Ne crains plus la chaleur du soleil. [Pv Flynn]

Jenny s'étira et regarda sa chambre, fière d'elle. Elle l'avait nettoyée de fond en comble, jusque dans les moindres recoins. Plus traces à l'horizon de porcelaine ou autre hémoglobine. Tout était ni-ckel. Même pas de moutons de poussière ou d'habit jeté pèle-mêle à la porte de la salle de bain. Elle s'était prise toute une journée pour faire un grand nettoyage de printemps, certes un peu en avance. Elle en avait profité pour ranger le reste de l'appartement, le réorganiser aussi. Certains meubles avaient bougé, d'autres avaient même changé de pièce. Les muscles de la brune étaient tout à fait courbaturés, voire un peu ankylosés, et elle fronça le nez en pensant qu'après avoir pris soin de sa maison toute la journée, c'était son tour. Elle allait détendre son corps, redonner un peu de couleur à ses joues, et refaire ce satané pansement à la main qui s'enlevait sans cesse.
Jenny secoua les bras le long de son corps et se dirigea vers son armoire. Ce soir, elle avait envie d'être belle. Peu importait qu'elle reste à la maison devant un film larmoyant (pour sa plus grande honte. Heureusement que personne n'était au courant de ce penchant pour le moins... embarrassant), mais elle voulait ressortir les robes qu'elle ne mettait plus et qui avaient été reléguées loin dans la penderie. Elle avait besoin de redevenir la jeune femme séduisante et pleine de vie qu'elle était avant car elle craignait que celle-ci n'ait disparue au fil des années. Et, ce soir, le monde entier tournerait autour de son petit nombril.
Elle attrapa dans ses bras les vêtements voulus et les étala sur son lit, puis elle s'enferma dans sa salle de bain en chantonnant. Lorsqu'elle en ressorti plus d'une heure plus tard, elle embaumait la framboise. Et après de longues minutes de réflexion, et pas mal d'essayages, elle jeta son dévolu sur une petite robe bustier en dentelle noire et des dessous bleus. Elle les enfila rapidement et replaça tous les cintres à leur place pour à nouveau entrer dans la salle de bain.

Jenny observa son reflet dans le miroir ; elle semblait aller mieux. De toute évidence, la visite du Docteur lui avait fait le plus grand bien. Elle qui sombrait depuis quelques jours dans la déprime, il lui avait permis de retrouver ses racines et les raisons qui l'avaient poussée à venir s'installer ici, au coeur même du danger. Dans la gueule du loup, et pourtant l'un des plus beaux endroits au monde. Il paraît que les amoureux du monde entier venaient voir, au printemps, les cerisiers en fleurs des parcs japonais. Ceci dit, pendant cette époque très controversée, elle n'était plus sûre de rien. Elle n'était même pas certaine qu'il y ait encore des amoureux qui se tiennent par la main dans la rue. C'est vrai, ça lui semblait absurde de pouvoir s'aimer alors qu'à chaque seconde on risquait la mort. D'ailleurs, en parlant de main, il serait temps de refaire ce bandage. Et soigneusement cette fois, pas à la va-vite. D'abord, il fallait enlever l'ancien avec précaution et relaver la main à l'eau tiède, puis appliquer un peu d'alcool sur chaque plaie en serrant les dents parce que ça piquait. Ensuite, reposer quelques compresses et enrouler le ruban blanc. Voilà. La demoiselle n'aura plus de soucis à se faire avant un ou deux jours.

