Il faut faire bouger les culs graisseux.

Quelle idée saugrenue c’était encore. Near et les voyages, ça faisait facilement vingt-deux, et encore, c’est gentil. C’était bien la dernière personne à laquelle on aurait pensé pour mener à bien ce projet, et justement, c’était là toute l’intelligence du plan en question. Mettez un asocial confirmé qui a des tendances agoraphobes comme porte parole, et personne ne pensera une seconde que c’est lui qui fait du ramdam. Malin, n’est-il pas ?

Ouais. Sauf que Near, en dépit de toute la bonne volonté dont il pouvait faire preuve, était vraiment bien embêté. Il avait une flemme monumentale de bouger son popotin jusqu’à un autre continent, totalement. Mais, pas le choix. Donc, il avait enfilé des chaussures, une veste, et quelque chose de plus décent que son espèce de pyjama blanc dans lequel il aime passer ses journées. C’est confortable, mais c’est pas hyper pratique ou présentable. Et ça fait pas sérieux surtout.

Near a toujours eu une certaine appréhension à prendre l’avion. Pour lui c’était pas tout à fait naturel pour l’homme de voler. Alors il se concentra, pendant tout le trajet, sur un casse tête qu’il fit et refit, n’ayant pas particulièrement envie de regarder par le hublot ou de mater les hôtesses de l’air. Parce que de toute façon y’avait rien à mater. Ou si. Enfin il s’en foutait comme de sa première chaussette.

Hallelujah pour l’atterrissage, s’il était plus démonstratif, Near aurait fait un câlin au béton. Mais il préféra éviter de se viander. Il se contenta de passer un coup aux toilettes, parce que pisser en vol, non merci. Avouez vous aviez grand besoin de ce détail. Une fois cela fait, il s’installa dans un coin, et sortit son téléphone portable. Il avait encore le temps, mais pour l’instant, il devait savoir où aller et tout le tralala.

Ses longs doigts diaphanes parcouraient les touches virtuelles de l’écran tactile de son téléphone dernier cri – merci les fonds des culs bordés de nouilles – alors qu’il cherchait le numéro dans son répertoire. Pas qu’il savait pas se servir de ce machin, mais il préférait de loin s’embistrouiller avec des legos qu’avec un produit de chez Apple ou Samsung, il savait même pas tiens. Une vérification, ah bah y’a une pomme au cul. Question résolue. On attend que l’autre réponde, tonalité, et une voix à l’autre bout, bien.

« Oui. C’moi. »

Comme si l’autre devait savoir de qui il s’agissait. Bien sûr qu’il le devait. S’ils étaient mal organisés, c’était pas son problème. Pas du tout. Lui il venait faire ce qu’il avait à faire, alors si c’était mal foutu, qu’ils se démerdent pour remettre de l’ordre. C’était pas à lui de s’en occuper, n’est-ce pas ? Vingt-sept ans et il laissait toujours les autres tout faire pour lui, c’était cool comme vie. Enfin, tout est relatif.

« Plus ou moins. Dix-sept heures vingt-deux. Mais au sol. »

Oui oui. C’était con comme réflexion mais fatigue oblige, un rien l’agace. Et il en profita pour sortir de son sac un truc à grignoter. Des gâteaux de marque, attention. Y’en a qui disent que l’économie, c’est le bien. Pas lui. Cet homme à l’air enfantin et albinos en mousse par-dessus le marché.

« Grouillez-vous, j’suis pas du genre, discret. »

Lorsque Pedro eut la certitude que c'était bien le colis qu'il devait récupérer qui était à l'autre bout du téléphone, il se dirigea vers le lieu où il devait le récupérer tout en se pressant un peu. Il n'avait pas vraiment d'informations précises sur cet homme mais un colis reste un colis, alors autant ne pas perdre trop de temps. Il rentra dans l'avion. C'est vrai que ce n'était pas du tout discret comme lieu. Il y trouva un homme jeune mais avec des cheveux blancs devant un téléphone. Ça devait sûrement être lui qui l'avait appelé alors.

« C'est bien vous le colis ? »

Maintenant qu'il l'avait en face de lui, il comprenait plus facilement pourquoi il lui avait dit qu'il n'était pas discret. Avec une apparence comme ça, surtout dans ce pays, c'était impossible. Il allait donc falloir être plus discret que prévu pour pas qu'il n'y ait de problèmes. C'était quelque chose pas prévu qui n'avait rien de grave puisque depuis l'arrivée de Kira, ils avaient l'habitude de ce genre de situation.

« Bon, vous allez me suivre monsieur. »

En disant cela, il prit le chemin inverse pour descendre de l'avion et rejoindre une voiture qui les attendait.