Je sors de ma poubelle pour provoquer tes océans. [Yumiiii <3]

Je suis resté quelques jours dans le temple, après... « l'incident », grièvement blessé. J'étais bien, caché dans la montagne, au milieu de la forêt et de prêtres shintoïstes qui parlent presque à personne. Y a des petits vieux qui viennent prier, des fois, en apportant des sacs de bouffe. Ils viennent voir le jardin au milieu du temple aussi. C'est très joli, j'ai beaucoup aimé y faire la sieste. Les gens ici m'ont jamais demandé ni comment, ni pourquoi j'ai atterri près de l'autel principal dans une mare de sang, en suppliant d'appeler aucun médecin. Je crois qu'ils savent pas trop quoi faire, alors ils me laissent tranquille. J'ai été rapidement assez bien pour voler de mes propres ailes jusqu'à Tokyo.

Mais le QG d'Hadès m'a semblé... oppressant. Aucune des personnes ici n'était avec nous au camp militaire. J'ai eu l'impression de débarquer du fond de l'enfer et que tout le monde s'en foutait. J'ai pas cherché à en parler de toute façon, ça les regarde pas. Puis je crois pas que j'ai le droit. Alors j'ai évité tout le monde et je suis parti me coucher, après avoir refait mes bandages – mal. Mais rapidement, le silence m'a saoulé. J'arrive pas à dormir et j'ai que le bordel dans ma tête à écouter. Alors je suis parti au pif dehors. Puis j'en ai marre en plus de me faire chier dans des espaces clos, les agents du gouvernement je les emmerde. Je veux me balader tout le temps comme avant. Le cirque, ils veulent plus de moi, je suis parti sans prévenir personne pendant des semaines.

Je me suis lancé dans le vaste projet de récupérer ma caravane. Plus ou moins légalement. Je sais pas, une lubie, le lit de camp au QG d'Hadès me fatigue. Mis à part ça j'ai pas vraiment de projet derrière, je crois que j'ai juste envie de faire des trucs. Donc j'ai inauguré le vol de caravane, avec la complicité d'un des terroristes et de sa voiture. Je lui ai pas dit ce qu'il était en train de faire. La caravane s'est retrouvé dans une zone industriel, entre une usine de produits pétrochimiques et une station d'épuration, sur un terrain vague s'étendant sur des kilomètres. On fait pas plus tranquille que ça, je l'ai vu depuis le ciel. J'ai donc retrouvé avec une grande joie mes affaires, un paquet de tabac complètement sec, un peu de quoi l'aromatiser, quelques vêtements et une boîte de capote. Je suis pas vraiment matérialiste comme garçon. Puis j'ai moins d'argent que jamais, alors ça ira pas en s'arrangeant. Je savoure pourtant une délicieuse cigarette faites avec des vieilles miettes toutes sèches. Ça faisait longtemps.

Mais mon triomphe est de courte durée. Pendant la nuit, je tombe malade. Ça m'était jamais arrivé. Je me mets à avoir de la fièvre. J'avais jamais connu le phénomène, mais on m'en avait parlé, et je constate combien c'est désagréable. Je suis au milieu d'un immense terrain vague, incapable de bouger, et je tremble de froid sous des kilos de couvertures. L'idée me traverse que je puisse être en train de mourir de mes blessures, mais j'y crois pas trop. Un peu hébété, j'attends de voir ce qui se passe. Je peux pas aller à l'hôpital de toute façon.
Et ça dure des jours.

Je mange et je bois presque pas, je reste juste à trembler sur mon matelas. J'ai mal partout. Je sens que quelque chose change mais j'arrive pas à savoir quoi, et peut être que je délire un peu. J'ai l'impression que mon cerveau fond à force de fièvre. Mais en fait bah... tout ça se conclue par une douleur énorme, une douleur qui grandit, je hurle à m'en faire éclater et les poumons et... j'explose.
Enfin j'ai vécu plus ou moins le truc comme ça.