Elle prit alors sa trousse à maquillage et se mit à l'oeuvre. Elle avait finalement décidé de sortir. Elle connaissait un bar sympa, avec une clientèle plutôt hétéroclite. L'ambiance un peu tamisée en salle donnait un côté chaleureux, et contrastait avec le bar très lumineux qui proposait une multitude de boissons de bonnes marques. Elle y avait toujours passé de bonnes soirées, parfois seule, parfois rejointe par des rencontres opportunes qui n'aboutissaient pas. Cela ne la dérangeait pas, c'était un peu la loi du bar. Ces rencontres sans lendemain avaient leur charme. Mais au-delà de tout ceci, Jenny y allait surtout pour leur excellent rhum. Elle qui ne buvait jamais d'alcool fort, elle avait été subjuguée par celui-ci. Alors il lui arrivait, de temps à autres, de sortir boire un verre là-bas puis de rentrer chez elle. Le patron commençait à bien la connaître, et elle appréciait de pouvoir échanger quelques mots simples avec lui.

Après une dernière touche de rouge à lèvres vif, elle enfila ses talons et son éternel trench coat, glissa son sac sur son bras et sortit en fermant à double tour derrière elle. Le blindage était tel que seul le Docteur pourrait entrer à présent. Elle dévala les escaliers et poussa la porte extérieure qui donnait sur la rue commerciale. Les mains dans les poches, elle traversa la foule jusqu'au carrefour où se trouvait le bar, puis elle entra et marcha droit vers le barman à qui elle sourit, s'asseyant sur une chaise haute en face de lui.

- Bonsoir. Comment ça va depuis la dernière fois ? Oui, j'ai été très prise effectivement. Toutes sortes d'obligations, comme mon travail oui. Pardon ? Ah, bien oui, comme d'habitude s'il te plaît.

La jeune femme enleva les petits gants en dentelle noire qu'elle portait et son manteau, puis posa sa main bandée sur son décolleté généreux. Elle saisit le verre que lui tendait le barman et leva enfin les yeux vers la salle. Il y avait du monde aujourd'hui. Un groupe de jeunes discutait dans le fond, un couple avait une table près de la fenêtre, par exemple. Un autre groupe attira son attention. D'après ce qu'elle voyait, il était exclusivement composé d'hommes qui semblaient avoir aux alentours de son âge. Ils gesticulaient, parlaient et riaient avec beaucoup de jovialité, c'était amusant à regarder. Certains sortaient pour aller fumer, d'autres en revenaient. Tout en sirotant son verre, Jenny les observait discrètement. Elle avait repérer dans le lot une tête blonde, une sorte de bout-en-train qui la fascinait.

Encore une journée banale pour le lieutenant Carter... Remplir des dossiers, gérer la paperasse, transformer le stagiaire en esclave qui n'a pour unique but d'apporter le café et de faire des photocopies... Pour lui, être fonctionnaire de police, c'était loin d'être aussi réducteur et inintéressant. Au moins, il avait son propre bureau et il pouvait balancer des boulettes de papier dans sa poubelle pour passer le temps. Ses collègues venaient l'embêter de temps en temps pour lui demander sa signature ou lui proposer un café. Au moins, il avait une pause pour griller une clope et décompresser et ils convinrent avec quelques collègues de se rendre au bar ce soir pour fêter le nouveau poste de Flynn. Au moins, il passerait une agréable soirée entre "potes" et oublierait pour un temps tous les tracas qui pesait sur ses épaules. Ils convinrent de se retrouver en début de soirée afin de laisser à chacun le temps de se préparer.

Flynn rentra alors chez lui et s'allongea sur son lit. Son ordi se trouvait dans un placard, caché dans une trappe qu'il avait confectionné à l'intérieur. Ce soir, il n'avait pas envie de toucher à un clavier. Parfois, toutes ses responsabilités lui pesaient comme ce soir. Alors, il faisait tout pour décompresser. Il avait un rôle à jouer et il devait se montrer convainquant. Il entra dans la chambre, prit une veste noire coupé court, une chemise blanche, un noeud papillon noir et un pantalon gris avant de se diriger dans la salle de bain et de prendre une douche. Une fois propre, il se sécha et s'habilla avant de faire un brin de toilette. Il sourit au miroir et caressa du bout de la langue le trou qu'il avait au fond de la mâchoire. Souvenir d'enfance... Allez, ce soir, it is time !

