Childhood Don't Go-go [Pv Yu]

« Je suis quoi pour toi, Daniel ? Juste une paire de jambes ?
— Bah... »

Crazy Snake posa son oeil bleu sur la jeune femme face à lui ; il était en train de se demander ce qu'il faisait avec elle. En fait, il ne se rappelait plus de la raison. Elle n’avait rien pour lui plaire, au final ; c'était une Japonaise. Même s'il trouvait leur longue chevelure noire comme l'ébène séduisante, leur peau douce et fine, il devait s'avouer qu'elles n'avaient pas assez de seins. Celle qui était en train de lui cracher à quel point elle le trouvait détestable, ne faisait qu'un minable 90 B, d'après ce qu'il en avait pu « tester ». Nan... il lui fallait au moins du 85 D, pas moins. Elle parlait fort, en plus, dès le matin. Il était quoi ? 7 h ? L'heure d'aller au boulot. Avec un peu de chance, leur dispute (qu'elle était seule à mener) le pousserait à arriver en retard. Crazy se rappela qu'il avait faim, d'ailleurs. Sans vraiment l'écouter (son cerveau ne se souvenait plus pourquoi elle l'engueulait), l'adulescent se leva, et se dirigea vers la cuisine. La fille lui ordonnait de la prendre plus en considération, sinon, elle finirait par le quitter. Oulà... ça, c'était de la menace ! Malheureusement, il s'en foutait.

« Tu m'écoutes ?
— ... Ouais, bien sûr. »

Hem...

Crazy ouvrit la porte du réfrigérateur, il serra les dents devant le vide total. Il n'y avait que quelques bières, et du surgelé. Il fronça les sourcils, s'interrogeant : était-il convenable pour un bridé ordinaire de manger des épinards avec des saucisses le matin ? Pff... il avait la flemme de préparer ça. L'homme soupira, consterné, il n'avait rien à se mettre sous la dent. Tant pis ! Il attendrait la pause de midi, pour ça, son patron était plutôt gentil. Au moment où Crazy Snake se releva, il reçut un de ses vieux t-shirts sales dans la figure. C'était sa presque copine qui venait de le lui balancer à la figure, elle lui envoya un regard furieux. Comme ça... il la trouvait un peu plus désirable.

« Quoi ? »

Elle gronda qu'aucun homme ne l'avait jamais traité de cette façon ! Crazy haussa les épaules, tandis qu'elle mettait ses chaussures. Elle enfila son manteau :

« Je suis quoi ? Hein ? J'aurais dû écouter ma mère, et ne pas m'enticher d'un étranger. Tu me traites comme si je n'étais rien d'autre qu'un plan... “fesses”...
— Bah... en fait... »

Oh... Crazy Snake se rendit compte qu'il aurait peut-être dû la fermer. Parce que là... même lui avait peur du regard qu'elle lui lança. Elle se planta devant lui, puis elle cria :

« TU ME DÉGOUTES ! »

Et bon sang, la baffe qu'elle lui envoya ! Sa tête claqua contre le placard, son crâne lui fit mal, et Crazy Snake se demanda s'il ne venait pas de perdre tous les neurones qui lui restait. Elle mit la main devant sa bouche, choquée par son propre geste, peut-être était-il blessé ?

« Je... »

Sauf que Crazy Snake était le genre de personne à rendre ce qu'on lui donnait, qu'il s'agît d'une femme ou non, ça ne lui posait pas de problème de lever la main sur quelqu'un. Furieux, Crazy Snake lui saisit le poignet, il le serra lentement, au point de lui faire mal. Il ne chercha pas à la frapper à tout prix, il se contenta de la fixer de son oeil unique, brillant de rage. Elle murmura des paroles intelligibles, elle se débattit sans qu'il fasse d'efforts pour la retenir, et elle fonça sur la porte en hurlant :

« Espèce de malade, jamais un homme ne m'a traité comme ça ! »

Elle claqua la porte.

Crazy Snake frotta sa joue, puis il regarda sa main avec un air blasé. Il soupira :

« Je crois qu'on va pouvoir être à nouveau amis, toi, et moi. »

Pfff... elle l'avait pas engueulé suffisamment longtemps pour qu'il puisse arriver en retard ! Il n'était que 7 h 30, et il lui restait une demi-heure pour se rendre au restaurant. Crazy Snake s'habilla avec toute la lenteur possible, d'une façon aussi peu distinguée qu'il se ferait réprimander par le patron. Il y avait un trou dans son t-shirt, au niveau du bas depuis trois mois, et depuis trois mois, il ne l'avait toujours pas remarqué. Il profita du temps qu'il avait pour se rendre jusqu'à son travail pour allumer une clope. Il n'y avait que ça pour le rendre de bonne humeur de si bon matin ! Une belle marque de doigts sur la joue, Crazy Snake apprécia autant que possible la fumée qui emplissait ses poumons. Ce n'était pas vraiment comme quand il faisait péter un truc, ce n'était pas aussi jouissif, mais c'était assez agréable pour adoucir son esprit. Il lécha sa lèvre inférieure. Il gratta l'arrière de sa nuque. Vingt minutes plus tard, il arriva devant son lieu de travail.

Son patron était déjà dehors, il arrangeait les tables. Il lui fit signe, sans s'attendre à une réponse de la part de son employé.