Je vois plus rien, je comprends plus où je suis. Mon corps est... pas pareil. La fièvre est complètement tombée d'un coup mais maintenant j'ai l'impression d'être complètement bourré en étant sobre. C'est affreux. Comme des hallu, et les monde tourne. Je bois de l'eau maladroitement en en reversant partout. Des hallu. Je me vois avec des petites mains fines, et plus court sur patte. Un rapide examen m'apprendre aussi que j'ai de longs cheveux châtain et que mon pénis a disparu.
Non, quelque chose ne va pas.
Je me mets à pleurer. Je sais pas ce qui se passe mais c'est extrêmement préoccupant, et en désespoir de cause je laisse mes nerfs flancher. J'ai aucune idée de ce qui se passe. Comme j'ai définitivement besoin d'aide, je vais chez Yumi. Pourquoi Yumi ? Je sais pas trop, elle habite à un endroit où je peux aller relativement discrètement par la voie des airs – et je me sens incapable de marcher.

Un quart d'heure plus tard, je m'écrase misérablement au sol, dans la perturbation. Je donne des coups de poing sur la porte mais personne ouvre. Alors, je reste en slip et en T-shirt, roulé en boule par terre à coté de sa porte d'entrée.

Donc Yumi s'avance vers moi, soutenue par un gars. Elle a l'air salement blessée. Il l'abandonne devant sa porte et retourne à la voiture. Putain, elle est aveugle ! J'oublie deux secondes ma situation tellement j'suis désolé. Ça me fait un choc. Donc, elle me voit pas, et me sort des conneries à propos d'aller à l'intérieur boire un verre. Je dis rien et je la suis. Un verre me semble adapté à la situation, et je pourrais toujours raconter ce qui s'est passé avec de l'alcool entre les mains. Mais il faut que je me lève, et je sais pas comment faire, mécaniquement. C'est pas mes jambes là.

Après quelques tentatives foireuses, j'arrive plus ou moins à tituber vers l'intérieur. J'ai mal partout, dans les articulations, les entrailles, la tête. Vaguement envie de vomir, mais je me suis assez purgé avant pour pas passer à l'acte. Je me laisse tomber sur les fesses à peine quatre pas plus loin, et, navré, regarde Yumi faire pareil sur le matelas. Elle me raconte qu'elle voit rien, mais le bandage autour de la tête laissait pas trop de doute à ce sujet. Putain, voilà qu'il faut que je parle. J'étais venu chercher de l'aide, mais je me sens un peu con maintenant. Ça me semble un peu vain.

- C'est euh... putain, ma voix ressemble vachement à celle de Yumi, en plus hystérique. Ça me trouble de parler comme ça. Mordred. Y m'est arrivé... je sais pas quoi. J'suis tombé malade, et boum. Ça fait vachement mal.

Ouais, j'ai l'impression d'avoir pris feu. Même ma blessure me donne l'impression d'empirer, alors qu'en théorie j'ai moins de surface de ventre pour souffrir. C'est un peu égoïste par rapport à la pauvre Yumi qui est devenue aveugle, j'en suis toujours pas revenu.

- Mais... qu'est ce qui t'es arrivé ? Quand j't'ai reposé au sol t'avais... enfin voilà quoi. J'arrive à reprendre du poil de la bête et à me souvenir de l'essentiel : Tu veux que j'aille chercher de l'alcool ?

J'aurais moins mal avec ça aussi. C'est plus de devoir bouger qui me fait flipper. Mon centre de gravité est plus à la même place. Et ce qui me fout le plus la terreur ? Je commence à avoir envie de pisser, et j'ai aucune idée de comment je vais m'y prendre. La nature suivra sûrement son cours. J'espère.

- J'peux te taxer une clope ? J't'en allume une si tu veux. Enfin si tu fumes, déjà.

Maintenant que je suis là, j'ai en fait aucune envie de parler du camp militaire, de mon changement de sexe ou de la cécité de Yumi. J'aimerais partir mais j'arriverais sans doute même pas à enfiler un pantalon tout seul. D'ailleurs j'ai froid. J'sais pas pourquoi, mais j'ai pris la forme d'une petite crevette chétive dont les cuisses se touchent même pas. Et ça fait putain de mal, surtout dans les articulations, va savoir pourquoi. Sans doute parce que j'suis une erreur de la nature. Tout va bien.

Panique quand Yumi me touche, et qu'elle réalise ce que j'avais pas du tout remarqué : c'est son apparence que j'ai prise. J'y crois pas trop, mais je regarde mes mains (sales) puis les siennes. C'est exactement les mêmes. La couleur de cheveux aussi, la taille, même si c'est difficile de comparer alors que je me trouve à l'intérieur. J'y avais pas pensé, mais c'est plutôt cohérent pour un monstre de voler l'identité des gens. On a quand même un long moment de bug où Yumi parle à quelqu'un qui est pas là à cause du choc et où j'essaye de la convaincre que c'est bien moi en répétant bêtement « mais si, j'suis Mordred ». Et là Yumi me... félicite. J'avais pas vu ça sous cet angle, mais c'est un talent extrêmement utile.

