet* ils voulaient vraiment me tuer !

Elle leva vers Fate un regard totalement désespéré, lui agrippa le bras de ses mains tremblantes et laissa ses larmes recommencer à couler.

- Oh je vous en prie, ne me laissez pas ici toute seule ! Je... je ne veux pas des "représentants" dont vous parlez *hoquet* vous... je vous ai entendue dire que vous faisiez *hoquet* partie de la police de Kira quand nous étions dans *hoquet* dans la rue... c'est vous l'autorité ! Je vous en supplie, j'ai tellement peur qu'ils reviennent... ils voulaient me tuer pour de vrai vous savez, ils veulent *hoquet* ils veulent aussi tuer Kira... tuer notre sauveur vous pouvez *hoquet* imaginer ça ? Ils sont fous...

Elle la lâcha, entoura ses jambes de ses bras en regardant devant elle dans le vide et commença doucement à bouger d'avant en arrière en répétant :

- Des fous... rien que des fous... et me tuer, ça oui... le tuer lui aussi... non... non, pas toute seule, non... des fous... rien que des fous...

Soudainement, elle s'était sentie un peu conne. Il fallait dire qu'en passant ce fameux coup de fil à son amant, elle ne s'attendait pas à se faire jeter, ni à rencontrer une victime ensanglantée et encore moins à se retrouver agrippée par une jeune femme en pleurs... !

Elle grimaça. Non pas que ce contact la dérangeait foncièrement, mais elle détestait ces grands élans pitoyables. Sans doute avait-elle beaucoup souffert, mais elle ne tenait pas particulièrement à servir de psychologue. S'il y avait bien quelque chose qu'elle détestait, c'était qu'on lui parle de problèmes. Des problèmes, elle en avait déjà sans avoir à faire face à ceux des autres. Aussi égoïste que cela soit, c'était comme ça. D'un geste doux, elle défit l'étreinte autour de son prix et la jeune fille se retira d'elle même. Fate esquissa un sourire :

« Chihaya, c'est cela ? C'est un joli prénom. » avait-elle dit sans se rendre compte du ridicule de sa phrase-type.

Il fallait dire qu'elles avaient peu de choses à se raconter. Et l'état quasi hystérique de la demoiselle n'arrangeait pas les choses. La jeune femme posa une main rassurante sur son épaule :

« Ne vous en faites pas. Par représentant, j'entends bien sûr des officiers de police : ils vous prendront en charge et vous n'aurez qu'à déposer plainte. Ils assureront votre protection. »

Elle se demandait bien ce qui avait bien pu arriver à cette excentrique aux cheveux bleus – au passage, il fallait préciser que cette perruque lui faisait perdre énormément de crédibilité dans le rôle de la victime. Fate n'avait pas pensé à demander des détails au docteur : elle espérait juste qu'il n'ait pas détecté la moindre trace de sévices sexuelles, cela serait sans doute plus difficile à surmonter. Elle soupira et recala son escarpin qui ne cessait de glisser de son talon.

« Vous vous sentez mieux, tout de même ? D'après l'infirmière, vous devriez vite vous remettre de vos blessures. »

Elle espérait ne pas avoir à lui faire la conversation ainsi pendant des heures. Non pas qu'elle l'agaçait, au contraire, son cas était important. Mais Fate détestait ce genre de tâches : l'attente. L'attente lui était toujours insupportable. Elle s'apprêtait à repasser un coup de fil au central, étonnée de voir que la relève n'était toujours pas arrivée, quand la jeune femme parla à nouveau. Elle rangea aussitôt son portable dans son sac et l'interrompit :

« Tuer Kira, vous dites ? Entendriez-vous que vous avez eu affaire à des résistants... ? »

Le silence se fit. Fate renchaîna aussitôt, comme soudainement prise d'intérêt pour ce qui s'était passé.

