La fille aux cheveux couleur carotte. || Pv Abetha

Demain, ça allait être le jour J. Demain, Abetha allait faire sa première mission importante pour le camp de rebelles auquel elle appartenait. Demain, elle allait enfin servir à quelque chose dans la lutte contre Kira. En quelque sorte, elle était joyeuse. La rousse observait les passants. Elle faisait partie de ce monde, et pourtant, la plupart de ces gens ne pouvaient même pas savoir qui elle était. C'était drôle quand même, de se balader dans les rues de Tokyo pour la lutte contre Kira, tout en se disant que la plupart des personnes étaient des pro-Kira. Sur ses lèvres se dessinait l'un de ses rares sourires. Il fin et discret - tout comme elle. Enfin, c'est ce qu'on pouvait croire. À un moment, elle avait un sentiment bizarre. Vous le connaissez certainement - c'est cette impression paranoïaque qu'il y a là, derrière vous, quelqu'un qui vous suit et qui observe chaque pas que vous faites. Quand vous vous retournez, le chemin derrière vous est vide, et personne ne semble s'occuper de vous. Vous reprenez le chemin, tout en sachant qu'il n'y a aucune raison au monde pour que quelqu'un vous suive. Et là, il revient encore, ce putain de sentiment.
Abetha eut un moment de frayeur. Au final, ce n'était pas non plus impensable que quelqu'un la poursuivait. Et si c'était bien le cas, il y avait deux possibilités: soit, c'était un rebelle qui vérifiait bien qu'elle n'était pas un espion de Kira - ou alors, c'était justement l'un des hommes de Kira, qui avait découvert qu'elle n'était pas une simple serveuse dans un café. Encore une fois, elle se retournait. Une femme aux cheveux noirs était derrière elle. Elle ne se distinguait - du moins aux yeux d'Abetha - pas spécialement de la masse d'asiates autour d'eux. Et pourtant, c'était comme si une alarme sonnait dans sa tête. Instinctivement, elle allait plus vite. Ce n'était pas normal qu'elle se sentait tellement poursuivie. Devenait-elle folle maintenant, avec tout ce qui lui arrivait ? C’était probablement juste une jeune femme qui devait prendre par hasard le même chemin qu’elle. Abetha ferma les yeux et inspira fortement. Ce n’était pas la première fois que ça lui arrivait. Combien de fois avait-elle déjà eu le sentiment d’être observée ? Cela devrait être devenu une habitude entre temps.
Enfin, la rousse céda à son instinct. Elle s’arrêta nettement. Elle se retourna.
« Bon, qu’est-ce que tu me veux ? » Demanda-t-elle d’un ton plutôt désagréable. Elle n’avait jamais été le type de personne pour poser de telles questions d’une manière aussi franche. Le fait de faire partie d’un camp de rebelles l’avait changé. Elle voyait le monde d’une autre façon qu’avant. Elle voyait plus de mal que de bien. Elle voyait des pièges là où il n’y en avait pas. Mais surtout, elle se sentait capable de faire bien plus que ce qu’elle était en réalité. Cela pouvait devenir dangereux pour elle un jour, et elle le savait. Mais pour l’instant, elle devait s’occuper de cette situation qu’elle avait provoquée. Elle fixait la jeune femme en face d’elle en attendant une réponse. Elle commençait à devenir nerveuse. Elle était saisie d’angoisse tout à coup.