Elle se jette sur moi pour me tripoter, ce que j'ai pas trouvé spécialement confortable, puis j'me fais féliciter avec de la vodka et des clope. J'en avale immédiatement une bonne gorgée, ça réchauffe mon estomac vide depuis plusieurs jours et calme un peu mes douleurs. Jamais l'alcool m'a fait aussi vite effet, mais j'avais jamais été malade avant. Fille non plus, d'ailleurs.
Yumi me désigne le mur en expliquant qu'il y a des clopes dans le meuble. Me mettre debout exige un effort ahurissant de concentration. Je sais plus marcher, je sais plus respirer sans que ça me fasse mal. J'ai débarqué dans un monde chelou où même mes sens se sont transformés. Faut que je fouille les meubles, mais j'vois pas comment utiliser mes mains. Je panique, m'écroule à mi parcours et me mets à flipper parce que Yumi me parle de sa chatte. Je voulais pas penser à ça, pas du tout, parce que ça me met des images malsaines en tête et que j'ai pas la capacité émotionnelle de les gérer. Migraine, explosion de douleur dans le ventre. Je lui réponds d'une voix hystérique :

- J'te jure que c'est la dernière chose dont j'ai envie, OK ?!

Je poursuis, évidemment, j'ai l'impression que mon corps est sur le point d'exploser. J'avale de la vodka beaucoup trop vite pour que ça fasse du bien, et je m'éclabousse même la gueule avec.

- Ouais, OUAIS CA VA PAS, t'es aveugle et... BORDEL JE DOUILLE SA MERE, comme si j'étais en train de... DE PRENDRE FEU PUTAIN.

Et je commence à convulser, ce que j'avais pas trop vu venir. Il fallait bien que ça cesse à un moment où à un autre, de toute façon. Je pouvais pas en supporter plus. Forcément, ma tête rencontre un meuble. Et j'explose.
La douleur cesse complètement après ça, je suis sur le dos dans le garage de Yumi et ça va beaucoup mieux. Un peu mal partout de m'être cogné dans les meubles, mal au ventre à cause de la blessure, mais c'est une balade dans le parc à coté des vingt secondes d'avant. Ouais, de retour dans mon corps. J'me suis jamais senti aussi bien. Je reprends ma respiration bruyamment, et le réflexe vodka l'emporte ensuite.

- J'ai... putain. Rien compris. Désolé d'avoir gueulé. Putain.

Je me relève sur mes jambes sans difficulté. Un peu fatigué, à la rigueur. J'me sens tellement soulagé. Je vais chercher les clopes, puis m'asseois sur une chaise, en savourant d'avoir la capacité de le faire. Je suis sorti de bizarre-land et c'est trop bien. J'ai même la faculté de passer une clope et la vodka pas mal entamée à Yumi, puis de ramasser les morceaux de verre de celle qu'elle a pété, pour pas qu'elle se fasse mal en marchant dessus. C'est beaucoup mieux la vie, d'un coup. L'euphorie due à l'alcool doit pas mal jouer aussi. Accroupi par terre à ramasser les bouts de verre au sol, je parle à Yumi. J'suis toujours en slip crasseux, mais c'est pas gênant parce qu'elle est aveugle. Par contre ma vessie a lâché l'affaire en cours de route, et dans la chaleur des PC ça devient de plus en plus évident.

- J'ai pas du tout envie de recommencer. 'fin... je sais même pas si je peux. C'était horrible. Puis ben... Yumi aveugle, j'me sens de la solidarité qui me pousse. Elle m'a donné de la vodka. Je connais presque personne d'autre. J'ai pris son apparence physique.'fin j'essayerais quand même. P'tète que si je paniquais pas... je me rappelle que je me suis roulé par terre avec une blessure suintante au ventre. Et j'suis blessé aussi, ça doit pas aider. Au fait, t'aurais pas des mouchoirs pour que je nettoie ?