« Vous avez des noms, des visages ? Un portrait-robot, vous vous en sentez capable ? Vous vous souvenez peut-être des lieux, non ? Cela s'est passé en pleine rue ou vous a t-on emmené dans un autre bâtiment ? »

Adieu la diplomatie, adieu le tact ! Violentée ou pas, si ce qu'elle disait était vrai, sa déposition devenait urgente. Fate sortit un carnet et un stylo de son sac de cuir et croisa les jambes, à l’affût :

« Je vous écoute. Soyez claires, précises et rapides. L'arrestation de ces criminels dépend de votre coopération. »

Invité

La jeune femme sursauta brutalement et fixa Fate plusieurs secondes quand cette dernière sembla subitement s'intéresser à ce qu'elle racontait. Il lui fallu quelques secondes supplémentaires pour faire le point, puis elle tendit un papier froissé à son interlocutrice. Elle avait vraisemblablement gardé le papier en question dans sa main crispée tout le long de ce qui s'était passé, et ne s'en souvenait que maintenant. Sur le papier était imprimé un mail.

Citation :: ///Destinataires : [caché]

Sujet : Criminels en puissance

Expéditeur : Inconnu, zone Russie.///

En tant qu'observateur, je me permets d'envoyer cet e-mail à toute la population concernée.

J'ai remarqué une hausse de la criminalité, une criminalité extrême, dure et dangereuse qui pousse les usagers lambda à se cacher et à vivre dans la peur.

J'accuse !

J'accuse Kira !

Premier de ma liste, je l'accuse de :
- crime contre l'humanité avec préméditation et organisation.
- organisation terroriste
- propagande
- mensonges avec circonstances aggravantes
- meurtre de sang froid
- meurtre avec préméditation
- assassinats divers
- direction de secte informelle et non officielle
- utilisation des réseaux de communication à des fins criminelles
- falsification de preuves
- dissimulation de preuves
- incompétence
- intolérance
- élaboration d'un régime basé sur la dictature et la vénération abusive d'icônes non officielles
- maintient d'un régime de peur grandissante
- et tant d'autres que ne je puis les citer dans un e-mail.

J'accuse Darkwood Arashi !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation
- tortures physiques
- tortures morales
- privations intentionnelles
- détention abusive
- détention d'informations fausses dans le but de faire emprisonner des innocents

J'accuse Nathan S. Suzaku !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Fate Harlaown !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation
- séduction
- adultère

J'accuse Asashi Kure !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Cliodna Mc Loyd !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Kiyomi Takada !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Amane Misa !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Iwa Junichiro !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Tsuname Jin !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Flynn Carter !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

J'accuse Yamato Otani !

- obéissance aveugle
- vénération déplacée
- appartenance à une secte dangereuse pour l'humanité
- crime contre l'humanité
- non assistance à personne en danger
- meurtre
- complicité de meurtre avec préméditation

« Il n'y a aucune tradition "indépassable" qui puisse justifier la terreur, la mutilation, la torture, l'esclavage de toute personne humaine. »
- de Noël Mamère - Extrait de Ma république

« La peur est un cri, la terreur est un murmure. »
- Auteur Anonyme.

« Aucune cause juste ne peut être servie par la terreur. »
- de Kofi Annan - Extrait d'une déclaration le 11 Septembre 2001

« Dans ce monde, l'on n’a que la terreur pour se défendre contre l'angoisse. »
- de Louis Scutenaire - Extrait de Mes inscriptions

« Plains ceux qui ont peur car ils créent leurs propres terreurs. »
- de Stephen King - Extrait de La ligne verte

« La terreur est le sentiment qui arrête l'esprit devant ce qu'il y a de grave et de constant dans les souffrances humaines et qui l'unit avec la cause secrète. »
- de James Joyce - Extrait de Gens de Dublin

« Quand les despotes reviennent à la terreur, on peut dormir tranquille. Il n'y a là aucun progrès. »
- de Stanislaw Jerzy Lec - Extrait des Nouvelles pensées échevelées

« Des moyens très simples créent la terreur : une porte qui s’ouvre, un jardin sous la lune... On ne voit pas le diable et son oeuvre. »
- de Auguste Villiers de l'Isle-Adam

A bon entendeur...

A.

- J'ai... j'ai reçu cet e-mail ce matin, et je voulais le montrer à la police, une fois que j'ai pu me libérer, je travaille comme modèle vous savez, c'est très prenant comme emploi... bref... j'ai décidé de faire le trajet entre mon travail et les flics à pieds. Sur le chemin j'ai vu un panneau d'affichage avec presque la même chose placardée dessus. J'ai lu un moment en trouvant ça ridicule et j'imagine que je l'ai dis à voix haute... j'ai senti une grosse main tomber sur mon épaule sans la moindre délicatesse. Vous imaginez ? Il m'a presque arraché ma perruque juste avec ce mouvement ! Quel homme irrespectueux... bref. Qu'est ce que je disais ?