« J'imagine que tu n'as rien avalé. »

Crazy haussa les épaules, cet homme commençait à le connaître. Il n'entra pas tout de suite dans le restaurant, il termina sa cigarette avant ; son patron lui tendit un cendrier, il était hors de question que ses mégots n'ornèrent leur façade ! Il remarqua d'ailleurs la marque sur sa joue, il gronda :

« Tu t'es encore fait larguer ? »

Nouveau haussement d'épaules. La cigarette terminée, Crazy Snake pénétra dans le restaurant. Les clients ne tarderaient pas à arriver pour prendre un verre, ou un petit-déjeuner avant de se rendre à leurs occupations. Il était temps de commencer cette journée de merde.

C'est difficile de comprendre certaines personnes. Je crois que si j'avais à être psychologue, je devrais moi-même avoir à en consulter une. C'est vrai, je n'arrive à me nier l'existence de métiers complexes, insolites et dont les personnes l'effectuant y trouvent leur passion.
Je ne comprends pas tout le monde et je ne comprendrais que moi-même pas coeur.


Affalée sur ce fauteuil, la tête fixant le plafond, je suis des yeux une petite araignée. Elle est assez petite vu que sans mes lunettes je n'arriverais surement pas à l'apercevoir. Mes bras le long du dossier du fauteuil, je tapote contre le tissus molletonné un rythme quelconque. J'ai eu droit à peu d'activités artistiques dans mon enfance tant que j'y pense.
On m'a construit un esprit cartésien dès mon plus jeune âge. C'est peut-être pour cela que je n'arrive pas à comprendre d'autres personnes...je ne sais pas me l'imaginer, je dois faire des hypothèses sur lesquelles je pose un pourcentage de chances. Je dois paraître tellement...bizarre...différente.


Le petite araignée descend sur son fil fraîchement tissé avant d'arriver sur le bout de mon nez. Je ne bouge pas. Elle ne pèse rien, je ne la sens même pas appuyer tout son poids sur moi. C'est tout de même fou qu'il y aie une vie dans quelque chose d'aussi petit...
Je crois que j'ai bougé. Et voilà qu'elle remonte là où elle était, petite chose fragile ayant peur de moi. Il faut dire que on a beau dire qu'on ne fait pas peur à une mouche, il faut dire que l'on ne leur a jamais demandé...

Soupir.
Je me lève, mon ventre gargouille. Il serait temps de trouver un petit peu de réseau internet. Mon gsm a été confisqué par les pro-kira, il ne me reste que cette brique de remplacement sans intérêt...vivement mon premier salaire.
En parlant de travail, j'ai eu un jour de congé, comme ça. Il faut dire que mon employeur aime bien rester sombre sur ses raisons quelque soit la situation.
Tiens, mais j'ai une idée...mais il me faut du réseau.
Apprêtée comme à mon habitude, un tee-shirt quelconque, un gilet qui va par dessus et un jeans parce que je me sens mieux là dedans. Je fais encore gamine malgré ma majorité atteinte. Je fais une quinzaine d'années peut-être... Puis cette poitrine même pas décidée à grandir plus que cela... C'est à croire que je ne serais jamais une femme.
De toute façon, je n'aurais pas le temps de vivre tout ce qu'une ''femme épanouie'' doit vivre.
Je sors avec ma sacoche et mon ordinateur dedans. J'espère qu'il y a déjà un endroit ouvert pour manger à cette heure...mais quelle heure est-il au fait? En tout cas, il fait clair...

La rue est triste. Tout est sombre mais c'est normal dans cette société. Noir, gris...c'est neutre, cela montre la volonté de s'intégrer dans la masse... Mais je sais que je n'en ferais jamais partie. C'est peut-être pour cela que j'ai décidé de porter du rouge aujourd'hui.Peut-être, peut-être pas, moi même je n'en sais rien. Puis pourquoi constamment chercher après une raison?
Les gens ont le regard vers leurs pieds, à regarder où ils marchent...à moins qu'ils n'aient pas la force de lever la tête vers ce ciel grisâtre. Probablement qu'ils savent qu'il l'est déjà?

Trop d'interrogation. Repose-toi petit cerveau!...ah, c'est vrai, tu ne peux pas.
Tu réfléchiras jusqu'à tout s'éteigne définitivement...

Je crois que j'ai peur. Peur de la mort. C'est normal, je sais mais je ne sais même pas quand cela arrivera...quand mon cerveau s'éteindra...ça peut être dans trois secondes... à 2% ou dans 9 mois...à 57%.
Ce qui est sûr, c'est que je ne tiendrais pas jusqu'à mes vingt ans...vive la technologie. C'est peut-être cela, l'obsolescence programmée. L'humain l'est aussi vu qu'il n'est pas immortel...

-Oh?

Une goutte d'eau sur ma lunette...il pleut.
Une autre goutte vient rejoindre la première, puis une autre et encore une autre. Une pluie torrentielle va bientôt arriver...à 62%. Déjà quelques parapluies se lèvent au dessus de certaines têtes dans la rue. Pas de chance, je n'en ai plus depuis mon "déménagement forcé".

Je cours. Ma sacoche contre mon torse. J'ai déjà les cheveux trempés. Mais pourquoi n'ai-je pas pensé à ce f*cking parapluie?
Finalement, je vois une enseigne et une porte ouverte. Thanks! Je m'y engouffre, haletante.
Je réajuste mes lunettes pour voir deux personnes dans le fond, discutant.

-Heu...bon-bonjour!