Yumi hoche la tête d'un air entendu. Elle comprend. Elle non plus elle n'aurait pas forcément envie d'aller observer le pénis de Mordred si elle finissait par se changer en lui... Voir ça pendouiller entre ses cuisses avec plein de poils alors qu'elle passe sa vie à s'épiler soigneusement l'aurait probablement dégoutée des bites à vie, et elle aime assez ça pour ne pas avoir envie de ne plus en avoir envie justement... du coup oui, elle comprend ce qu'il peut bien ressentir... sauf que lui en plus il a l'occasion de choisir, elle non... tant mieux.

La jeune femme sursaute tellement fort quand il se met soudain à bleugler sans prévenir qu'elle se cogne la tête contre le mur. Elle se masse en grimaçant et en se demandant ce qui a bien pu lui passer par la tête pour qu'il se mette à hurler comme ça pour rien... Il dit qu'il a mal, qu'il prend feu... les règles. Merde... il s'est changée en elle, et maintenant il périme un ovule... dur... elle lui adresse un petit sourire compatissant parce que quand même, se changer en fille quand on a toujours eu des couilles et découvrir les règles dés le premier jour, c'est hardcore quand même. Pas cool Dame Nature pour le coup, ça fait beaucoup pour quelques heures de féminité...

Elle entend un bruit sourd.

- Mordred ?

Y'a vraiment des moments où ne rien voir est franchement handicapant. Elle entend qu'il lui arrive des trucs, que c'est tellement prenant qu'il ne peut même pas répondre... si ça se trouve il ne l'entend même pas... et elle ne voit rien.

- Mordred ?!

Toujours pas de réponse. Elle se redresse en mode panique extrême parce que si ça se trouve le pauvre Mordred est en train de crever sur son sol et que non seulement ça la ferait chier parce qu'elle l'aime bien... mais en plus ça ferait tâche vu qu'elle ne pourra pas tout nettoyer comme il faut à cause de sa cessité... mais finalement il se remet à parler. Et avec sa voix normale en plus, c'est nettement moins flippant... elle repose son cul sur le lit.

- T'excuse pas... j'aime pas non plus rien comprendre à ce qui m'arrive... c'est franchement déroutant.

Comme cette histoire de vue là... qu'est ce que ça l'emmerde de rien voir ! Et puis pareil pour les tortues et tout, ça l'énerve que son esprit ne soit toujours pas complètement remis... y'a même des moments où elle divague comme ça pendant des heures avant de réussir à faire le point et à repousser les rêves qui essayent de passer devant le réel. Foutu choc à la tête... Elle prend la cigarette, fume un peu, fait tomber la cendre sur son lit... elle prend la vodka, boit un peu, pose la bouteille près du lit... sur un câble... et ça en renverse un peu sur son lit.

- AH J'EN AI MARRE BORDEL !!!

Elle se racle la gorge, soupire et se retourne vers l'endroit où elle pense que Mordred est histoire de lui sourire.

- T'es pas obligé de recommencer du tout tu sais, dit-elle en souriant au frigo, surtout si ça te fait mal... si un jour t'arrives à gérer tout ça et à le faire sans avoir mal et en contrôlant tout ça sera hyper utile, mais en attendant, tes ailes suffiront. De toute façon je doute de pouvoir organiser quoi que se soit avant un sacré paquet de temps...

Foutus yeux, foutue explosion, foutu Bob, foutus ennemis... foutue tortue !!!

- T'es blessé ? Attends.

Elle sort son portable, sourit au micro-onde et compose un numéro... rien. Elle refait... rien...

- PUTAIN JE VOIS PAS LES CHIFFRES DE CE TELEPHONE DE MERDE !!! APPLI A LA CON VA !

Elle se redresse, ouvre un ventail et hurle.

- AU FEUUUUUU !!! AU FEUUUUUU !!! A L'AIIIIIIIDE !!!!!

Le remplaçant de Bob arrive comme une flèche, prêt à tuer/éteindre un feu/sauver des vies. Yumi l'entend et lui sourit presque en face.

- Ah. Bon ben Mordred est blessé au ventre, tu pourrais le soigner s'il te plais ?

Le type la regarde un moment d'un air ahuri, puis lève les yeux au ciel, soupire et regarde la fille de tout à l'heure... qui est un mec. L'image le trouble visiblement quelques secondes mais il finit par faire abstraction. A peine quelques jours passés au service de Yumi et déjà plus rien ne l'étonne... il chope Mordred sans douceur, le couche sur une table et lui retire son t-shirt. Il sort sa trousse de secours de sa poche arrière et commence à nettoyer la plaie comme si de rien n'était... comme si soigner un mec qui était une fille, qui s'est pissé dessus et qui refoule la vodka à quinze bornes à la ronde, le tout dans une pièce qui pie la pisse et qui est aussi bien rangée qu'une déchetterie chasse R était la chose la plus normale du ventre...