Elle sembla réfléchir quelques instants. Probablement encore choquée elle avait du mal à faire le point.

- Ah oui ! Du coup je me suis retournée et y'avait trois types débraillés à l'air peu sympathiques qui me dévisageaient avec un air méchant. J'ai tout de suite tendu mon porte-feuille au cas où, mais ils ont frappé dedans et l'ont laissé par terre. Je leur ai dis que je refusais de me faire violer, que ça manquait vraiment trop de savoir vivre de faire ce genre de chose... et je me suis pris une gifle. Mais une grosse en plus, du mec avec des grosses mains. J'ai cru qu'il allait m'arracher la tête ! Après le temps qu'il m'avait fallu pour me maquiller ça aurait été un tel gâchis !

Une minute de réflexion.

- Ah oui... après ils m'ont dit que ces affiches n'avaient rien de ridicule, que la personne qui les avaient posées là était probablement le type le plus censé de tout le pays, que je devais me mettre à genoux et demander pardon. Forcément je me suis indignée, j'ai dis que Kira était notre sauveur à tous, pas un vulgaire criminel... tout de même, le traiter comme le dernier des traitres, quelle horreur ! Alors qu'il en fait tellement pour nous !

Elle baissa les yeux et recommença à pleurer, silencieusement cette fois, tandis que dans ses yeux se lisait une terreur sans nom.

- Alors ils ont commencé à me frapper... fort et partout, comme s'ils voulaient me voir morte, là, sur l'instant, en pleine rue... et il n'y avait personne d'autre. J'avais tellement mal que je n'arrivais même plus à crier, j'avais le souffle coupé. Après ils ont sorti une lame en ricanant, c'était tellement sinistre ! Et puis... et...

Elle frissonna brutalement, regardant dans le vide. Des larmes continuaient à mouiller ses joues sans qu'elle semble s'en rendre compte.

- Ils voulaient vraiment me tuer... vraiment... ils disaient que j'allais crever, que Kira serait le prochain, que de toute façon tout était prévu et qu'il serait mort avant la fin de la semaine, qu'ils mettraient ma tête sur une pique à côté de la sienne et qu'ils nous laisseraient nous décomposer... ils ont dit...

Elle leva les yeux.

- Ils ont dit que ça se passerait la nuit... ils ont dit d'autres choses mais j'ai du mal à m'en souvenir pour le moment... les docteurs ont dit que mes souvenirs devraient revenir ces prochaines heures, que c'est le choc qui fait ça... et... ils voulaient vraiment me tuer !

Fate avait brutalement pris le papier des mains de la jeune femme et y avait jeté un œil professionnel. Au fur et à mesure que sa lecture continuait et que son regard parcourait le papier, ses sourcils se fronçaient peu à peu. Cette lettre était plus qu'absurde. Encore une de ces conneries désespérément envoyées par les rebelles dans l'espoir de faire changer le monde. Des mails comme ça, le gouvernement en recevait chaque semaine des dizaines : qu'ils soient anonymes ou revendiqués. Le document était signé d'un A majuscule qui lui rappelait vaguement quelque chose...

Pour tout dire, ce genre de chose n'était pas du ressort de l'Inquisition : le traitement de ces documents revenait au Ministère de la Censure et donc à ce cher Suzaku. Mais le bon fonctionnement des deux services nécessitaient une coopération de tous les instants et, à de nombreuses reprises, Fate avait eu à faire à des textes du genre pour mener à bien ses enquêtes. Elle avait déjà « rencontré » A dans ses lectures. Le gouvernement en savait peu sur ces individus qu'on appelait les « corbeaux » à défaut de connaître leur véritable nom. On les savait résistant, connu, influent mais de leurs actes on ne récupérait que ces tracts et mails : signés d'une majuscule. C'était là leur seul mode d'action : l'écriture. Et de la bouche des résistants interrogés n'était sorti qu'un pseudonyme : Alpha. Alpha. Autant dire qu'ils tournait en rond.

