Négociations [Clio, Natou]

Faith tripotait le téléphone du bout des doigts. Le coup de fil qu'elle avait à passer était pour le moins important, ce qui lui donnait une certaine appréhension à composer le numéro qu'on lui avait donné. Elle savait très bien qu'elle n'avait pas l'expérience des négociations que la personne qu'elle s'apprêtait à appeler mais avait malgré tout la ferme intention de ne pas se laisser faire. La mafia devait tirer le plus possible parti de ce prisonnier qui était le sien.

Elle était allée voir Nathan, à l'étage en-dessous, juste avant. Elle n'avait rien dit, ne s'était pas montrée, avait simplement constaté l'ampleur des dégâts. C'était elle qui l'avait poussé dans le camion lors de son enlèvement, pourtant si elle n'avait pas su qui il était elle ne l'aurait pas reconnu, dans cette cellule. Elle avait pourtant maintes fois constaté que à quel point la déchéance humaine peut arriver vite...

Subitement, elle décida d'arrêter de tergiverser et attrapa le téléphone avec détermination. Quelques chiffres, quelques tonalités, puis l'on décrocha à l'autre bout.

« Bonjour. Vous devez être Cliodna. Je fais partie de la branche de la Résistance qui a enlevé le ministre de la Censure, Nathan Suzaku. Je vous informe qu'il est actuellement toujours entre nos mains, et que si vous voulez le récupérer, vous allez devoir y mettre le prix. »

Elle fit une pause, puis :

« Tout d'abord, nous avons besoin de fonds, vous pouvez comprendre cela je suppose ? Une participation généreuse de votre part serait la bienvenue. Ensuite, il me semble que vous avez retenu un peu trop longtemps des personnes faisant partie de nos rangs qu'il serait grand temps de faire sortir de vos geôles. »

Lorsque le téléphone sonna dans son bureau, Cliodna n'eut tout simplement pas envie de décrocher. Elle l'entendait retentir avec son insupportable sonnerie, sous toute cette paperasse qu'elle avait accumulé au bout de quelques semaines. La ministre des affaires étrangères n'était pas forcément du genre désordonnée, mais elle n'était pas fane de tous ces papiers administratifs. Non, elle, penchait plus pour les faces à faces, les conversations téléphoniques, les discours. Tout ce qui ne touchaient pas à une simple feuille de papier. La rouquine aimait rencontrer les personnes avec qui elle aura à faire, connaître leur visage, leur façon d'être. Une lettre, c'était si froid, si plat, si insensible, si inexpressif.

Bref, depuis cette fameuse cérémonie, elle n'arrêtait plus. Etre ministre n'était pas de tout repos, comme on pouvait le croire. Et à qui la faute ? Celle Nathan Suzaku, ministre de la censure et de la propagande. C'est pas qu'elle ne l'aimait pas, juste que son enlèvement avait provoqué le chaos dans tous les domaines. Mais sinon, rien de grave, hein. L'endroit où il pouvait être séquestré, leur échappait totalement. Pourtant, ils avaient rasé la ville, mais aucun résultat. Alors, depuis on l'inondait de questions, les médias la traquaient, l'image de Kira commençait à être bafouée et la populace s'agitait. Cliodna faisait des mains et des pieds pour remettre de l'ordre, mais retrouver Nathan devenait urgent.

Finalement, elle attrapa l'appareil téléphonique, décrocha mais n'eut à peine le temps de place un mot.

« Bonjour. Vous devez être Cliodna. Je fais partie de la branche de la Résistance qui a enlevé le ministre de la Censure, Nathan Suzaku. Je vous informe qu'il est actuellement toujours entre nos mains, et que si vous voulez le récupérer, vous allez devoir y mettre le prix. »

Qui était-ce ? Peut-importe, cette personne dont la voix lui indiquait qu'elle était une jeune fille, détenait l'homme qu'ils recherchaient depuis un mois. En tout cas elle, savait qui la ministre était. Une blague de mauvais goût ? Surement pas, mais valait mieux rester prudente. Cliodna eut l'idée de mettre discrètement la conversation sur écoute pendant que son interlocutrice fit une pause. Elle choisit de ne pas l'interrompre et de continuer à l'écouter attentivement. Posant ses pieds sur son bureau, elle s'avachit dans son fauteuil, les sourcils froncés.