Il rejoignit ses camarades dans le bar à l'heure dite et ils s'installèrent à une table dans l'un des coins du bar. Une serveuse vint prendre leur commande et la soirée put commencer. Flynn avait commencé par un verre de saké. L'un des collègues de Carter, un jeune chargé de la brigade criminelle racontait une anecdote à propos d'un suspect qu'il avait du poursuivre. De plus, il se sentait obligé de faire de grands mouvements pour mimer la situation. Cela en devenait encore plus comique. Il racontait qu'un criminel avait fui lorsque le policier l'avait appelé. Il avait tenté d'escalader un grillage mais en sautant de l'autre côté, il s'était raté... Son pantalon s'était coincé dans les pics de la barrière et le mec était resté coincé là-haut. Sur le coup, le policier était resté mort de rire pendant 60 secondes avant d'aller décrocher le pauvre mec coincé.

Encore un criminel qui devait avoir les boules en travers de la gorge ! s'exclama Flynn avant de rire avec les autres.

La personne qui se trouvait à sa droite lui donna un coup d'épaule discret avant de lui chuchoter à l'oreille.

Tu vois la superbe jeune femme au bar là-bas ? Elle arrête pas de te regarder depuis 5 minutes. Tu devrais peut-être aller tenter ta chance !

Pour vérifier les dires de son voisin, il jeta rapidement un coup d'oeil derrière lui et croisa le regard d'une jeune femme brune en robe noire avec une poitrine généreuse et deux magnifiques yeux noirs qui ressortaient avec brillance à cause de la pointe de rouge à lèvres qu'elle arborait. S'il croyait au coup de foudre, il aurait pu dire que c'était ce qui venait de se passer pour lui. Mais bon, il n'était pas aussi fleur bleue mais comme lui avait suggéré son collègue, il avait bien envie de tenter sa chance. Il leur fit signe qu'il partait boire au bar et après quelques moqueries et encouragements, Flynn finit par rejoindre la sublime femme aux cheveux bruns.

Bonsoir, vous attendez quelqu'un ? Je peux vous offrir un verre ? Sans attendre, il s'installa à côté d'elle et continua. Je m'appelle Flynn Carter et vous, vous vous appelez comment ?

Il commanda un verre de Cuba Libre au barman et offrit le verre de son choix à la demoiselle. Il remarqua alors la main bandée de la jeune femme.

Vous avez l'air de vous être méchamment blessée à la main... Rien de trop grave j'espère ?

Mince.
Zut zut zut zut zut.
Il s'était retourné.

Elle l'avait peut-être regardé avec un peu trop d'insistance. On dit que parfois, quand on regarde quelqu'un pendant trop longtemps, il finit par le sentir. C'était peut-être ce qu'il venait de se passer. Ou peut-être pas.
En tout cas, elle avait croisé son regard, chose à laquelle elle ne s'attendait... Pas du tout. Elle ne s'y était pas préparée psychologiquement, et du coup, il l'avait prise au dépourvu. Elle ne savait absolument pas comment réagir, si elle devait assumer que depuis plus de cinq minutes elle était littéralement hypnotisée par lui et lui cligner de l'oeil, ou bien au contraire baisser la tête et plonger le nez dans son verre pour tenter d'être discrète et de faire passer ça pour un coup d'oeil innocent. Elle paniquait presque d'avoir été si maladroite. C'était peut-être dû aux émotions qui lui avaient retourné le ventre quand leurs yeux s'étaient télescopés. C'avait été foudroyant ! Comme si une chape d'obscurité s'était soudain abattue sur elle, mais qu'elle gardait la possibilité de le voir. Comme s'ils se retrouvaient dans une bulle, isolés du monde durant une fraction de seconde. Elle avait senti son âme comme projetée contre lui avec fracas. On aurait presque dit un haut-le-coeur, mais pas de dégoût. Elle ne savait pas de quoi. Elle savait juste qu'elle se sentait étrangement excitée et lasse à la fois. Elle avait une envie folle de jeter ses bras autour de son cou, mais en même temps elle était prise d'un gros coup de barre. Puis ç'aurait été carrément bizarre de sa part de prendre un inconnu dans ses bras sans raison.