Yumi est... gentille. M'oblige à rien du tout vu la violence du truc qui vient de se produire. Je la suis pour l'empêcher de détruire la vodka et tout ce qu'il y a autour. Elle fini par s'énerver toute seule de ne pas arriver à composer un numéro. Puis elle appelle son pote par la fenêtre, qui accourt. Ah oui, c'est le nouveau mec qui la suit, celui qui est pas Bob. J'parlerai pas de ça à voix haute, elle s'énerverait encore plus. Et on est pas assez pote pour que je la prenne dans mes bras ou des choses comme ça. Ce que font les humains quand quelqu'un devient aveugle.

- Tu vas retrouver la vue hein ?

C'est plus la question d'un gamin qui veut pas que maman meurt qu'une vraie qui demande une vraie réponse sincère. J'aimerais beaucoup que ça soit une invalidité temporaire due à l'explosion. Mais ça y ressemble pas, elle a l'air trop véner pour que ça soit ça.
J'ai pas le temps de trouver une réaction plus appropriée parce que son nouveau Bob entre en panique dans le garage. Elle lui dit de me soigner, il semble surpris mais obéit tellement vite que j'ai pas le temps de protester. Ce type est comme les autres : tout carré, tout massif, et il a aucun mal à me soulever jusqu'à une table. Je montre un peu les dents, mais ça part d'une bonne intention et y a pas grand chose que je puisse faire contre un bulldozer qui me soulève de terre comme si je pesais rien. Putain de guerriers. Moi je suis plutôt profilé voleur, ninja, des trucs comme ça, voilà. Et c'est plus classe qu'être un gros machin plein de muscles débiles.
Une fois mon ego rassuré, je laisse la suite des opérations se dérouler. Comme je me déshabille pas assez vite à son goût, le grand machin m'aide sans douceur et je me retrouve en slip devant une assemblée. Enfin... Yumi et le gars là. Mais ça fait déjà beaucoup. Il appuie sur ma poitrine pour me forcer à me coucher et commence à bouiner des trucs dans les tiroirs.

Évidemment, il me colle un truc froid et qui pique sur le ventre. Je me contiens assez pour juste pousser un grognement. Après, il me fait une piqûre. Ensuite il tient une sorte de tout petit mouchoir au bout d'une pince et il passe un temps fou à nettoyer mon ventre avec ça. C'est pas douloureux, juste bizarre.

- Euuuh... Yu... Alpha, t'aurais des vêtements pour mec ? Et puis sinon ben.... enfin si t'as besoin d'aide pour faire des trucs genre... j'sais pas, la cuisine, trouver les choses et tout, je peux faire. Nouveau-Bob me lance un regard mauvais. Je veux pas vexer un mec qui tient des objets coupants au dessus de la blessure que j'ai sur le ventre. Mais j'peux... enfin... j'ai « récupéré » la caravane que j'avais au cirque. J'l'ai foutu dans un terrain vague. Y a euh... machin qui m'a aidé. J'sais plus son nom. 'fin faut que je nettoie dedans mais j'ai quelque part où glander, quoi. 'fin j'viens pas ici parce que je sais pas me débrouiller tout seul, hein. Wah, c'est dégueulasse !

La dernière remarque s'adresse à Nouveau-Bob qui vient de sortir son simili-mouchoir de mon ventre. Il est plein de petits morceaux qui inspirent pas la confiance, genre du pus. Des petits machins noirs, marrons, rouges bizarre. Il prend un nouveau petit mouchoir qu'il imbibe de désinfectant avant d'y retourner. Comme il a pas l'air plus perturbé que ça, je m'en fais pas non plus.  Il a aussi la très grande délicatesse de pas faire de remarque sur la forte odeur d'urine que je dégage. J'apprécie beaucoup, parce que baigner dans mon jus ça commence à devenir vraiment embarrassant.

Bob le Second me laisse enfin tranquille pour préparer du thé. Je profite de ce moment de répit pour piocher dans la vodka. Au début, comme un idiot, je hoche la tête aux projets de Yumi avant de tiquer qu'elle peut pas me voir.