« Tout d'abord, nous avons besoin de fonds, vous pouvez comprendre cela je suppose ? Une participation généreuse de votre part serait la bienvenue. Ensuite, il me semble que vous avez retenu un peu trop longtemps des personnes faisant partie de nos rangs qu'il serait grand temps de faire sortir de vos geôles. »

Ces rebelles, tous les mêmes. Il n'y avait que l'argent qui les intéressait pour leurs futiles magouilles. Le reste leur importait peu, comme les conséquences de leur acte. En attendant s'était elle et ses collègue qui essuyaient leur faute. Concernant leurs copains,

Mais bon, ils ne détenaient pas n'importe qui. Nathan Suzaku était entre leurs griffes et tous les moyens étaient bons pour le récupérer. Alors, comme à son habitude, la ministre allait devoir parler affaire. Cliodna, de sa voix mielleuse et en bonne négociatrice tenta alors une approche.

« Bonjour, à qui ai-je l'honneur ? Vous me connaissez, mais moi non, j'aimerais partir sur un pied d'égalité. Je vous remercie ne nous affirmer que vous le détenez. Seulement j'aimerais en avoir la preuve concrète, si vous voyez-ce que je veux dire. On ne sait jamais avec vous.»

Elle sourit, un brin malice dans son regard.

« Effectivement qu'être Rebelle ne rapporte pas beaucoup, quelle idée aussi. Je crains refuser votre demande pour la libération de vos amis. Mais généreux comme nous sommes, nous pouvons trouver un compromis à propos de l'argent. Combien voulez-vous ? »

Il était là, dans cette petite, toute petite cellule. Il regardait ses pieds, les yeux embrouillés, la gorge enflée, s'emmitouflant dans cette couverture. Ses cheveux étaient gras ; ils avaient poussé et lui tombait sur les yeux, jusqu'aux épaules. Il ressemblait à un épouvantail, et encore, un épouvantail aurait été malheureux d'être comparé au Ministre. Combien de jours s'étaient passé depuis que Cheshire lui avait fait subir un long et inutile interrogatoire ? Au début, il tentait de les compter, vraiment, mais il n'avait que dix doigts, et puis parfois, la fièvre l'emportait dans de tels délires qu'il ne savait pas où il était, qui il était. Il se réveillait au même endroit, une serviette sur la tête, quelques médicaments à côté de lui. Les rebelles d'ici ne voulaient pas qu'il meure...Suzaku avait eu quelques instants de lucidité, mais pas beaucoup. Il se disait essentiellement qu'il devait travailler...encore, toujours, et puis l'instant d'après, alors qu'il s'était levé, il s'évanouissait juste à côté du lit. Il en avait encore la marque...

Tous stylos avaient disparus, les rebelles avaient pris ses habits sales, même s'il avait crié lorsqu'ils avaient voulu prendre son manteau ample et son écharpe, ne lui laissant que les frusques dont il avait été affublé lors de la visite de Matt. Aujourd'hui, enfin, il vivait un de ses rares instants éveillé. Pas totalement, non, car les cernes sous ses yeux prouvaient à quel point il avait besoin de vrai sommeil et de vrais soins. Sa peau était graisseuse, il semblait sale, quand il ne pleurnichait pas dans son coin pour Illness. Il aurait voulu la sauver aussitôt, faire le prince charmant. Rester coincé ici, c'était tout simplement...illogique, contraire à tous ses principes. Mais il fut interrompu dans ses pensées par l'arrivée de Faith...elle ? Son visage lui disait quelque chose, mais où... ? Il allait lui parler – du moins tenter de baragouiner quelque chose lorsqu'il constata qu'elle sortait un téléphone et commençait à appeler quelqu'un.

