|| There's a light in your eyes. [ PV Aiko ]

Near n’était pas connu pour sa débrouillardise, mais en temps de crise, le petit chef du camp gamma devait prendre sur lui, un peu. Ils manquaient de main d’œuvre, ces temps-ci, et avec les absences répétées de Gevanni et Lidner, le simili albinos devait de plus en plus sortir par lui-même, au risque de se retrouver nez à nez avec un membre de la police de Kira. Il osait espérer que son visage n’était pas encore connu des services d’enquête, et que Kira n’avait pas plus de renseignements que ça sur sa petite personne. Après tout, il s’était moins mouillé dans cette histoire que Mello, qui avait été sur le devant de la scène tout du long.

Tout ça pour dire que Near avait de nouveau enfilé manteau et chaussures pour sortir. Non pas qu’il avait un besoin urgent, mais l’enfermement oppressif dans le bâtiment du SPK commençait à peser sur lui. Il n’avait plus mis le nez dehors depuis la visite improvisée d’Alpha et ses renseignements à demi mot sur Beyond Birthday. Near redoutait le criminel là, se demandait où il pouvait être, et l’idée de le croiser à un détour de rue suffisait à le garder bien sagement à l’intérieur, comme si c’était lui le prisonnier, à présent. Maintenant qu’il avait peur d’une menace extérieure, ajoutée à celle de Kira, il ressentait le besoin de sentir l’air frais sur sa peau diaphane. Il s’inventa une excuse et alla acheter un paquet de chocolats de Pâques. Near n’était pas un grand fan de chocolat, mais il aimait bien les fêtes de Pâques, c’est donc naturellement qu’il s’offrit un assortiments d’œufs bien sucrés qu’il s’empresserait d’avaler une fois retourné devant ses écrans.

Il profita de ça pour apprécier la fraicheur de printemps sur son visage, respirant l’air doux de Tokyo. Tellement pollué, mais sentant quand même moins le renfermé que ses appartements. Bref, Near trainait des pieds dans une rue passante au crépuscule, sa chevelure d’ivoire dissimulée par un béret, sa figure à moitié camouflée par un cache nez de laine blanche. Il savait parfaitement se repérer dans les bas quartiers de la ville, malgré qu’il n’y aille pas souvent. Son cerveau ne servait pas uniquement à construire des villes de lego et à résoudre des puzzles, métaphoriquement ou non.

Il soupira doucement et s’adossa à un mur d’une ruelle. Il avait encore plusieurs rues à parcourir pour rentrer, mais n’avait pas envie de rentrer de suite. Certes, la douce menace qui planait au-dessus de lui le faisait gentiment trembler, un mince filet de sueur froide descendait le long de sa colonne vertébrale à mesure que le soir tombait sur la capitale japonaise. Un bruit sur sa droite attira son attention, et il leva rapidement la tête. Le pistolet à sa ceinture appuyait doucement sur sa hanche, comme pour le rassurer, lui dire qu’en cas de problème, il avait une arme à portée. Dans sa poche, son portable pesait un peu, et le jeune homme aurait plus de facilitées à décrocher son téléphone qu’à dégainer une arme à feu. Il resta immobile, attendant que la personne qui avait déclenché ce bruit sorte de l’ombre. Dommage Near, tu n'aurais peut-être pas du sécher les cours d’athlétisme à la Wammy’s.

L’adrénaline. Cette dernière n’est pas vraiment l’amie du jeune Near. Loin de là. Même quand il était encore en sécurité à la Wammy’s House, le moindre bruit s’échappant des tréfonds de la nuit lui faisait dresser les cheveux sur la nuque. Mais oui, vous savez, les tout petits cheveux qui gratouillent quand on met une écharpe. Ceux là même. Near déteste cette sensation. Il déteste avoir la chair de poule aussi. Trembler ? N’en parlons même pas. Pour lui ce verbe est synonyme de faiblesse, et l’ego du jeune homme ne veut pas le permettre. Tout ça pour dire que Near a limite peur d’avoir peur. Très con, mais c’est comme ça.