Tout en attendant sa réponse, Abetha se mit à réfléchir. Elle avait l’air bien ridicule « d’agresser » des gens sur la rue comme ça. Si ça se trouvait, il s’agissait vraiment simplement d’une passante qui devait par hasard aller dans la même direction qu’elle. En fait, elle se dirigeait simplement vers son appartement. Elle vivait dans une zone plutôt fréquentée. Que d’autres gens seraient amenés à y aller était plutôt probable. Pourquoi alors autant fusiller du regard cette fille ? Probablement parce qu’elle avait peur. Elle voulait savoir où elle en était. Si elle se faisait vraiment poursuivre, ça ne pouvait être un bon signe. Il fallait qu’elle mette tout ça au clair – et rapidement. La rousse ne pouvait pas vraiment lire une émotion précise dans le visage de la jeune femme. Elle devait avoir son âge à peu près. Sa réponse était plutôt… moyenne ? Enfin, elle ne donnait pas beaucoup d’informations.
« Dis toujours. »
Répondit-elle, en cherchant le regard de son interlocutrice qui, aussitôt, s’alluma une cigarette. Elle avait l’air soulagée par ce geste. Que penser de cette femme ?
Et là, elle se mit à expliquer pourquoi elle la suivait. Déjà, c’était bien une preuve qu’Abetha n’était pas paranoïaque. C’était plus ou moins une bonne nouvelle. Par contre, quel était l’intérêt de suivre une personne à cause de sa couleur de cheveux ? L’anglaise prit un air étonné.
« Je vois… »
Commença-t-elle. C’était pour gagner du temps. En réalité, elle réfléchissait si cela était simplement une excuse stupide, trouvée par une excellente menteuse qui la poursuivait au nom de Kira, ou si la personne en face d’elle lui dit vraiment la vérité.
« Je ne vois quand même pas le lien. Ça t’avançait à quoi de me suivre ? Je veux dire… »
Elle ne savait pas ce qu’elle voulait dire. La peur la saisissait de plus en plus. C’était ridicule. N’importe qui pouvait raconter ce genre de choses. Personne n’était aussi idiot. Personne n’était capable de suivre quelqu’un pour la simple et bonne raison qu’il le trouve étrange. C’était tout sauf normal. Il fallait qu’elle retrouve son sang-froid. Ça ne l’avançait à rien de paniquer au beau milieu de la rue. Ça attirait encore plus l’attention que ses cheveux. Elle devait vraiment penser à se les teindre en noir. C’était laid et vraiment douloureux de penser à une telle chose, mais vu ce qui lui arrivait, elle n’avait bientôt plus le choix. Ce n’était pas bon de se faire remarquer si on avait quelque chose à cacher…

Pourquoi ses cheveux ? Oui, en effet, c’était bien ce qui tracassait Abetha. Elle savait bien que ce n’était pas tout à fait courant d’avoir des cheveux roux au Japon, mais à aller jusqu’à la suivre... Ce n’était tout de même pas normal. Et pourtant, elle restait là, plantée devant cette jeune femme qui racontait visiblement n’importe quoi. Peut-être elle était intéressée par ce qu’elle avait encore à dire. Au final, elle devait faire face à la réalité : les gens pouvaient la poursuivre, n’importe quand, et n’importe comment. Si elle voulait un peu savoir comment ces gens-là fonctionnaient, c’était peut-être le moment idéal pour rester ici. Ceci dit, elle n’était toujours pas sûre si la jeune japonaise connaissait son secret, ou si elle disait effectivement la vérité.
« T’as des instincts bizarres, si je peux me permettre de te dire ça. »
Un air de mépris, voire même de dégoût se dessinait sur le visage de la rousse. L’alibi en soi n’était pas très crédible. C’était comme si elle allait suivre des personnes qui avaient l’air d’être d’origine britannique. Elle observait la japonaise, qui jeta son mégot dans une poubelle. Elle se dit que la jeune femme ne pouvait pas être très intelligente. Les poubelles contenaient souvent du papier, et du papier avec un mégot qui portait encore une toute petite braise pouvait facilement finir en incendie. En plus, ils étaient au plein milieu de la ville. Cette femme n’avait visiblement aucun respect pour les autres personnes qui vivaient sur terre.
« T’as beaucoup voyagé ? »
Demanda-t-elle, parce que l’histoire de la ‘partie de sa vie’ l’intriguait quand même un peu. Les gens qui voyageaient – surtout tellement jeunes – ne faisaient pas partie d’une classe normale, c’était certain. Au final, la femme osait encore se présenter sous le nom de ‘Ayuka’. C’était… étonnant ?
« Euh… »
Abetha ne savait pas trop ce qu’elle pouvait répondre. Sur le coup, elle était choquée. Pourquoi se présenter ? Cette conversation n’avait pas beaucoup d’intérêt, et n’allait probablement plus aller très loin. L’attitude de la japonaise était plus que perturbante. Cette fille était VRAIMENT bizarre. Cependant, il ne fallait pas oublier sa bonne éducation. Même si elle n’était pas sûre que cela était une bonne idée, elle se présenta :
« Je m’appelle Abetha. »
Elle ne savait pas trop par quel geste elle pouvait accompagner ses mots. Alors, en tirant ses manches un peu plus sur ses mains pour avoir un peu plus de sureté, elle recula de quelques petits pas. C’était certes un geste étrange. Un geste qui pouvait mal être interprété. Les prochains mots de la japonaise ne pouvaient qu’affirmer sa pensée. Ce n’était pas évident de croire quelqu’un qui était tellement louche et qu’on rencontrait dans la rue.
« Qu’est-ce qui te dit que j’ai peur ? Je suis… simplement méfiante… »
Elle tourna sa tête de gauche à droite, 1 fois, deux fois, 3 fois, quatre fois. Aucun visage connu ou suspect n’avait l’air d’être proche d’eux. Peut-être c’était vrai. Peut-être elle avait rencontré cette ‘Ayuka’ par une simple coïncidence. Si elle n’avait pas tellement peur qu’on découvre son secret, elle n’en serait peut-être pas là.
« Et puis, tu ne devrais pas te mêler de choses qui ne te regardent pas. Rien ne te dit que je cache quelque chose. Je ne me sens simplement pas très en sécurité. »
Ses mots n’arrangeaient pas l’affaire. Si elle était en face d’une admiratrice de Kira – ce qui était hautement probable – elle n’empirait que sa situation avec ce genre de déclarations.
« Je veux dire, même si le tout-puissant Kira est capable d’éliminer tous les criminels, je reste un peu paranoïaque, voilà tout… »
En effet, elle avait un don pour se foutre dans des situations de m****.