Dès qu'il le pouvait, Crazy Snake jetait un coup d'oeil à l'horloge accroché au mur. Ça devait faire que deux minutes qu'il avait terminé sa cigarette, mais il était déjà impatient d'en commencer une autre. Depuis hier, le borgne traînait une certaine langueur derrière lui, sans doute lassé de cette vie japonaise. S'il voulait retrouver un peu de joie de vivre, il devrait faire exploser un truc, et vite. En compagnie de Misaki, la fille du patron, il était en train d'arranger les tables. La jeune fille repassait derrière lui, remettant les couverts parfaitement droits, refaisant même les serviettes, en lui lâchant à quel point il ne faisait pas attention à ce genre de détails.

« Tu vois... il ne s'agit pas de faire quelque chose de présentable, mais quelque chose de présentable, ET de joli. Ne plie pas simplement la serviette, tu dois faire comme ça... »

Sans lui accorder d'attention, l'homme continuait de faire son travail. Sans s'apercevoir de ça, Misaki pliait la serviette en triangle, en lui expliquant comment il devait faire. Quand elle releva la tête, elle comprit que depuis le début, il ne l'avait pas écouté. Elle grogna :

« C'est à cause de ça que tu ne trouveras jamais personne ! »

Crazy Snake haussa les épaules. Pourquoi les gens accordaient-ils autant d'attention à l'amour ? Comme si tomber amoureux, se marier, et avoir des mômes, c'était le véritable but de l'existence. Misaki pensait comme la moyenne, cette fille n'avait aucune originalité. Ce qu'elle voulait faire ? Devenir une femme respectable, avoir un métier, et épouser un homme à la fois séduisant, et riche. Un Japonais, de préférence, car les coutumes des Occidentaux étaient trop perverties, selon elle. Quelle nana chiante.

Elle était mignonne, pourtant, enfin pour une Japonaise. Sans doute qu'il l'aurait trouvé jolie, si lui aussi avait été Japonais. Elle avait les cheveux coupés courts, au carré, des yeux noirs en amande, et un visage rond. Elle était toute menue, et ne devait pas dépasser le mètre soixante. Mais elle n'avait pas un caractère charmant, même si elle ne pouvait pas rivaliser avec le sien. Elle prétendait le mépriser, alors pourquoi passait-elle son temps à lui raconter à quel point sa vie de petite lycéenne était passionnante ? Misaki parlait dans le vent, Crazy était trop occupé à voir ce qu'il se passait dehors. Il fronça les sourcils, il se rapprocha de la fenêtre. Il lui fallut un petit moment pour qu'il se rende compte qu'il pleuvait, de quoi le rendre plus blasé. Crazy Snake n'appréciait pas la pluie, ça l'empêchait d'allumer du feu, et sans feu, il était vite triste.

« À cause de toi, Yuria me déteste. »

S'il avait porté plus d'attention à Misaki, le borgne lui aurait craché de fermer sa gueule. Mais son cerveau s'était simplement déconnecté. Il resta planté devant la fenêtre, fixant la pluie avec un air de plus en plus malheureux. Il mordit sa lèvre, puis son oeil se posa sur une gamine en train de courir, sa sacoche écrasée contre elle. Il avait trouvé une chose plus intéressante que d'entendre l'autre cruche lui rabâcher à quel point il était désagréable. À son grand étonnement, la gamine entra dans leur restaurant. Misaki se tut, elle dévisagea la cliente, puis elle lui offrit un grand sourire avenant :

« Bonjour ! »

Crazy Snake pour sa part ne comprenait pas pourquoi la gamine était venue. Contrairement à lui, Misaki la traitait comme n'importe quelle autre cliente, son visage restait souriant.

« Owell... »

Les sourcils haussés, Crazy Snake baissa son regard sur Misaki, sans véritablement comprendre ce qu'elle attendait de lui. La jeune fille soupira, puis elle murmura :

« Tu sais... avoir une attitude normale, comme tout le monde, la politesse, tout ça ? Tu n'as pas vu ? On a une cliente. »

Le borgne gratta l'arrière de sa tête, comme si son esprit peinait à saisir tous les enjeux dramatiquement sociaux qui torturaient Misaki. Elle grogna :

« Mais accueille-la, idiot. »

Crazy Snake serra les dents, pourquoi Misaki ne l'avait pas dit plus tôt ? Pourquoi les gens ne clarifiaient jamais ce qu'ils voulaient ? Devant la mollesse de Crazy Snake, Misaki se précipita sur Yu afin de l'inviter à s'asseoir, et lui donna la carte. Il voulait qu'elle fasse quoi ? Qu'il sourit ? Lui ? Haha... il n'était pas certain que si on le voyait sourire, comme quand il était content, ferait plaisir au patron. Il risquait d'effrayer les clients, ou de se faire interner, après que ces derniers aient appelé les flics pour dire qu'il y avait un type dangereux en train de sourire dans un resto. Misaki fonça dans la cuisine, alors que Crazy attendait que quelque chose se passe. Le dos appuyé contre le mur, les bras croisés, il examinait toujours cette pluie de merde. Après une ou deux minutes, le roux se dirigea vers Yu, l'air aussi peu accueillant qu'un chien ayant la rage. En la fixant, sans la saluer, il grogna :

« Z'avez fait votre choix ? »

Je n'eus même pas le temps de demander si ils étaient ouvert que la jeune femme dans le fond m'offrit un grand sourire avant de me diriger vers une table.
Les couverts étaient déjà placés, la serviette impeccablement pliée. Je n'ai jamais compris l'intérêt de plier une serviette ''comme ci'' et mettre les couverts ''comme ça'' pour que l'on puisse manger ''ainsi''. Mais soit, c'est encore un monde qui restera définitivement hors de ma portée.