Et là, la situation n’était pas vraiment à son avantage. Chef de son clan de rebelles, paumé dans les bas-fonds où pullulent des gens pas recommandables, surtout quand on est armé d’un pistolet qu’on ne saurait utiliser et de son cerveau d’attardé - même si ça, il sait très bien l’utiliser. Il se demandait parfois pourquoi il avait besoin de montrer qu’il pouvait se débrouiller tout seul alors qu’il savait pertinemment que c’était loin d’être le cas. Un éternel assisté. S’il y avait vraiment la fin du monde, et qu’il était choisit pour survivre avec l’élite de la race humaine, on pouvait de suite craindre pour l’espèce humaine. Parce que si le monde devait être repeuplé avec des gamins de la trempe de Nate, c’en était fini de la race.

- Bonjour, je me suis perdue, sauriez-vous comment je pourrais sortir des bas-fonds s'il vous plaît ?

Une silhouette sous capuche. Pas de quoi rassurer le résistant, loin de là. Limite il était déjà en train de porter la main à sa ceinture, au cas où il devrait se défendre, mais la voix de fille l’arrêta dans son geste. Peut-être un poil misogyne, Near considère les filles comme un poil moins dangereuses que les hommes, même si les femmes de son camp -voyez ici Lidner et Lucia- démontrent avec brio que la gent féminine est tout à fait capable de se rendre aussi utile que leurs homologues masculins, il n’en démord pas. Mauvais souvenir des gonzesses rieuses de l’orphelinat, et par le fait qu’à part Lidner et Lucia, aucune femme n’a grimpé dans l’estime de Near. Bref. Une fille. Donc il baisse un peu sa garde.

Il la considère un instant, plonge ses orbes noires dans les yeux qui le détaillent par-dessous le capuchon. Near aimerait bien en avoir un, de capuchon, là, pour camoufler sa tignasse blanche loin d’être discrète dans ce pays où les gens ont tous des cheveux noirs ou presque.

« Mh. Je pense savoir. Par là peut-être. Normalement en continuant vers l’Est vous devriez retomber sur le centre ville. »

Near a un bon sens de l’orientation, mais niveau explications orales, il devrait repasser l’examen, parce que c’est pas fameux. Et surtout, savoir où est l’Est sans boussole, alors que le soleil vient de dire bye bye, c’est un peu pas simple pour le passant lambda. Il lui indique une direction sur sa droite, où des petites ruelles tout à fait charmantes - comprenez ici bien inquiétantes comme il faut - se croisent en un labyrinthe urbain très champêtre et agréable à visiter.

Une jeune fille banale, voilà ce à quoi a affaire le simili albinos qui nous sert de chef du camp Gamma. Ça se voit, la réponse de Near ne lui a pas été très utile, pas du tout même. Quoi, ça lui suffisait pas une direction ? C’était pas un GPS non plus. Une boussole encore moins. Alors il donnait les renseignements qu’il pouvait, limite faut pas lui en demander trop à l’assisté de service. Bref. Ça la regarde sortir des bonbons de sa poche, comme une gamine. Ça n’a pas un trip avec le sucre. Il est loin d’avoir la dent sucrée comme son prédécesseur. Donc non, il n’a pas du tout envie de se jeter sur une des sucreries que contient ce paquet. Et encore moins envie de prendre celle que la jeune fille lui tend. Il secoue la tête en signe de négation, tout simplement, pourquoi gâcher sa salive ?

Angie. Drôle de nom. Pour une japonaise. Mais est-elle japonaise ? Near ne peut le dire, avec cette obscurité, il ne distingue pas grand-chose à part les cheveux couleur barbapapa de la dite Ça Donc il ne dit rien, il la laisse finir sa phrase, il est poli, quand même. Un minimum. Puis il répond, avec un dédit de parole plutôt lent, comme à son habitude, avec sa voix monocorde.

« Nathan, enchanté, si je puis dire. Je n’habite pas ici, je me promène, c’est tout. »

Tout simplement. Il n’allait pas donner son prénom, pas fou, et encore moins son pseudonyme, trop risqué. Si on apprenait que Near se baladait maintenant tout seul sans protection apparente, c’était pas vraiment bon pour lui, pas du tout même. Il n’est pas suicidaire, l’orphelin. Ce serait comme mettre une grosse flèche à néon avec « Tuez-moi j’suis un ennemi de Kira ! » au dessus de sa tête.