Cependant quelque chose la frappa à la première lecture si bien qu'elle se sentit obligée d'en relire un passage. C'était la première fois. Oui. La première fois qu'on la citait dans ce genre de pamphlet. Elle, et tous ces gens qui agissaient dans l'ombre pour Kira : même Jin, simple secrétaire, était accusée des pires crimes. Un sourire s'afficha sur le visage de Fate à la vue des simples mots « adultère » et « séduction ». Elle laissa échapper un rime : si plaire était un crime, où allait le monde... ?

D'un geste, elle froissa le papier entre ces mains et le jeta derrière elle, un sourire aux lèvres :

« Vous vous en faites pour bien peu. Ces accusations sont quotidiennes, vous savez. Mais c'est très citoyen de votre part d'avoir voulu nous l'apporter. Si ce document est parvenu jusqu'à vous, notre quartier général ne devrait tarder à le recevoir. »

Elle poussa un soupir et se releva finalement pour jeter le bout de papier froissé dans une corbeille. Cette histoire sonnait étrangement à ses oreilles. Les résistants étaient de sales vermines, il n'y avait pas de doute, mais ils n'usaient que très rarement de la violence. Seuls quelques groupes extrémistes pratiquaient ce genre d'actions, et c'était rarement de la violence purement gratuite. De plus, ce genre d'humiliation ne leur ressemblait pas. Les résistants ne se manifestaient que quand ça en valait la peine... Sans doute était-elle tombée sur les mauvaises personnes, pensa t-elle. Après tout, ça importait peu : on ne les retrouverait pas.

Fate posa une main sur celle de la jeune fille : plus parce que l'éthique le voulait que parce qu'elle ressentait vraiment de la compassion.

« Calmez vous. Personne ne vous tuera. Je conçois le fait que cela ait été impressionnant et terrifiant, mais ils ne reviendront plus. Ils n'ont aucun moyen de vous trouver. Ils ont juste cherché à vous intimider, à vous humilier et à vous convaincre de vous plier à leurs règles. Vous n'avez pas à craindre pour votre vie. Les rebelles parlent, mais n'agissent jamais... Souvenez vous en ! Votre vie n'en sera que plus simple. » avait-elle rajouté avec un sourire.

Un homme en uniforme entra: elle le salua d'un geste de la tête et l'invita à s'asseoir à sa place :

« Mon collègue va prendre votre déposition, soyez claire et précise : l'arrestation de vos agresseurs en dépend. »

Invité

- CHIHAYA !

Un jeune homme probablement âgé de quelques petites années de plus que la fille aux cheveux bleus entra dans la chambre en fracassant pratiquement la porte. Il était échevelé et sa perruque rouge partait dans tous les sens. Il avait le même style vestimentaire que Chihaya, sauf que c'était très... trop... rouge. Un style discutable... il faisait fureur dans le milieu "underground", mais bon... chacun ses goûts.

Il ignora totalement Fate et son collègue pour se jeter sur le lit, touchant les pansements de la jeune fille, criant au scandale, lui redressant sa perruque bleue avec un soin presque religieux, caressant sa joue libre, murmurant des paroles rassurantes pendant que la jeune fille finissait par craquer. Elle se blotti dans les bras de l’intrus bruyant et se mit à sangloter. L'homme se tourna alors vers Fate et la fusilla du regard.

- Vous êtes qui vous ? Vous voulez quoi avec vos saloperies de papiers ? Elle peut pas venir vous raconter tout ça plus tard non ? Vous voyez pas qu'elle a été atrocement torturée et mutilée ? Ô Dieu comment vais-je pouvoir rattraper ça hein ? On a une séance de photos dans à peine deux semaines et regardez ! MAIS REGARDEZ SON VISAGE !!! C'EST UNE HONTE, UN SCANDALE !

- Calme toi chéri... elle m'a sauvé la vie tu sais...

- Ah... eh bien merci.

Il se tourna vers le flic, Fate n'avait pas l'air de faire partie des autorités et il avait râlé contre elle parce que tourner la tête vers celui qui tenait lesdits papiers était trop chiant. Mais tant pis.

- Vous allez retrouver ces enfoirés n'est ce pas ? Sinon j'les trouve moi même et je... et je...

Il regarda sa main parfaitement manucurée.

- Et je les envoie chez quelqu'un qui pourra les tabasser à mort sans craindre pour ses ongles. J'ai aussi une réputation à tenir moi, comme Chihaya... nous serons bientôt célèbres vous savez...