- Ouais, j'vais faire ça, ouais.

Je vais vers l'armoire qu'elle m'indique pour chercher des fringues. J'opte pour un jean presque à ma taille et un sweat à capuche, mais avant que j'ai eu le temps de mettre mes trouvailles, John me chope par le bras pour me pousser vers la salle de bain. C'est facile d'amener les gens où on veut quand on fait le triple de leur poids, hein. Il me retire mon slip pour le foutre à la poubelle et... 'tain, et il commence à faire couler de l'eau dans la douche... il va pas me laver quand même, si ?

- Mais je peux le faire moi même ça !

John me lance un regard agacé et grogne à propos du fait que j'étais sur le point de mettre des fringues propres sans m'être lavé ni avoir mis un nouveau pansement. Je hausse des épaules, j'ai rien à répondre à un mec qui coupe les conversations pour retirer leurs slips aux gens. Il me fait signe de me laver les cheveux, tant que j'y suis, puis il me laisse enfin tranquille. Je gueule à Yumi :

- Bon, j'reviens, y a John qui veut que je me lave !

OK, c'est vrai que je marine dans mon jus depuis pas mal de temps, et que je fais pas spécialement gaffe à ces choses là de façon générale. Je suis plutôt adepte de la toilette au lavabo. Et mes cheveux ont beaucoup poussé, ouais. Devant la validité des arguments, je cède. Je fais ce qu'on attend de moi, et c'est vrai que c'est beaucoup mieux une fois que le shampoing à la fraise est passé par là. Mais j'ai même pas le temps de me sécher comme je veux que Nouveau Bob me tombe dessus pour m'emmerder. Il me tire mouillé et à poil dans la pièce principale pour me foutre plein de bandages autour du ventre, et il pousse le vice jusqu'à me tendre les fringues propres pour pas que j'ai à bouger le bras moi même. Je m'habille, et après j'avise pour me débarrasser de ce connard. Mais comment Yumi supporte d'avoir un gars comme ça autour d'elle tout le temps ? … ouais enfin avec sa blessure, elle a pas tellement le choix. Mais pourquoi ce gars en a après moi ? Maintenant il lance des regards méfiants à quelque chose sur ma tête, et ça me perturbe tellement que j'arrive pas à raccrocher le fil de la conversation.

- Et ouais et donc euh... pause vodka. J'peux t'aider chez toi pour des trucs pendant un moment ouais. Tu voudras bien me dépanner de la bouffe ? Je euh... j'ai pas vraiment de ressource de ce coté là... et... hey qu'est ce que tu fous !

Ça, ça s'adresse à Nouveau Bob qui essaye à nouveau de me torturer. Il m'a chopé la tête et il trifouille je sais pas quoi dans mes cheveux. Je discerne un peigne bizarre dans son autre main. Oh non, sérieux ? J'essaye de décrocher ses mains de mon crâne, mais il a aucun mal à me repousser. Connard de bourrin. Il déclare d'un ton triomphant que j'ai plein de lentes. Je lui demandais pas de le savoir ! Qu'est ce que ça peut lui foutre ! J'ai bossé dans un cirque plein d'animaux et de gens qui vont et viennent, forcément que j'en ai !

- Dis lui de me laisser tranquille ! Pourquoi t'as un chieur qui te suit tout le temps là ?!

Pas-Bob continue son épouillage pendant que Yumi me parle. Je suis content qu'elle puisse pas me voir, c'est pas top niveau fierté personnel là. Me faire passer le peigne par un gros costaud. Il fait pas mal, remarque. Il a pas masse de cheveux pourtant. P'tète qu'il a des gosses. Ça expliquerait qu'il sache faire la nounou comme ça.
J'avale de la vodka pour supporter l'épreuve. Ça fait quand même une bonne moitié de bouteille tombée sur un estomac vide. Une descente respectable, mais je commence à sentir que ça fait beaucoup. Plus précisément, Yumi se dédouble. Jamais bon signe, ça. Je m'allume une autre cigarette à gestes maladroits.
Elle parle des détails quotidiens, je me sens bien. Bourré, plus malade, avec mon vrai corps et pas celui de Yumi. C'est beaucoup mieux. Je me laisse hypnotiser par ses descriptions de festin futur, sous le regard mauvais de pas-Bob qui a l'air de se désoler de nos inconséquences respectives.
Euh... matelas à coté du sien ?