C'est donc la carte entre les mains que je me décide à prendre un classique, le pain au chocolat avec un café...ils n'ont pas de chocolat chaud ici? Soit, je ferais avec...puis cela me réveillera aussi. J'espère qu'ils ont du wifi, ça pourra m'être grandement utile.

Je dois me dépêcher de prendre une décision. Je ne parle pas de nourriture, je parle de mon camp. Je ne peux plus me permettre de rester neutre. Je connais le visage de résistants et ma présence ici ne sera peut-être plus légale. De plus, sûrement que les scientifiques américains vont lancer un avis de cherche me concernant...si ce n'est pas déjà fait.
Mes doigts se crispent sur le menu. Qu'est-ce que j'ai à faire? Si seulement il pouvait y avoir un menu de jeu vidéo, rien de plus simple, avec les différents choix qui s'offrent à moi...
Tout est tellement plus compliqué qu'avant...serait-ce ça la majorité? Le fait que l'on ai tellement de libertés que l'on ne sait quoi choisir?

Tout s'embrouille...

-Z'avez fait votre choix?

Oh! Il m'a fait peur celui-là! C'est sûrement pour cela que je suis tombée de ma chaise en arrière. Ce réflexe stupide de se méfier de chaque être humain...ça m'épuise. Voilà que à cause de cela, je me retrouve les quatre fers en l'air avec un air parfaitement ahuri et un mal de crâne assez aïgu.

-Ouille...

J'espère que cela ne va pas affecter ma prochaine crise neurologique. Je crois que ...ah, je n'ai même plus la tête à calculer. Je dois vraiment être dans un mauvais jour.
Je me redresse presque aussi vite que je suis tombée, un sourire gêné aux lèvres. Mais quelle cruche je fais, je me surpasse ces derniers temps...

-Euh...oui oui, a koffie et un pain au chocolat s'il vous plaît.

Et voilà que je mélange encore l'anglais et le japonais. Tout va bien...

-Ah...et...il y a du réseau internet ici?

Puis je fais enfin face à cette personne qui m'avait parlé. Il est borgne, oui. C'est dommage parce que son unique oeil est d'un bleu profond...intéressant. Je ne suis pas fétichiste des yeux, loin de là mais ce visage...je suis loin de l'oublier et je ne sais pas trop pourquoi. Puis ses cheveux rouges ont une belle couleur aussi.
La génétique est quand même une chose complexe. Je me demande à quoi peuvent ressembler ses parents... Le bleu des yeux et le roux des cheveux, ce sont tout des deux des caractères génétiques qui ne se déclarent que rarement. On pourrait donc dire qu'une personne comme lui est un spécimen rare, d'un point de vue physiologique bien sûr. Maintenant, je ne le connais pas. Peut-être serait-ce une personne parfaitement superficielle qui se colore les cheveux et qui porte des lentilles, je ne sais pas... Je n'ai vraiment pas la tête à calculer des pourcentages pour l'instant...

Quand la cliente tomba de sa chaise, Crazy Snake ne bougea pas d'un cheveu pour l'aider à se relever. À quoi bon ? Elle était suffisamment grande pour se rétablir, toute seule. Dans son dos, il sentit le regard consterné de Misaki. Bien sûr, il avait compris qu'il lui avait fait peur, mais que pouvait-il y faire ? Hein ? Elle aurait dû faire plus attention, au lieu d'avoir la tête dans le vide. D'un certain côté, que sa face pleine de tâches de rousseurs, contrariée, et fatiguée, lui donna la peur de sa vie, c'était insultant. C'était rien, il était juste, roux, ET borgne. Il n'était pas si laid, quand même ? Crazy Snake manqua de faire une remarque plutôt désagréable, mais Misaki le fixait avec une telle intensité qu'il pressentait que s'il l'ouvrait, elle l'égorgerait avec la cuillère qu'elle tenait dans la main. Au lieu de ça, il poussa un soupir agacé, tout en grattant l'arrière de son crâne. La vie était vraiment dure avec lui, vraiment très dure. Il faisait un temps incroyablement merdique dehors, il avait un boulot minable, et il était obligé de concilier son sale caractère avec celui d'une jeune fille frêle, répondant au doux nom de Misaki, qui était sur le point de l'engueuler.

Au bout d'un moment, Crazy Snake se retourna vers l'adolescente, lui lançant un regard perçant, signifiant : « QUOI ? ». Elle leva les yeux vers le plafond, et croisa les bras. Ah ouais... Crazy Snake avait oublié de sourire à Yu ; là, il aurait fallu remonter le temps pour changer deux, voir trois trucs. Tout d'abord, il aurait fallu changer de protagoniste, et mettre un vrai Japonais dans la peau du serveur. Celui-ci aurait accueilli avec toute la gentillesse possible la cliente, en lui offrant un superbe sourire pour cacher les prix élevés du restaurant. Quand la jeune fille éplorée serait tombée de sa chaise, il lui aurait tendu une main douce et ferme (mais glabre) en lui demandant — inquiet — si elle allait bien. Mais... en fait, ça ne serait qu'un terrible fantasme aussi vide qu'un pot de nutella passé entre les griffes d'une ménagère frustrée.