Son cœur fit un bond lorsqu'elle aborda la question de sa rançon. Cliodna McLoyd. Il n'avait pas trop sa collègue dans son cœur, mais si elle parvenait à le faire libérer, il était prêt à lui monter un autel...Il se leva du lit, tentant de se tenir au mur pour lui causer. La première parole qu'il voulut dire fut plus un espèce de baragouinage incompréhensible ; le deuxième essai sembla un peu plus crédible :

« Mettez...mettez le haut-parleur, s'il vous plaît. », dit-il de sa voix complètement pétée, tandis qu'il fut pris d'une crise de toux assez affolante. « ...McLoyd, je vous en prie, soyez un peu raisonnable et ne cédez pas à ses conditions complètement démentielles. Je suis juste à côté d'elle, mais je ne m'en remettrais pas si vous négociez mal ma libération...en revanche, si vous faites l'inverse, je pourrais bien vous libérer de quelques paperasses les mois à venir. »

Il ne put se retenir de tousser encore.

« Mello...kof...c'est Mello... »

La voix de Cliodna insupportait Faith. C’était une voix mielleuse, hypocrite à souhait et elle sentait que si elle avait été à côté d’elle en l’instant même, elle aurait eu ne envie folle de lui retourner une baffe. Cependant elle en était à essayer de tirer le maximum profit d’un prisonnier, et prendre son interlocutrice de front lui semblait une relativement mauvaise idée.

Ce fut pour cette raison, et également parce que comme cela elle servirait mieux ses intérêts, que Faith accéda à sa demande lorsqu’elle demanda à parler à Suzaku. Pour autant elle se garda bien de lui offrir son identité. Elle s’exposait déjà suffisamment ainsi, point n’était besoin d’en rajouter encore.

« Et moi, je crains de refuser votre refus. Mais nous verrons cela plus tard, pour l’instant je vous laisse parler à votre cher ministre. »

Elle avait failli buter sur le terme de ministre ; il était vrai que Nathan n’en avait plus vraiment l’air, pour le moment. Elle mit le téléphone sur haut-parleur et l’entendit élucubrer en s’étouffant à moitié à propos du fait qu’il ne fallait pas qu’elle cède. Il y avait peu de chance que McLoyd en tienne compte cependant, se dit Faith sans trop s’inquiéter. Elle avait demandé à lui parler pour s’assurer de ses dires, non pour avoir une vraie discussion construite avec lui.

Ce fut quand il parla de Mello qu’elle commença vraiment à voir rouge. Mais de quoi se mêlait-il celui-là ? L'idée de lui envoyer une baffe pour ça la démangeait assez -elle devenait violente ces temps-ci. Elle se retint néanmoins, et préféra lui reprendre le téléphone assez vivement, sans commenter autrement que par un regard glacial. Elle aurait tout le temps de régler cela après, une fois qu'elle en aurait fini avec la ministre des affaires étrangères.

« Vous avez certainement constaté par vous-même que M. Suzaku n'est pas au mieux de sa forme, ces temps-ci. Ne vous en faites pas, nous nous occupons de lui et il ne mourra pas d'une fluxion de poitrine dans sa petite cellule. Si vous décidez de faire vite, ça va de soi. J'espère vous avoir convaincue.

« Bien, à présent que vous avez la preuve que je ne me fous pas de vous, peut-être pourrions-nous cesser les enfantillages et passer aux choses plus sérieuses ? Je pense que 10 000 Kilars suffiraient pour commencer. Contrairement à ce que vous semblez penser, certains rebelles gagnent plutôt bien leur vie, mais un petit extra de temps en temps ne fait de mal à personne. »

Une fois cela réglé, il faudrait qu'elle réussisse à la convaincre de relâcher des prisonniers. Elle ne comptait de toute façon pas transiger, ils avaient besoin de Nathan au gouvernement et elle le savait, alors cela prendrait le temps qu'il faudrait mais elle arriverait à imposer ses conditions.