Finalement la jeune femme lui fit entendre raison, une infirmière avec beaucoup de patience le fit descendre du lit et rejoindre un fauteuil. Les yeux gonflés de larmes qui se détachaient sous la perruque bleue se tournèrent vers Fate et son collègue d'un air résigné.

- Si... si vous pensez que c'est mieux je... je veux bien faire ma déposition maintenant mais... je risque de pleurer un peu... c'était vraiment difficile à vivre, alors le revivre...

Elle parla un peu, pleura beaucoup, gémit même plusieurs fois mais finit par raconter la scène le plus "réellement possible", comme elle disait. Elle avait même une description plutôt précise de ses agresseurs, qu'elle avait bien entendu pioché parmi les visages des casseurs qui se faisaient passer pour des résistants histoire de pouvoir fracasser des civils juste pour le plaisir. Yumi n'aimait pas ces gens et avait la flemme de s'en occuper elle-même. Les balancer aux flics était une technique comme une autre après tout... non ?

Debout, prête à laisser son collègue s'asseoir à sa place et prendre cette déposition, Fate n'avait pas trop compris ce qu'il venait de se passer. Elle s'était contentée de suivre du regard cette tornade rouge qui traversait la pièce en hurlant jusqu'à ce qu'il se jette sur la demoiselle. Le spectacle avait quelque chose de pitoyable. Il fallait dire que leur accoutrement y était pour beaucoup : l'une arborait le bleu avec un mauvais goût très marqué, le second était vêtu d'un rouge si vif qu'elle en avait presque mal aux yeux. Elle peina à comprendre qu'il s'agissait d'un jeune homme : sa perruque et son maquillage outrageux le travestissait très bien.

La jeune femme le regarda redresser la perruque de la blessée en souriant. Non, décidément, elle ne comprenait vraiment pas ces jeunes qui ressentaient le besoin de se donner en spectacle pour devenir les nouvelles étoiles montantes de la mode tokyoïte. Tokyo était une ville très hétéroclite, soit, mais les modes de certains quartiers l'étonneraient toujours autant. Il suffisait de voir la manucure soignée du jeune homme pour le comprendre : il y passait sûrement plus de temps qu'elle.

D'un regard désapprobateur, elle fit signe au jeune homme de s'écarter de la blessée. Mais ces regards pourtant explicites ne semblaient pas l'atteindre pour autant tant il était occupé à crier au scandale. Fate roula les yeux au ciel avant d'empoigner l'homme par le bras et de le forcer à se défaire :

« Atrocement mutilée ? Estimez vous heureux, elle aurait pu tomber sur bien pire. Et je pense que cette séance photo est le cadet de vos soucis, non ? Dites vous que c'est une chance qu'elle ait échappée au pire ! »

Fate l'écouta une nouvelle fois déblatérer ses âneries en grimaçant. Les bras croisés sur la poitrine, le regard impatient, elle faisait pourtant tout pour lui montrer sans avoir à s'énerver qu'elle ne souhaitait qu'une chose : le voir partir, ou se taire à la limite. Puisque Monsieur ne semblait toujours pas comprendre, elle se décida à agir. D'un regard – puisque lui, sensiblement, le comprenait, elle fit signe à son collègue de conduire le jeune homme hors de la salle.

« Oh je payerais cher pour vous voir vous battre contre de pareils individus. Soyez gentils, épargnez nous un cadavre de plus. On a du travail, nous. Enfin, je veux dire du vrai travail, pas des séances photo, vous voyez ? »

Elle jeta un œil vers la jeune fille encore au lit et lui fit signe de ne pas s'inquiéter.

« Donc vous allez gentiment sortir de cet hôpital, n'est-ce pas ? Allez faire un tour dehors, pensez à votre futur célébrité, vous serez sans doute plus utile là-bas. » finit-elle tandis que son collègue refermait la porte derrière laquelle il avait laissé l'excentrique.

Fate revint sur ses pas et s'adossa à un mur en soupirant. Elle s'adressa à Chihaya, un sourire presque entendu aux lèvres :

« Si c'est avec lui que vous devez bosser chaque jour, j'admire votre patience. »

Durant les quelques minutes qui suivirent, elle se contenta de se taire, laissant son collègue prendre la déposition. Elle prit même quelques minutes pour aller fumer une cigarette dehors. Quand elle revint, cigarette aux lèvres, il semblait que le policier ait fini. Elle le pria poliment de bien vouloir rapporter le dossier au commissariat en précisant bien que la victime n'était pas disponible pour le moment. Une fois le policier parti, elle reprit place sur la chaise et croisa les jambes.