Je tressaille presque pas, même si la déclaration me bouleverse un peu. Une illumination se produit dans mon esprit, un détail qui n'avait jamais fait jour avant : Yumi est une fille. Je suis p'tète pas puissamment cultivé, mais je sais ce qui se produit quand on met deux êtres humains de sexe opposé dans un pieu. J'ai connu la dompteuse de tigres au cirque, hein. 'suis pas complètement niais.
Bon, j'avoue, je dois être le dernier homme au Japon a n'avoir jamais vu de film pornographique. On m'a dit aussi une fois qu'il y avait des gens qui couchaient avec d'autres du même sexe et j'suis pas vraiment sûr qu'on m'ait fait une blague ou non. J'ai jamais mis de capote parce que je sais pas comment on fait. D'un autre coté, vu le passif, c'est sûr que lire des bouquins pour m'instruire est pas vraiment ma priorité. Lever des gonzesses non plus. Mais en théorie je suis équipé pour et la phrase de Yumi me perturbe. Je sais pas trop quoi en faire. J'ai vaguement capté que les films américains sont pas forcément la meilleure référence pour comprendre le fonctionnement des gens, mais on m'a pas filé le vrai mode d'emploi.

J'me dis aussi que je suis bourré et que je réfléchirais à la question au calme plus tard. De toute façon un mec plus jeune qu'elle en train de se faire passer le peigne par un autre gars doit pas déclencher des pulsions libidineuses incontrôlables chez Yumi. Surtout qu'elle est aveugle, là. Faut que je trouve une alternative :

- OK ça me va... J'peux avoir un biscuit ?

OK, si j'étais un bourrin j'aurais demandé des rillettes et du pastis*, mais j'ai envie de sucre. Ça va bien se mélanger avec l'alcool. Oh ! Pas-Bob fait apparaître un biscuit au chocolat en forme d'ourson ! Il a eu juste qu'à tendre son grand bras pour en choper un dans un placard, wahou. Je me remets un coup de vodka pour compenser l'effet dégrisant de la bouffe et dévore le biscuit sans presque mâcher. Alors j'en réclame un autre, et pas-Bob me tend la boîte (ça va être dur de l'appeler John ce gars). J'en tends un à Yumi pour la bonne conscience et pille le reste avec avidité.

- Tu vas gerber.

Je lance le regard le plus mauvais que je peux à pas-Bob. Le peigne, et maintenant ça ! Il tend même la main pour me prendre ma bouteille ! MA putain de bouteille A MOI ! Il m'a foutu à poil, j'ai rien dit, j'me suis lavé comme il voulait et tout, je l'ai même laissé passer un peigne dans mes cheveux, mais je peux pas laisser passer ça ! Mais je suis pas assez rapide – ou trop bourré – pour la choper avant lui et il se met à la tenir au dessus de sa tête. Il est vraiment antipathique ce gars.

- Y en a qu'une en plus.

- RENDS LA MOI ! Tu vas pas voler sa vodka à un russe quand même ? Mais c'est pas juste, tu décides juste parce que t'es plus grand !

Et pour lui apprendre la vie, je me mets à voler pour récupérer ma putain de bouteille. J'arrive à lui prendre. Il s'attendait pas vraiment à ça. Pas vraiment non plus au bordel que déclenche immanquablement l'apparition de mes ailes dans un espace fermé. Je profite de la confusion pour sortir de là et aller me cacher sur le toit. Puis j'entreprends de faire disparaître les preuves après avec fait disparaître mes ailes dans l'endroit mystérieux où elles vont quand elles sont pas dans mon dos – je me demande souvent comment ça marche. On sait jamais, si pas-Bob me retrouve et qu'il essaye de nouveau de me piquer mes affaires. C'est lui qui me l'a donné en plus. Donc je savoure ma victoire, mais brièvement, parce que j'entends sa voix :

- OK tu peux la garder, mais descends, tu pourrais te faire remarquer.

- Comment tu sais que j'suis là ?!

- On t'entend marcher à travers le plafond...

- T'façon t'es pas Bob, j'fais ce que je veux, ensuite les gens ils vont pas forcément appeler la police parce que j'suis assis sur le toit, et puis en plus j'suis un monstre de foire, j'peux picoler si je veux, si ça se trouve j'ai pas assez de pancréas et j'vais mourir dans un mois. Et Yumi est aveugle. Laisse la vodka tranquille !