Spoiler:

Les rebelles semblaient tellement misérables, qu'ils recrutaient des fillettes. Si Cliodna était une personne dotée d'une once de compassion, elle aurait eu certainement pitié. Mais cette situation ne l'amusait plus qu'autre chose au final. Ils étaient pathétiques. Et même si cette gamine restait muette à propos de son identité, la ministre reconnaissait facilement ce genre de profil. Les adolescents étaient si influençables avec leurs idéaux. Se croyant les rois du monde à leur âge, alors qu'ils ne représentent absolument rien aux yeux de la société. Alors, en ce moment même, elles n'étaient pas dans un bac à sable, mais bien dans la cour des grands.

Lorsque la jeune fille céda à sa demande, la voix rocailleuse et malade d'un homme fit apparition. Etait-ce vraiment Suzaku ? Cliodna ne possédait pas les yeux pour le voir sur le coup, mais en tout cas, elle avait les oreilles pour deviner son état miteux. Ils ne font pas les choses à moitié chez eux, dis donc. Elle ne comprenait qu'un mot sur deux, puisque la toux brouillaient toutes ses phrases. Elle se concentra sur sa voix et retint la demande suppliante de son collègue. Alléchante sa proposition. Lui épargner la paperasse pendant un bon moment, ne serait pas de refus. Et puis un mot ressortit aussi... "Mello" ? Ce nom lui disait vaguement quelque chose.

Et puis plus rien. Peut-être que Nathan avait sombré dans la folie ou bien, qu'il avait prononcé un mot de trop. Intéressant. Elle allait étudier cette piste. La jeune fille interrompit une nouvelle fois ses pensées en se vantant de s'être bien occupé de Suzaku. Toujours aussi drôle ceux-là. On se demande bien comment ils ont appris à faire des réflexions aussi futiles. Et puis elle parlait d'enfantillages, mais dans l'histoire, c'était elle l'enfant. C'était eux les idiots qui avaient attaqué le gouvernement en prenant le ministre de la censure et de la propagande pour un jouet. Tout ce qu'ils faisaient était complètement puéril, comme des gosses capricieux qui se foutaient du système.

10 000 Kilars ? C'est que ces abrutis étaient gourmands. Le pire c'est qu'elle aurait tant aimé raccrocher au nez de cette petite effrontée en riant aux éclats. La grosse erreur à ne surtout pas faire  -à son grand désarroi-. Cliodna repensa brièvement à son camarade. Elle aurait bien souhaité lui adresser quelques mots en privé, mais bon, les rebelles ne semblaient pas très coopératifs.

« Mademoiselle, je pense que vous avez la vie devant vous, vu votre âge. Je me demande bien pourquoi on vous laisse faire le travail des grandes personnes. Et puis vos parents ne doivent pas être rassurés de savoir ce que vous faites. »

Entre deux doigts, Cliodna fit tournoyer une de ses mèches flamboyantes, le sourire aux lèvres. Quelqu'un frappa à sa porte, mais elle ne fit guère à attention à ça.

« Pour convaincre vous avez encore du boulot, mais je ne suis pas pointilleuse, alors je vais faire avec. Je peux vous obtenir 8 000 Kilars et en échange Suzaku, en état bien sûr. N'essayez pas une nouvelle fois de nous berner, nous n'avons pas que ça à faire. »

Comme par exemple jouer au chat et à la souris.

Nathan n'en revint presque pas, lorsque Faith lui prit le téléphone des mains, pour monopoliser de nouveau la conversation. Certes, il avait prononcé le nom de Mello, mais il ne s'attendait pas à un tel...un tel regard, après coup. Au gouvernement, le nom de Mello était connu. Après tout, il s'agissait de l'ennemi numéro 1. Ils possédaient son nom, son prénom, ils ne leur restaient plus qu'à obtenir une photo de lui pour le mener à l'abattoir. Mello était vraiment proche de la mort, sauf que le problème évident, c'était qu'il l'était depuis environ dix ans. En dix ans, pas un seul de ces incapables d'employés qui bossaient aux caméras de surveillance n'avaient été capable de choper un seul suspect qui ressemblât un peu à son portrait robot. Et ce n'était pas faute de ne pas les avoir engueulé.