Crazy Snake fouilla dans les poches de son jean's pour vérifier s'il avait de quoi noter. Quand bien même, la commande de Yu était extrêmement simple, il risquait de l'oublier dès le moment, où il irait préparer le café. Il s'arrêterait sans doute en route, comprenant que son cerveau n'aurait pas enregistré une seule information. Malheureusement, distrait comme il était, il n'avait ni calepin, ni stylo. Avec un peu de chance, Misaki les écoutait, et s'en souviendrait à sa place. Il approuva sans rien dire, puis il alla s'en aller, lorsqu'il décida que le regard de la jeune fille lui devenait pénible. Elle était en train de le « dévisager » (dès qu'on posait ses yeux sur lui plus de deux secondes, on le dévisageait irrémédiablement), ce qui était loin de lui plaire. Ne lisant pas dans les pensées, Crazy Snake s'imaginait que sa tronche abîmée dérangeait encore, il émit un léger grognement :

« Si vous voulez voir des bêtes de foire, allez au Zoo. Et nan, on a pas de WiFi. »

Crazy Snake entendit un « clac » au loin ; il s'agissait de Misaki, qui venait de fourrer son visage entre ses mains. Soupirant encore, l'homme abandonna Yu sans s'inquiéter si elle était blessée ou non. Alors qu'il s'enfonçait dans la cuisine, Misaki lui écrasa le pied. Elle lui offrit un regard foudroyant de haine, lui, il se contenta de crier :

« Mais bordel, tu m'as fait mal !
— Tu sais... quand je te parlais de politesse, l'autre jour, t'as oublié ? Mon Dieu... si jamais ça avait été quelqu'un d'important, qu'est-ce qu'on aurait fait ? Mon père pourrait te virer pour ça ! Owell... va lui présenter tes excuses, on est pas dans ton pays de barbare, ici.
— Non, j'ai la flemme. Tu saoules. »

Misaki se massa les tempes, comme si la simple présence du borgne lui donnait un horrible mal de crâne. Finalement, elle se dirigea vers Yu pour s'excuser à sa place. Il ne comprenait pas l'intérêt de s'angoisser pour une chose pareille, les Japonais manquaient terriblement de franchise. Misaki expliqua que le WIFI n'était pas disponible, mais qu'elle pouvait éventuellement lui donner la clef, si Yu en avait si besoin que ça. Elle était en train de battre des cils, et faire sa lèche-cul quand Crazy Snake revint avec le café, et un croissant. S'apercevant de l'erreur du borgne, Misaki fit son plus beau sourire, et lâcha :

« Je suis désolée, il est un peu limité. Je vais vous apporter votre pain au chocolat tout de suite !
— Je t'emmerde. »

Crazy Snake grinça des dents, Misaki s'était déjà volatilisée.

-Si vous voulez voir des bêtes de foire, allez au Zoo. Et nan, on a pas de WiFi.

Je crois que ça le dérange qu'on le fixe. Je sais que c'est malpoli et pourtant je l'ai fais quand même. Non mais je suis dans ma journée de la cruche aujourd'hui, c'est incroyable.
Pourtant, je ne sais pas trop pourquoi, cette remarque me fait doucement sourire. C'est vrai, savoir faire comprendre de manière détournée qu'il n'aime pas qu'on le fixe, surtout qu'il doit avoir droit à ce genre de situation plusieurs fois par jour...c'est presque pris avec humour.
Tout en continuant à me gratter le sommet du crâne, je lui souris.

-Une bijouterie serait plus adaptée je pense...

Je ne sais pas pourquoi non plus j'ai lancé cette remarque. Mais il faut dire aussi que cet oeil à découvert est tellement brillant et...bleu. On pourrait le comparer à un saphir, ces pierres d'un bleu pur. Un saphir dans son écrin. Mais soit, ce n'est pas le plus important.
Manque de bol, ils n'ont pas le wi-fi. Dommage... Mais bon, il faut dire que je n'ai pas vraiment pris le soin de m'informer avant de sortir...mais je n'avais pas le réseau non plus.
Quelques secondes après, l'adolescente qui m'avait accueillie tout à l'heure revint s'excuser en son nom. Elle rayonne d'une énergie pétillante, elle est sûrement plus jeune que moi d'ailleurs.

-Mais ce n'est rien, c'est juste moi qui suis très distraite ces temps-ci.

Puis, elle me proposa la clé du réseau. Soit, si c'est une façon de s'excuser, je les veux bien les excuses en question. J'accepte en lui rendant son sourire et elle gribouilla vite fait un numéro sur un morceau de serviette. C'est quand même bizarre, elle qui a du plier soigneusement la serviette en papier, voilà qu'elle s'en sert comme si ce n'était rien. Mais soit, encore une fois, ce n'est pas mon problème.
Le apparemment dénommé Owell (vu que j'ai pu entendre quelques brides de leur entrevue dans leur cuisines) revint avec un café et un croissant.
Quand la jeune fille s'excusa encore une fois, disant qu'il est ''un peu limité'', j'ai trouvé qu'elle n'était pas si respectueuse dans le fond. Un peu comme la réplique de mister.

Mais je ne sais pas trop pourquoi, je me suis mise à rire. C'est juste que la situation est assez hilarante dans le fond, on dirait que j'assiste contre mon gré à une comédie américaine.

-Ce n'est rien. Un croissant m'ira très bien. Puis, c'est le même prix non?

[PS:désolée, c'est court mais j'ai pas trop l'inspi cette fois ci ^^']

Alors que Misaki préféra répondre par un sourire, lorsque Yu se mit à rire, Crazy haussa les sourcils. Pourquoi elle riait, tout à coup ? Il s'était passé quelque chose qu'il n'avait pas remarqué ? L'homme jeta un oeil dehors, afin de savoir si ça venait de là, mais il n'y avait que la pluie, et quelques personnes s'aventurant dans les rues. Sans attendre la suite, il se retourna pour s'occuper du reste. Ou plutôt pour chercher quelque chose à faire, il n'y avait personne, le temps n'invitait pas les potentiels clients à sortir. TANT MIEUX. Moins Crazy Snake avait des contacts humains, mieux il se portait. Surtout avec les Japonais, il ne parvenait ni à les comprendre, ni à s'habituer à eux.