Elle se demanda si c'était un rêve, et si d'un instant à l'autre le barman n'allait pas la réveiller, un petit sourire de dragueur lourd aux lèvres. Elle avait maintenant les yeux fixés sur le comptoir, les mains soutenant sa tête par les tempes. En fait, elle se sentait ridicule. Ce n'était qu'un regard, pas la fin du monde. Il ne l'avait certainement même pas remarquée. En pensant ces derniers mots, elle eut un léger pincement au coeur. Ce qu'elle avait ressenti avait été tellement fort qu'elle aurait voulu que ça soit réciproque. Mais elle ne devait pas se faire des films ou elle serait déçue. D'ailleurs, elle avait sûrement beaucoup exagéré. Ca n'était pas trop dans ses habitudes, mais ça pouvait arriver. Après tout, elle n'était pas parfaite non plus. C'était même une vraie fleur bleue. Romantique à souhait et ce jusqu'au bout des ongles. Alors n'importe quelle petite émotion, dans un contexte de fatigue un peu alcoolisée pouvait débouchée sur une exagération monumentale.
Elle n'arrivait même pas à se convaincre elle-même. Il faut dire qu'elle se racontait un peu n'importe quoi. Elle savait pertinemment qu'elle avait vécu quelque chose de très intense. C'était la première fois, en fait. En d'autres circonstances, elle serait peut-être allée vers lui, mais il était entouré de monde et elle n'avait pas franchement envie d'affronter le regard d'un groupe d'hommes. Puis elle avait la flemme, c'est vrai. Alors, elle le regretterait peut-être toute sa vie, mais elle n'irait pas. Tant pis.

Jenny sursauta violemment sur son siège. Plongée dans ses pensées, elle n'avait pas vu l'homme arriver. Elle n'avait même pas imaginé qu'il viendrait. Alors elle fut très surprise lorsqu'il s'assit à ses côtés pour lui offrir un verre. Elle n'osa pas le regarder en face.

- Merci, je prendrai la même chose s'il vous plaît. C'est très gentil à vous, Mr Carter. Je m'appelle Ombeline Davidson.

Jenny croisa les jambes. Son apparente assurance ne reflétait en rien la tempête qui l'agitait intérieurement. Un mélange de fébrilité et de désespoir. Particulièrement difficile à contrôler dans cette situation. Elle redoutait un peu de se mettre à trembler pour n'importe quoi. L'émoi était traître.
Elle posa sa main valide sur l'autre et lui sourit. Elle avait enfin levé les yeux, et trouvait son interlocuteur très mignon. Elle n'allait pas se mentir. De toute manière, ses tripes se tordaient d'une façon trop significative pour l'ignorer. Ses cheveux étaient d'un blond lumineux et ses yeux marron chocolat. Elle eut presque peur de se perdre dans leur profondeur abyssale. Elle était confuse.

- Oh, non, ne vous en faîtes pas. Une simple idiotie de ma part. Je peux malheureusement être très maladroite parfois !

Elle rit. Elle a l'habitude de couvrir ses blessures, particulièrement celles dues aux cauchemars.

- Mais dîtes-moi, vous n'êtes pas typé japonais, et vous n'avez pourtant aucun accent. Seriez-vous né ici ?

Elle se tourne totalement vers lui, pas seulement la tête. Un coude sur le comptoir, la main dans le vide et l'autre tenant son verre sur ses genoux croisés, elle l'observe. Elle tente de se détendre pour éviter de céder à la folle envie qu'elle a d'embrasser ses fines lèvres pâles. Elle s'abstient aussi de détailler son corps mince et musclé pour ne pas rougir. Troublée, elle se contente de le regarder dans les yeux et de lui faire son plus beau sourire charmeur.