Il pouvait entendre tout ce que ces deux-là disaient, et il était bien décidé à intervenir pour conseiller un peu McLoyd, à qui il ne faisait pas vraiment confiance. 10 000 kilars, c'était beaucoup trop, ils en auraient sûrement besoin pour assurer les dépenses d'un ministère comme celui de la rousse, ses déplacements et tous les dîners auxquels elle devait assister. Une ministre des affaires étrangères doit être de nature social pour négocier avec les pays étrangers, parler du Japon en bon terme, et Suzaku savait que pour cela, McLoyd était la bonne personne. Lui se serait attiré les missiles d'au moins 15 pays, plus des déclarations de guerre, étant donné qu'il n'avait pas vraiment l'habitude d'être mesuré et sympathique.

« Ne l'écoutez pas, McLoyd. »

Le haut-parleur étant allumé, il supposait qu'il pouvait parler et elle l'entendre sans qu'il ait le combiné entre ses mains.

« D'ailleurs, je vous conseille de chercher chez des fugueurs au nom occidental, cheveux blonds. »

Il la fusilla du regard, sachant que de toute façon, elle était obligée de négocier avec Cliodna pour le libérer...s'ils ne le faisaient pas, ils s'exposaient tous aux foudres d'Arashi Darkwood qui risquaient de faire plus de rafles que jamais, d'éliminer plus de résistants qu'à son habitude. Pauvre gamine, embrigadée dans une organisation terroriste qu'elle ne comprenait même pas.

« 5 000 Kilars. »

Une rage folle envahissait peu à peu Faith, membre après membre, lentement mais sûrement comme on dit ;  elle sentait plus que nettement la colère monter en elle, et la gagner par chacune des pores de sa peau. On la prenait pour une gamine, une fragile petite chose qui ne connaissait rien à la vie. Elle ne pouvait nier être encore très jeune, et manquer d’expérience par rapport aux deux ministres à qui elle avait aujourd’hui affaire ; mais elle aussi avait déjà vécu des situations dans lesquelles elle avait été obligée de gagner en maturité un peu trop vite. Certes, il était très prétentieux de nourrir de telles pensées, mais il était impensable à ses yeux de s’abaisser en cet instant présent et de s’écraser devant eux. Elle avait enfin une opportunité pour que le monde la reconnaisse, pour qu’il sache qu’elle aussi, parfois, pouvait n’être pas qu’une loque qui attend la mort dans son coin de lit d’hôpital.

Lâcher des informations comme le faisait Nathan était intolérable. Elle eut envie de le frapper, fort, très fort, elle eut envie qu’il ait mal, parce qu’il avait juré de faire foirer toute son affaire. Elle ne pouvait pas s’éloigner trop de lui durant ce coup de téléphone, il fallait néanmoins qu’elle s’assure qu’il ne dirait plus rien. Pour se faire, elle décida de laisser son pied aller voler au creux de l’estomac du ministre. Dans ce geste, qui n’était certes pas très puissant vu sa morphologie, elle plaça toute sa haine, son ressentiment, son dégoût et sa colère. Il n’aurait probablement pas plus que le souffle coupé pendant quelques instants, mais laisser un peu de violence déborder ainsi lui permettait d’évacuer un peu le trop plein d’émotions qui s’était accumulé dans son cerveau en ébullition.

« Pour 5 000 kilars, vous aurez une oreille de votre ministre » cracha-t-elle, sans savoir si cela était réellement destiné à Mc Loyd ou à Suzaku.

