« Si tu fais un jour un article sur moi, ça sera sûrement pour dire que je t'ai foutu une bombe dans le ventre. »
Aaaaah... la fameuse bombe cachée dans un corps humain, c'était un truc qui restait gravé depuis un moment dans le crâne de Crazy. Il n'avait jamais eu l'occasion de le faire, et les années passant, il en avait de plus en plus en vie. Ce que la personne allait ressentir, il s'en foutait. Ce qui l'intéressait, c'était comment son corps cèderait sous le coup, la manière dont son ventre exploserait. Est-ce que les sucs gastriques allaient jaillir — par exemple — comme un torrent ? Où est-ce que tout serait tellement ensanglanté qu'il serait impossible de retrouver les organes ? Ou une trace de la bombe humaine ? Son imagination était trop limitée, pourtant, lorsqu'il songeait à ça, Crazy Snake sentait des frissons parcourir ses membres. De délicieux frissons d'excitations, et ses entrailles ronronnaient de plaisir, tandis que son cerveau élaborait tous les scénarios possibles.
Qu'est-ce qu'il pourrait utiliser de mieux pour une bombe humaine ? De la dynamite ? Des composants particulièrement nocifs pour le corps humain ? Voilà le genre de considérations qui le préoccupaient. Il décrocha encore une fois de ce que lui racontait Yuno, mais son sourire mauvais était revenu. Comme toujours. Ce rictus abominable de quelqu'un qui n'a rien à perdre, et qui prend le monde pour son plus beau terrain de jeu. Il aspira une grande bouffée de cigarette.
« Ils sont en train de décider de ton sort. La rançon qu'ils ont envoyée a pas plu. Donc... bah ils vont probablement te tuer. »
Eh quoi ? Ce n'était pas le genre du borgne de mentir ! Il avait lâché la vérité avec nonchalance, occupé à boire et à fumer, et à contempler sa cigarette comme la plus belle merveille du monde. Lorsque Yuno lui « proposa » de l'aider à sortir, Crazy l'observa comme si c'était une créature bizarre avec des oreilles pointues. Son rictus disparut vite, et il continua de la fixer, il haussa les épaules. Lui ? Aider quelqu'un ? Mais elle était pas bien dans sa tête, ou quoi ! Depuis quand il aidait les autres ? Hein ? Crazy Snake soupira, il massa sa nuque, puis il déclara sur un ton blasé :
« En fait... je vais t'expliquer un truc. Le bien et le mal, j'en ai rien à foutre, mais tellement rien à foutre que je range ça derrière la première fois où je me suis branlé, compris ? Ensuite... nan tu déconnes ? T'es pas bien ? Si moi je t'aide, c'est MOI qui vais me retrouver dans une situation de merde. Je collabore avec eux, je suis pas leur chef ; ils me payent, et je fais ce qu'ils me demandent, même s'ils ont des goûts de tapettes dans la matière... »
Il lui était très pénible de ne pas mentionner que son boulot, c'était de faire exploser des trucs. Il adorait parler de son travail ! Mais si Yuno survivait, il serait dans une situation catastrophique si elle le savait, et décidait de retourner ça contre lui.
« Les mecs... c'est des Yakuzas, et crois-moi mon expérience, je préfère pas rigoler avec eux, sinon on devra me repêcher dans la baie de Tokyo. Tu m'as bien regardé ? J'veux dire... j'suis roux, et borgne, tu crois vraiment que j'ai la gueule du gentil prince charmant là pour courir après une pétasse en dentelles ? Nan. Si t'avais fait deux bonnets de plus, et si tu avais été naturellement brune, ouais, j'aurais peut-être consenti à t'aider. »
Crazy Snake avait certaines grosses faiblesses, les poitrines opulentes et les jolies brunes en faisaient partie. Au moins, il avait la gentillesse de dire à Yuno pourquoi il n'allait pas l'aider, et ce qu'il lui manquait surtout.
« Et tu crois que c'est drôle pour moi ? J'dois attendre qu'ils se décident de ton sort. Qu'ils décident de t'empailler, ou de te ligoter au bout d'une canne à pêche, c'est pas mon problème, c'est du temps que je perds, alors que je pourrais préparer un autre atten... »
Crazy mordit sa langue, un genre de réflexe que les deux neurones ayant survécu à la nicotine dans son crâne eurent. Il eut un sourire crispé, et il s'empressa d'ajouter :
«... tivement à la framboise. »
D'accord, ça ne voulait strictement rien dire, mais comparer à la grosse connerie qu'il avait failli faire, c'était bien ? Il se redressa brusquement, et il tenta de reprendre une apparence de grand méchant classe qui ne dévoile absolument pas ses plans à la gentille héroïne qu'il est certain de tuer.
« Donc ouais, c'est triste pour toi, mais comme tes amis du Cavalier Noir en ont strictement rien à foutre, tu vas mourir. Si tu veux, j'demanderai à m'en charger personnellement. »