De justesse, Near rattrape le paquet que la jeune fille lui a lancé. Il l’observe d’un œil suspicieux, n’aimant pas vraiment le qualificatif employé. C’était infantilisant et déplacé, et faux. Near n’a rien de mignon. Il est petit, rachitique, nerveux, blasé, mais mignon, non. Mais il ne dit rien, et se contente de la regarder partir comme une vache regarde passer un train. Et il la voit tomber, s’écraser au sol avec la grâce d’un lemming sous LSD.

Et comme Near est connu pour son j’en-foutisme et sa désinvolture, il décide de faire preuve d’une certaine galanterie envers cette pauvre fille qui a du s’exploser les genoux sur le béton. Quelle idée, de vouloir y faire un câlin, à ce sol froid, humide et vraiment pas très attrayant. Il s’approche d’elle et plie un peu les genoux pour lui tendre une main salvatrice, ou juste amicale, au choix. Dans tous les cas, le résultat est le même, Near offre son aide.

« Eh bien. Faites attention où vous mettez les pieds, mam’selle. »

Ce n’est pas vraiment le vocabulaire habituel de Near, mais on s’en carre, il est très bon acteur, même s’il rebute le contact physique, la pression d’une main de fille dans sa paume le temps qu’elle se relève, il devrait le supporter. Ou alors on ne peut plus rien pour son cas désespéré.

Near n'est pas très costaud ni rien, mais aider une jeune fille à se relever, ça va, c'est dans ses cordes, alors hop, un coup de patte et c'est vite vu. Oh tiens, elle l'a lâché bien précipitamment. Elle a aussi des problèmes avec le contact humain ? C'est plutôt arrangeant pour l'espèce de simili albinos de service. Il se contente de hocher la tête quand elle s'excuse. Bah, c'est pas son problème, à lui, si elle est allée faire un câlin au béton. Il n'allait pas avouer que lui aussi, souvent, il exprime son amour pour le sol et ses atours. Near n'a pas un équilibre exemplaire et la fâcheuse habitude de porter des pantalons trop longs, forcément, ça fait des atomes crochus avec le sol.

Il hausse un sourcil interrogateur quand elle évoque Kira. Et là les rouages se mettent en route dans le cerveau de Near. Il fixe la jeune fille dans les yeux, essayant de lire dans les prunelles d'Angie, voir quelle réponse serait la plus simple à donner, la plus évidente, la plus naturelle, et surtout, la plus prudente. Il ne sait pas de quel côté elle est. Elle pourrait être une adoratrice que ça ne se verrait pas. Et surtout, Near et l'empathie, ça fait quinze, alors c'est pas à lui qu'il faut demander de deviner qui est de quel côté juste en la regardant. Il aurait du mal à l'avouer si on le lui demandait, mais à ce jeu-là, il sait que c'est Mello le plus fort. Mais chut, on le sait pas.

« Vous êtes consciente que je ne pourrais décemment donner mon avis là-dessus sans savoir au préalable le vôtre, Angie ? Je serais un idiot. »

Il la fixe, une main vient se perdre dans ses cheveux d'ivoire et triturer une mèche déjà bouclée. Il l'enroule autour de son index, dans un geste qui paraît nerveux et machinal, mais qui n'est fait que pour lui occuper les doigts pendant qu'il réfléchit intensément. Il décide de jouer les insolents.

« Imaginez que je vous dise que j'approuve ses idées, et que j'aie en face de moi une résistante. Passe encore, il vous suffirait de jouer les innocentes et roule ma poule. Mais le cas contraire, je serais bête de le dévoiler, si j'étais du côté des recherchés de la police de Kira. On dira donc que j'approuve, ce dieu, mais je n'épiloguerai pas dessus. Et vous, Angie ? »

Beaucoup de blabla juste pour dire "J'te dirais pas, t'as qu'à le faire toi d'abord, et na !".