« J’ai dit 10 000, je ne suis pas prête à accorder moins », répéta-t-elle plus fermement, mais la rage froide transparaissant toujours dans sa voix. « Pour les prisonniers, c’est à voir, mais j’entends bien que vous libériez au moins cette journaliste que vous avez dans vos geôles, et qui se fait appeler Illness. S’il vous plait. »

En réalité, elle n’avait eu cette dernière exigence que parce qu’elle voulait bien faire comprendre qu’elle restait maitresse du jeu, et que pour le moment c’était encore elle qui avait toutes les cartes en main. Suzaku geignait doucement à côté d’elle, mais elle était persuadée que ce n’était que pour se faire entendre de l’autre côté du fil ; elle n’était pas très lourde malgré tout et n’avait pas pu lui faire grand mal.

Et s’il ne se taisait pas, elle sentait qu’elle allait encore s’énerver.

Toute son attention était axée sur la voix plaignante de son camarade Suzaku. Son oreille était tellement tendue, que Cliodna pouvait sentir chacune de ses respirations haletantes. Il la suppliait de ne pas suivre les exigences données par cette gamine. Comme si elle allait se plier aux règles d'une rebelle. La bonne blague. La ministre des affaires étrangères ricana légèrement en y repensant. Jamais elle ne cèdera, jamais elle ne trahira Kira et ce n'était pas son interlocutrice qui allait la faire changer d'avis.

Un homme blond au nom occidental... Mello... Mais oui ! Comment a-t-elle pu oublier une chose pareille ? Parfois, ses nombreux voyages lui faisaient perdre certaines notions. Certes, elle était capable de retenir une dizaine de langue, mais le simple nom de leur ennemi numéro one, semblait encore lui échapper. Elle s'en mordit la langue. Cependant, maintenant qu'elle était de retour au Japon, elle allait reprendre au plus vite ses marques. Aucune autre faute devait être commise. Et durant tout ce temps, où elle parcourait les divers pays du monde, ils n'ont pas été capable de l'attraper. Les incompétents. Ce Mello entachait l'image de Kira, devait-elle leur rappeler ? Elle soupira d'exaspération et enfonça ses longs ongles dans son siège en cuir suite à cette pensée. L'envie de prendre tous les pro-kiras un par un, et recadrer leurs esprits dénués d'intelligence la démangeait. Si au moins ils avaient une once de lucidité, ce fichu Rebelle serait normalement derrière les barreaux dans leurs plus profonds cachots sous haute surveillance du QG ou bien en train d'agoniser à la place de Nathan Suzaku sous la torture des pro-kiras. Ou même sous ses propres tortures.

Elle entendit un bruit sourd qui sonnait comme un violent coup étouffé dans le but de faire taire Suzaku qui avait tenté de s'immiscer dans leur négociation. Au lieu de persister à se débattre, il ferait mieux d'économiser ses forces et de s'accrocher à la vie. Même si elle savait bien que ce dernier était loin de baisser les armes aussi facilement. Cliodna aussi impitoyable que d'habitude ne prit pas pitié de sa situation. La compassion ce n'était pas son truc. De plus, tant que le mental de Nathan était toujours sain, elle n'avait pas à s'inquiéter. La petite en avait sous le pied apparemment, mais pas assez pour faire vaciller les ministres. Et même si son interlocutrice pensait toujours être le maître du jeu, Cliodna comptait bien la faire chuter de son trône.

« Voyons, traitez votre ministre avec un peu plus de respect, après tout, c'est votre unique monnaie d'échange dans cette négociation. »

Sa voix était teintée par le sarcasme, tandis que la rebelle s'enflammait sur place.

« Alors êtes-vous prête à perdre tous les gens auxquels vous tenez ? Etes-vous prête à ce qu'une nouvelle rafle vienne vous arracher tous vos bien, votre dignité, votre vie et cette arrogance pitoyable ? »

Fière de son pouvoir, elle sourit de toutes ses dents et souffla un léger rire moqueur. Elle aimait tellement faire planer une épée de damoclès sur la tête de ces malheureux rebelles. C'était si jouissant, peut-être même plus que dans son lit. Elle aurait pu continuer à argumenter avec d'autres menaces bien plus sanglantes les unes que les autres. Mais il ne fallait pas trop faire peur à la petite, sinon elle allait faire des bêtises.

