ILLNESS RAMENE TES FESSES

B n'encaissa pas le coup. Il se prit plutôt le camion en pleine figure, c'est pourquoi, brusquement il pleurait, ne pouvait retenir ses larmes : il les avait retenues trop longtemps, un temps beaucoup trop long pour le simple être humain que B était devenu. Ces larmes, c'était tout ce qu'il avait ressenti depuis qu'il était arrivé ici : non seulement sa souffrance, mais sa vie,son calvaire, ses rencontres avec L, son impossible révolte. Beyond Birthday était désespéré ; il aurait aimé posé sa tête contre celle de Yue afin que celle-ci le materne, cependant, ce n'était son rôle. Il aurait aimé qu'elle le tue, une bonne fois pour toute : peut-être que ceci aurait été efficace, oui, qu'elle le tue. Que lui-même ne puisse plus voire son visage, qu'il ne sache plus qui il était, qu'il ne connaisse juste que Yue. Yue, toi, toi. Ta silhouette qui ne voyait plus que lui, qui voulait le consoler, qui n'était là que pour cela. Il était tellement à l'étroit, dans cette petit, ô toute petite camisole. Ses muscles s'atrophiaient, il ne pourrait sans doute pas bouger les bras avant un long moment, lorsqu'il sortira de là. Et le jour où tout irait bien, la rencontre avec Yue ne serait pas qu'un vague souvenir dans sa mémoire, un rêve glacé laissé par les médicaments imposés. C'était également pour cela qu'il pleurait, lui, le criminel insensible. Tu, toi, tu l'avais l'enlacé. Il sentait avec quelle réalité tes petits muscles le touchaient, la froideur qui habitait ton être tout entier. Tu étais morte, c'était vrai, morte de chez morte. Même ton anatomie de morte confirmait ce fait : jamais on n'aurait pu trouver un oeil aussi étrange, chez une vivante. Tu étais morte et ton corps en payait les frais.
Beyond Birthday inspira l'air souillé de la prison avant de blottir sa figure contre toi. Il ne pouvait plus bouger, si tout d'un coup tu te décidais à tuer son meurtrier, tu pourrais assurément le faire. C'était normal, c'était la loi, la seule, celle que connaissait Kira. Le Talion. C'était à la fois juste et injuste, surtout que B n'avait pas voulu te tuer, cependant, si tout d'un coup, tu décidais qu'il ne méritait plus de vivre, tu pouvais l'achever, là, tout d'un coup. Cela devait être facile pour toi, non ? Même si tu te refusais de tuer avec tes mains, il y avait toujours ce cahier, cette infernale arme à ton service. Tu connaissais son nom, son prénom, il te suffisait moins de 40 secondes pour écrire le nom, et 40 petites autres secondes pour que cela fasse effet. Ce n'était pas tellement grave, personne ne regretterait sa mort, surtout pas L, ce L qui l'avait tellement humilié la dernière fois qu'il avait été le voir. Ce L qui l'avait fait emprisonner, ici-même, et qui, si cela se trouvait, était même, en ce moment, en train de l'observer, mangeant une énième friandise – probablement une fraise au sucre, puisqu'il s'agissait de B – se demandant et retournant dans son cerveau de génie cette question : comment a-t-il fait pour en arriver jusque là ?
Voilà. L ne pouvait voir Yue. En quelque sorte, il aurait même pu le qualifier de nom voyant, pour ignorer à ce point la réalité, ce qui se passait devant ses yeux. L Lawliet était certes intelligent, mais il ne voyait pas juste devant son nez. C'était lui qui avait assisté à l'horrible massacre de la gare, cependant, son corps tout entier avait été incapable de réagir, de l'arrêter.
« Non, pas tout de suite. Je veux d'abord LE tuer. »
C'était impossible, il le savait, Kira s'en chargerait même probablement avant lui, mais il voulait y croire en tant que futur alternatif. Il se voyait mal prendre un stylo et écrire un nom, n'importe lequel, dans ce cahier : ce serait sans doute le sien, après une énième tentative de donner la mort à L. Beyond Birthday n'avait pas souvent de pensées morbides à son sujet, mais depuis qu'il était collé au cadavre froid de Yue, il fallait avouer que cette idée ne paraissait pas tellement désagréable ? Pourquoi ne rendre un hommage à son tour au grand William Shakespeare ? Il rit à sa manière, si bien que Yue dut le prendre une nouvelle fois pour un fou, ou juste pour lui. Mais toi, toi, tu saurais sans doute ce qu'il était en train de penser, ses difficultés à appréhender désormais le monde des humains, à mener sa vie sans tomber dans les pires excès. Il fallait qu'il arrête de tuer, il fallait qu'il arrête de penser à L comme si lui ne faisait que partie de son seul monde. C'était fini, les jeux d'enfants, il en était fini de cette terrible aversion qu'il avait dans son passé. Il se souvint de cette phrase, cette terrible phrase qu'il avait dit à Yue et qui valait également pour lui. Et s'il recommençait tout à zéro ?

« Ne me tue pas tout de suite...Emporte-moi juste...en volant, là-bas. Je veux voir. »
C'était douloureux, la mort ? Il avait un peu peur, c'est pourquoi il allait essayer de la vaincre, pouvoir voir ce qu'un humain n'avait jamais vu, du moins tandis qu'il était en vie. Un petit rire fou prit de nouveau le garçon, il te donna un petit coup de tête, comme pour te supplier de l'emmener avec toi, de partir, de le sortir de cet enfer de médicaments et de médecins. De le faire vivre, quoi.