Abetha se sentait un peu seule. Comment est-ce qu’elle faisait pour se mettre dans des situations comme ca. Une demi-heure auparavant, elle n’avait pensé à rien de mal. Elle serait rentrée chez elle, aurait préparé un déjeuner, et aurait fini la journée en toute tranquillité avec un bon vieux bouquin entre les mains. Et là, non, elle se les gelait sur la rue avec cette Ayuka, qui devenait de plus en plus mystérieuse. Maintenant, elle s’était enfin décidée à terminer sa phrase. Abetha n’aimait pas les gens qui ne finissaient pas ce qu’ils commençaient, et qui intercalaient des ‘non rien’ ou des ‘laisses tomber’ à chaque conversation. C’était extrêmement impoli d’après elle. En plus, au Japon ils étaient censés être tellement bien élevés. Apparemment, pour cette jeune fille ce n’était pas le cas.

« Abetha… Fais attention à toi. Je veux pas te faire peur, surtout qu'on se connait pas, mais non tu n'as pas fait de faute, tu as juste dit que tu es parano. Et dans la société actuelle, il faut le garder pour soi, tu vois. Après, prend le comme tu veux, je te donne juste un conseil. »

Et vlan. La rousse ne savait plus quoi dire. C’était douloureux d’entendre ce genre de trucs. Surtout avec le petit ‘prend le comme tu veux’ à la fin de la phrase. Ça voulait dire quoi ça maintenant ? Elle était perturbée. En général, sa logique ne l’abandonnait jamais. Mais elle avait beau repasser cette phrase des milliers de fois dans sa tête, elle ne donnait aucun sens.

« Mais… »

C’était non voulu. Elle se mordit la lèvre. Pourquoi avoir commencé à parler ? Ça aurait été le moment idéal pour partir.

« Oui, tu as raison, je ferais attention à ça la prochaine fois. »

Elle était tellement stupéfaite par ce qu’on lui avait dit, qu’elle ne savait plus vraiment ce qu’elle aurait pu répondre. Ok, elle
était parano, mais c’était surtout qu’elle avait peur de Kira. Et là, avec ce qu’elle avait dit, l’autre s’en était peut-être rendu compte. Elle était au bout de ses nerfs, mais elle cherchait à cacher cet état, à se donner légèrement mal à l’aise, mais pas trop…

« Écoutes, je ne sais pas ce que tu crois, mais c’est faux, ok ? »

Quelle phrase inutile. Le désespoir lui faisait dire n’importe quoi. Elle ferait mieux de se taire maintenant. Et de partir, surtout. Mais ses pieds ne bougeaient pas. Elle ne pouvait en lever aucun, ne pouvait s’enfuir. C’était comme dans un cauchemar.