« Votre soi-disant courage est bien mignon mademoiselle, mais ouvrez les yeux.» La ministre fit une pause dans un intense suspens puis reprit fermement . « 7 000 et cette Ilness... Je vais devoir encore une fois vous dire non. »

Une nouvelle fois on frappa à sa porte et une tête s'introduit dans son bureau. Cliodna planta son regard malicieux dans celui du pro-kira qui semblait être un jeune subordonné et hocha doucement son visage.

Était-il possible d'aller pire que maintenant ? Nathan Suzaku avait envie de vomir. Le pied dans son ventre l'avait fait tomber et à ce moment, il ressemblait plus à une girafe qui avait perdu l'équilibre qu'autre chose. Il s'écroula dans un coin de la pièce, les cheveux allant dans sa bouche, les yeux écarquillés. Les menaces que Faith proférait au téléphone, il les entendait, et à chaque seconde, sa bouche respirait avec un peu plus de peine.

Il savait qu'il n'y avait a priori aucun danger pour lui, qu'ils n'allaient certainement pas se permettre de ne pas le récupérer en entier. Une oreille de lui, c'était stupide, ils ne pouvaient pas faire cela, au risque d'avoir les patrouilles à leur trousse...mais, maintenant qu'il y pensait, on devait le chercher. Et si on ne l'avait toujours pas trouvé, c'était qu'ils étaient vraiment bien cassé. Suzaku tenta de se redresser, fermant la bouche pour plus de précaution car il sentait monter la bile dans son œsophage. Malgré tout son mal-être, il avait reconnu le nom de sa chère Illness dans la bouche de Faith Reed et trouvait plus qu'admirable que quelqu'un comme elle veuille la sauver mais...il voulait s'en charger. Il voulait être son chevalier servant, la personnage qui lui aurait donné les clefs des champs et la liberté méritée. Suzaku voulait un peu en profiter, parce qu'il l'avait tant imaginée partir de cette geôle, surtout. Personne ne méritait plus la liberté que Illness.

Le son dégueulasse du haut-parleur retentissait à ses oreilles, déformée, tandis qu'il était à quatre pattes juste aux pieds de Faith. Qui aurait pu croire qu'il était ministre, à présent qu'il avait cette démarche malade, ces yeux fous et que ses cheveux gras trop longs lui tombaient sur les yeux. Il avait en fait juste l'air d'un prisonnier, d'un type complètement cinglé ayant commis une grosse erreur et qui se retrouvait ici pour expier ses crimes. Il ouvrit la bouche, entendant ce que disait Cliodna. Sa collègue allait le faire devenir fou et Faith...le fait qu'il parle trop de Illness allait la mettre encore plus en danger. Ils allaient maintenant penser qu'elle avait quelque chose à faire avec la résistance et la mettre encore plus à la question. Qu'il parle...il fallait qu'il parle, merde. Pour Illness, juste pour elle.

« 10 000...et...je sauverai Illness moi-même...elle est innocente. C'était...une erreur. »

Il avait un peu trop ouvert la bouche et sentait maintenant le liquide gastrique de tout ce qu'il avait pu avaler ces derniers jours – de la purée dégueulasse, des restes de viande pré-mâchée et des médicaments distribués avec parcimonie – descendre de sa bouche. Il vomit tout par terre, non loin de Faith et pas assez près pour l'en éclabousser. Lorsqu'il eut fini, le ministre se sentait plus mal que jamais, et ce n'était pas peu dire. Blanc, il était là, par terre, s'essuyant sa bouche avec sa manche.

« Arrêtez...Mc Loyd...vous ne les avez toujours pas trouvés, et moi je vais mourir bientôt si...si vous ne payez pas. »