- Mais je t'ai dit que tu pouvais la garder. J'ai mal dosé l'humour, voilà, descends maintenant.

- Nan tu vas me la repiquer.

C'est un malade ce mec. Bon, avec le soupçon de lucidité qui me reste, je sais que je vais devoir revenir dans le garage à un moment ou à un autre. Ne serait ce que pour finir les biscuit. Mais je vais finir la vodka avant pour plus de sûreté.

* ou l'équivalent japonais de ce que j'associe aux rillettes et au pastis.

- Bon...

John semble brusquement en avoir marre des gamineries de Mordred et il grimpe jusqu'au toit. Il le regarde un moment comme s'il réfléchissait intensivement puis se remet à parler. Il a une voix presque douce, qui ne va pas des masses avec son apparence d'ailleurs, même si elle est grave et rocailleuse.

- Alors non, je suis pas Bob. Désolé pour ça. Je l'ai assez connu pour savoir qu'on ne se ressemble pas beaucoup physiquement, à part la carrure, mais si je suis son remplaçant c'est pour une bonne raison. Je peux aussi bien que lui écraser ta tête entre mes mains.

Il laisse cette information résonner quelques secondes dans la tête du jeune homme qui était encore Yumi il n'y a pas une heure et reprend.

- Je sais aussi qu'il parlait beaucoup moins que moi, mais je préfère poser mes règles. Si tu veux que tout se passe bien y'a des trucs à respecter : d'abord, on reste propre, sans parasites. Donc tu vas redescendre que je puisse terminer ce que j'avais commencer. Ensuite, évite de trop parler de Bob, ça trouble Yumi et elle a besoin de se recentrer. Il faut être discret... alors ne remonte plus sur ce foutu toit... si tu décide de vivre un temps avec Yumi, je serais moins présent à l'intérieur et tu devras faire attention à elle, pas trop sinon ça va l'énerver mais quand même.

Yumi sort la tête par une petite lucarne.

- Hé les mecs, vous voulez pas revenir ici ? J'vous entendrais aussi bien et ça sera pas le cas des passants potentiels qui risquent de déambuler dans le coin...

John soupire, s'avance l'air de rien... et attrape Mordred par les épaules pour le trainer dans le garage qui fait office d'appartement à Yumi. Il le pose sur sa chaise et reprend son épouillage comme si de rien n'était.

- Je tiens à rajouter que s'il y a le moindre risque qu'un danger fasse son apparition et que Yumi est dans l'incapacité de me le signaler, où si elle n'est pas avec toi, tu peux aussi m'appeler, je viendrais.

Yumi adresse un grand sourire à Pas-Bob (enfin, dans sa direction). Elle est contente de voir qu'il a décidé de prendre à coeur le fait qu'elle apprécie Mordred et qu'il le prouve en lui proposant de le protéger au même titre qu'elle.

Son téléphone se met à vibrer, et elle réussi visiblement à décrocher.

- Ouais ?

- ...

- Ah... non non pas de problèmes, je suis allée vérifier quelques chose et ça m'a prit plus de temps que prévu. Désolée pour ces dernières semaines de silence.

- ...

- Non non, pas de problèmes, j'étais en train de jeter un oeil sur les réseaux pour vérifier que je n'avais rien manqué.

- ...

- Alors... je n'aurais pas le temps de passer te voir avant un moment... non désolée, j'ai des trucs plus urgents à gérer.

- ...

- Promis, dés que j'ai un moment je te le fais savoir...

- ...

- Parfait. A bientôt alors.

Elle raccroche et pousse un long soupir.

- Il va falloir que je me mette à mentir à beaucoup de gens si je veux qu'ils ignorent que je suis devenue, au moins temporairement, une infirme pratiquement inutile... génial...

L'idée de ne plus être aussi utile qu'avant à la Résistance est quelque chose qui la déprime au plus au point depuis qu'elle a réalisé que son état risquait de durer longtemps... voir pour toujours. Elle se mordille la lèvre en semblant être sur le point de pleurer, puis sourit franchement.

- MAIS !!! J'ai mon petit Mordred avec moi maintenant ! Ça va être sympa comme colocation, tu vas voir, on va bien rigoler.

Et c'est ainsi que commença une colocation de franche camaraderie entre Mordred et Yumi... et John... un peu... 'fin il fait le ménage, il range, il râle et prépare à manger... Mais c'est cool !