D'ailleurs, la jeune fille qu'abandonna Misaki, ne faisait pas non plus Japonaise. Enfin, elle n'avait pas les yeux bridés, et semblait occidentale. Il avait la sensation qu'il y avait pas mal d'étrangers au Japon, sans doute à cause de Kira. En pensant à lui, Crazy souffla du nez, avec un rictus mauvais. Bah voyons ! Ils venaient sans doute pour se rapprocher de leurs Dieux. S'il pouvait enfermer tous ces imbéciles au même endroit, et les faire exploser, ça l'arrangeait qu'ils viennent vivre ici. Il frotta son oeil, en se disant qu'il avait encore envie de fumer, mais qu'il s'il osait sortir son briquet, on allait encore lui faire toute une morale. Il lui était interdit de fumer ici, ce qu'il comprenait — même si ça le faisait chier —, et s'il faisait mine de prendre une cigarette, Misaki lui ferait toute une histoire sur le cancer, son asthme, etc.

Dépité, Crazy sortit dehors, il ne bougea pas sous la pluie, il se contenta de rester devant l'entrée à l'abri. Le père de Misaki n'était pas là, et elle ne semblait pas avoir remarqué sa disparition. Il fuma, répondant avec désespoir à sa dépendance. Le vent était froid, la pluie bruyante, et le ciel gris ; de quoi faire déprimer n'importe qui. Malgré lui, Crazy éternua, il lâcha son briquet qui tomba dans une flaque. Il lâcha un « mais putain de merde », qui attira l'attention d'une jeune mère. Il y tenait à ce briquet, en plus, alors il le ramassa en râlant. Quand il releva la tête, il manqua de heurter un jeune homme. Celui-ci ne lui accorda aucun regard, et entra dans le restaurant. Misaki allait très bien s'en occuper, lui, il préférait finir sa cigarette.

Crazy Snake le trouva bizarre, mais il ne savait pas exactement en quoi. On aurait dit un étudiant, mais il ne portait pas d'uniforme, et il sentait bizarre. À force de respirer de la poudre, d'avoir vécu avec une femme bien coquette, il savait reconnaître les odeurs. La sienne était particulière, et puis il ne paraissait pas très propre. Il observa le type à travers la vitre, sans intervenir, car il s'en foutait pour le moment. Il était juste curieux de voir comment Misaki allait réagir devant un tel énergumène. Il était bien habillé, pourtant, malgré sa puanteur. Misaki garda le même visage que lorsque Yu était entrée, elle lui montra une table, mais il l'ignora et alla s'asseoir en face de Yu. Crazy Snake fronça les sourcils, toujours sans bouger. Misaki rougissait, gênée, tout en essayant — du moins c'était ce qu'il déduisait — de le mener ailleurs. Il ne sut pas ce qu'il lâcha, mais Misaki se tut. Elle tremblait légèrement.

Crazy Snake poussa un soupir, il ne pourrait pas savourer plus que ça, sa cigarette. De quoi accentuer sa mauvaise humeur. C'était l'odeur des emmerdes qu'il avait sentie sur ce type. Il ne la jeta pas pour autant, il revint à l'intérieur, son briquet trempé dans la main. Misaki s'approcha aussitôt de lui, elle baissa les yeux, et elle murmura :

« Il importune notre cliente... et il m'a dit d'aller me faire foutre, qu'il pouvait même m'y aider si je le voulais.
— T'as peut-être trouvé l'amour de ta vie. »

Pourquoi c'était à lui de s'en occuper ? Ah... sans doute parce que le père de Misaki s'était absenté, et qu'il était le seul homme présent. Toutefois, Crazy Snake ne bougea pas tout de suite, il se contentait d'observer le type en train de parler à Yu, de façon familière, d'ailleurs.

« Hey... j'aime bien les filles de ton âge, ça te dirait qu'on aille au Karaoké ? Il y en a un pas loin, avec un hôtel. »

Crazy soupira encore, il décida enfin à bouger un peu. Le jeune homme ne le vit pas tout de suite, alors qu'il continuait d'emmerder Yu. Le borgne posa la main sur son épaule, il se tourna sur lui en lui jetant un regard méprisant.

« C'pas le genre de la maison.
— Tu veux quoi ? Sale handicapé ? Tu veux mater ?
— Mater quoi ? À quel point t'es tellement en manque que tu es sur le point de sauter sur des gamines ? T'as deux secondes pour te barrer d'ici. »

Mais avant que Crazy Snake ne pût réagir, le jeune homme se leva, et lui envoya un coup de poing dans le visage. Le borgne tomba en arrière, sa cigarette lui échappa. Du sang coulait de son nez, son esprit était sonné ; bientôt, il devrait établir un avis de recherche pour tous les neurones qu'il perdait dans les altercations. Misaki poussa un cri étouffa, lui, il était juste blasé. Il avait hâte que la journée se termine.


[HJ : pas de soucis, j'ai essayé de lancer un petit truc pour te donner de quoi répondre (même si c'est ultra cliché xD), la suite est entre tes mains \o/]

Wait...just a minute. Pourquoi ce type est venu s'asseoir en face de moi. Je peux savoir? Il ne me semble pas le connaître, je n'oublie jamais un visage. Ce n'est pas non plus quelqu'un qui aurait demandé de mes services en matière de hacking vu que cela fait des lustres que je n'ai plus reçu de demandes.
Je crois, juste "crois", que ça sent les ennuis. Une intuition, comme ça...