"Dites moi juste, c'est la première fois que vous tombez sur un tract comme celui qu'on vous a distribué ?"

Puis elle marqua une pause et lui tendit son paquet de cigarettes :

« Je suis très impolie, vous fumez peut-être ? »

Après tout, que pouvait-elle faire d'autre que d'engager la conversation à une heure aussi tardive... ?

Invité

Chihaya secoua la tête négativement, mais prit quand même une cigarette. Quand on a frôlé la mort ainsi on mérite bien une petite compensation. Elle l'alluma, respira la fumée... et fut prise d'une quinte de toux mémorable. C'était horrible, elle avait l'impression de respirer du sable brûlant, comme si quelque chose essayait de faire fondre sa gorge de l'intérieur en partant de ses poumons. Mais bon... au moins elle s'infligeait cette douleur et cette sensation désagréable elle même, personne ne le faisait pour elle... alors elle recommença à fumer d'une bouche tremblante. Elle toussa moins la seconde fois, et encore moins après... elle aurait même pu y prendre goût si ses papilles gustatives avaient bien voulu coopérer un peu. Mais bon tant pis...

- J'en ai déjà reçu, mais celui là était plus... comment dire... disons plus fort que les autres. Ils ne se contentent plus d'avoir des idées différentes, maintenant ils mettent des noms sur des crimes affreux avec des accents de vérité effrayants. Vous voyez ce que je veux dire ?

Elle leva des yeux de biche effarouchée sur son interlocutrice.

- Quand j'ai lu ça j'y ai cru... je veux dire, vraiment cru. Je sais que c'est faux, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'y croire. Il est dangereux ce message... s'ils commencent déjà à mettre des mots aussi forts dans leurs affiches et leurs e-mails, il y a beaucoup de gens qui vont bientôt commencer à douter du gouvernement, peut-être même de Kira... et moi j'aime ce monde sans criminalité.

Elle baissa les yeux et se remit à pleurer.

- La seule fois de ma vie où je me suis faite agressée ça a été à cause de ce tract... et par des résistants en plus. Comment voulez-vous que je me sente ? C'est horrible ! Ils parlent de paix et font une sorte de guérilla dans les rues, s'attaquant à d'innocentes jeunes femmes qui n'ont rien demandé à personne... comment les prendre au sérieux hein ?

Elle porta à nouveau la cigarette à sa bouche et redevint muette, le regard perdu dans les lumières de la ville qui brillaient au delà de la fenêtre de sa chambre.

Alpha en avait assez vu, assez entendu et assez dit. Elle avait envie de rentrer chez elle, de virer tout ce maquillage et ses fringues ridicules, de prendre une douille brûlante et se se balader en string dans sa chambre sans que personne ne vienne la faire chier. La foule, les discussions... elle aimait ça bien sûr, mais ça faisait longtemps et elle n'était plus vraiment habituée, elle avait besoin de calme, de réflexion... et il fallait qu'elle envoie un e-mail à L. Son ami dû le sentir parce qu'il pénétra dans la chambre à nouveau...

- Chérie, j'ai remplis tous les papiers tu as le droit de sortir maintenant. Y'aura des soins à faire et tout, tu devras revenir pour des contrôles mais on peut s'en aller.

Il fusilla Fate des yeux d'un de mépris typique des artistes qui se sentent incompris et aida Chihaya à se rhabiller, se répandant en excuses d'une mièvrerie à pleurer à chaque fois qu'elle avait un petit sursaut à cause de la douleur provoquée par ses mouvements.

La jeune fille, une fois presque correctement habillée, et même re-maquillée, tendit une petite carte de visite à Fate.

"Chihaya - chichihayahaya<3modelphoto@photo.mail.com - <3"

- Comme ça vous pourrez me contactez si vous avez besoin d'un photographe, vous êtes une femme magnifique et vous m'avez sauvé la vie, je vous dois bien ça... et puis comme ça j'aurais votre mail si jamais je vois d'autres tracts comme celui-là, et je n'aurais pas besoin de me faire agresser pour vous les apporter.

Elle lui adressa un dernier sourire triste et s'en alla, largement soutenue par son ami...

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