Il empestait je-ne-sais-quoi et ne présentait pas d'uniforme scolaire malgré son âge apparent. Les cheveux blonds, les épaules assez larges mais sans pour autant avoir de l'embonpoint, son langage grossier envers la demoiselle qui m'avait installée ne m'inspirait rien de bon.
Il lui ai dit, citation: "Va te faire voir, j'peux même t'aider si tu veux". Il souriait, ou plutôt riait d'un air mauvais avant de me proposer d'aller à un karaoké. C'est bien un truc d'asiatiques ça, les karaokés.
Mais cela n'empêche pas que j'ai toujours détesté cela au plus haut point, qui plus est quand il s'agit de chanter en public, face à des inconnus...
Bon, vive les cours de théâtre... J'opte pour un ton décontracté mais légèrement anxieux.

-Man, t'es pas sensé aller à l'école? Puis, même si je fais jeune, ça ne t'empêche pas d'être un minimum poli avec les gens que tu connais pas...

Il me regardait mal, en direction de ma poitrine naissante. C'est dérangeant, surtout que c'est la première fois que l'on s'intéresse à mes attributs féminins. J'aurais mieux fais de rester dans l'appartement que Hadès m'a prêté, face à mon ordinateur à coder mes applications, encore. J'aurais été nettement plus tranquille...
Il insista disant qu'il avait congé aujourd'hui puis il me demanda mon âge. Je crois qu'il ne risque pas de lâcher l'affaire aussi facilement.
Je n'eus pas le temps de répondre une fois de plus à mon interlocuteur. La personne qui m'avait servi mon croissant tout à l'heure lui avait saisi l'épaule en lui faisant comprendre qu'il n'avait rien à faire ici. L'impoli répliqua par des insultes, encore. Puis il s'était levé pour donner un coup de point dans le visage de Owell.
Non mais il y a quoi dans son cerveau celui là?

Je soupire, il faut toujours tout faire soi-même ici. Je me lève et me retrouve donc dans le dos de l'impoli.

-Man, sérieux, tu crains.

Il n'attendit pas pour me lancer la face dans sa main droite dans mon visage. Décidément, c'est bien un homme de catégorie inférieure... Je ne bouge pas un instant, réalisant son acte. Misère, c'est douloureux en plus!
Alors qu'il allait de nouveau se tourner vers Owell, je me ressaisis et lance un coup de pied en plein entre ses deux jambes. Je sais, c'est petit, mais c'est la seule chose que je sache faire pour maîtriser ce genre d'énergumènes. Il plie les genoux en insultant, encore et encore.
Je lui donne un autre coup de pied dans le creux des genoux, il les pause au sol.

Je ne sais pas trop ce qu'il m'arrive, c'est la première fois que j'ai recours à la violence dans une situation réelle. Il faut dire que cela défoule à un point. C'est comme si je découvrais la frustration que j'avais accumulée en moi durant ces dernières années sans le savoir et que je la liquidais immédiatement sur le visage de ce spécimen.
Je ne me suis même pas rendu compte que j'avais encore lancé mon pied vers lui. Il faut que je m'arrête...

Il est maintenant au sol, les yeux vers le plafond, presque choqué de s'être fait botter les fesses par une ''gamine''. Je pose mon pied sur son entrejambe, oh misère, c'est dégueulasse.
J'appuie assez pour que ce soit douloureux mais pas de trop pour qu'il ne hurle pas encore.

-Son of a b*tch! What the hell you get here dummas!?

Je sais que ce n'est pas du tout mon genre de lancer des insultes mais ça fait du bien de temps à autre. Puis, en anglais, tout le monde ne comprend pas forcément.

-Ne hurle pas sinon je peux t'assurer que tu ne pourras plus espérer procrée un jour... Tu vas t'excuser à la dame et à mister puis tu vas dégager fissa! Understood?!

Raah ! Bon sang... il avait mal. Renifler lui apparaissait soudain être une activité difficile. Le sang coulait de sa narine gauche, jusqu'à sa lèvre, malgré lui, il y donna un coup de langue pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Un son aigu transperçait son crâne, mais il ne savait pas exactement si c'était à cause de la douleur, ou d'une crise d'asthme prête à venir. Crazy Snake releva la tête, uniquement lorsque Misaki poussa un nouveau cri. Il lui arrivait quoi ? Ah oui... l'emmerdeur. Il mit un certain temps pour comprendre qu'il s'était tourné vers la cliente, pour lui offrir la même baffe qu'à lui. Bien sûr, il devait faire quelque chose, sauter sur l'énergumène, le mordre, lui arracher les cheveux, et dans le meilleur des cas le sortir d'ici.

Sauf que là... un sentiment blasé lui écrasait la poitrine, son cerveau peinait à réagir. Putain, qu'il avait mal ! Et avant même qu'il ne se relève, Yu s'occupait du bonhomme. Il ne vit pas très bien, mais il comprit qu'elle le frappa dans l'endroit le plus vulnérable de leur espèce. Il grimaça, non pas parce qu'il partageait la souffrance du jeune homme, mais parce que son crâne servait d'enclume à un marteau de dix tonnes. Derrière lui, Misaki avait plaqué ses deux mains sur sa bouche, comme si elle tentait de couvrir ses cris effrayés. Où était sa cigarette ? Bah oui... la sécurité de la cliente n'avait aucune importance, comparée au fait qu'il devait récupérer son bien le plus précieux. Ses doigts tâtonnèrent sur le sol, il était à la fois conscient de la situation, et à la fois dans les vapes. Enfin ! Il la retrouva, et la remit aussitôt dans sa bouche, sans se soucier de la propreté du carrelage sur lequel elle avait traîné. Il poussa une grande inspiration, puis il se releva en ayant le vertige.

Ce fut une fois debout qu'il s'aperçut que son agresseur se retrouvait totalement dominé par la gamine. Eh beh... à la place du jeune homme, le borgne aurait préféré avaler sa langue plutôt que de subir ça. Il ricana d'abord, il jeta un coup d'oeil à Misaki, dont la peur ne disparaissait pas. La cliente cracha des ordres à son « jouet », celui-ci sembla lui répondre dans une poignée d'insultes. Crazy ricana encore, puis il se planta devant la pauvre victime, et la jeune fille. Le gars paraissait minable, mais genre... vraiment très minable. Il envoyait des regards remplis de haine à la gamine, si bien qu'au bout d'un moment, Crazy Snake craqua.

Ce n'était pas de sa faute ! Il avait tenté de conserver un visage impassible, une expression totalement neutre, mais son ricanement de plus en plus sonore, ainsi que le coin gauche de sa lèvre qui se levait, comme un tic nerveux, témoignait qu'il n'allait pas tarder à rire. Et il donnait une belle image de lui ! Misaki sursauta, l'autre se tut. Plié en deux, le nez pissant le sang, Crazy Snake éclata d'un rire rauque, et cruel, comme s'il prenait plaisir à contempler cette gamine en train de maltraiter un étudiant faisant deux fois sa taille, et trois fois son poids.

« Owell ? »

Crazy Snake se contint difficilement, ou plutôt il ne chercha pas à retrouver son calme au nom du paraître. Il s'arrêta quand il lui resta peu de souffle, et que sa poitrine commença à lui faire mal. Il se redressa, il se racla la gorge, puis il observa la cliente. Il croisa les bras, le visage de nouveau sérieux ; celui du type prêt à étriper la première personne venant lui quémander de l'aide. Il lâcha :

« La violence, c'est mal Mam'zelle. »

C'était de l'ironie, bien sûr. Il n'était jamais la dernière personne à se battre, au contraire ; dès qu'on l'énervait, il n'hésitait jamais à le faire savoir par des paroles, ou par les poings. Il ravala sa salive, le sang continuait de tomber, Misaki ne bougeait pas. En fait, si elle était sur le point de pleurer ou de pisser sur elle, lui gérait la situation avec un calme étonnant. Il n'allait pas mourir à cause d'un coup de poing dans le nez. Il mouilla ses lèvres, il fit signe à Yu de s'éloigner, puis il attrapa le type par les cheveux.

Sans aucun ménagement, il l'encouragea à le relever, et il le tira presque dehors. Il jeta dans une flaque d'eau, sans aucune douceur, et avec un regard lui disant que si jamais il croisait son chemin à nouveau, il devrait ramasser ses tripes à la petite cuillère. Il referma la porte, puis il grogna :

« Fais pas une attaque, Misaki, c'bon. »

L'adolescente tremblait ; elle s'épuisait à cacher ses émotions, sans y parvenir. Elle approuva sans décrocher un mot, avant d'aller disparaître dans la cuisine.

« Vous allez bien, vous ? »

Avait-il demandé sur un ton brut à Yu. Pour l'instant, Crazy avait oublié que son nez était en sang, une partie de son cerveau s'était déconnecté.

Cette personne m'a vraiment mise de mauvaise humeur. C'est quand même grave de voir encore des personnes de ce type alors qu'on est sensé être dans un régime prônant la paix et le calme... Mais enfin, il y aura toujours des crétins qui continueront à faire ''à leur mode'' comme on dit. Il faut croire que c'est inévitable. Mais soit.

L'imbécile sous ma botte (au sens littéral) n'ayant pas plus d'un neurone balança encore et toujours les mêmes insultes. Il n'est même pas original. J'ai des nerfs à calmer et il est l'excuse idéale. J'écrase l'entrejambe sous ma semelle. Il hurle, mélange de douleur et de colère. Peut-être de la pitié mais cette fois, je n'ai pas l'humeur d'être pacifiste...et je crois que c'est la première fois de ma vie.

Puis, l'homme du nom de Owell commença a rire...non, c'est plus contenir un rire. Qui a-t-il de drôle? Je ne connais pas ce type d'humour. Il faut croire qu'il se moque de cet énergumène qui souffre à cause de sa propre bêtise. Qui sait? Il y a des gens qui sont méchants, c'est un fait. Si il en fait partie, soit.

"La violence, c'est mal Mam'zelle'' qu'il a dit. C'est bien la première fois que l'on me fait une remarque de ce genre. Si on m'avait dit que je serais capable de cela il y a deux ans, je lui aurais ris au nez, allègrement.
Owell a empoigné le jeune homme avant de le lancer dehors sans autre forme de politesse. Lui au moins, il n'a pas peur de dire ce qu'il pense.
La jeune fille qui m'avait accueillie avait les mains posées sur sa bouche, les larmes presque aux yeux. C'est pas vrai... on est bon pour un choc émotionnel.

On me demande si je vais bien. Ben, je ne suis probablement pas prête à courir un marathon mais bon, je tiens debout.

-Mais oui, j'peux te chanter la macarena en jouant à la marelle avec un dictionnaire dans une main et l'intégrale de Harry Potter dans l'autre...nan, j'vais pas bien. J'ai envie de tout exploser!

Soupir énervé. Il y a encore une victime non intentionnelle. Je m'approche de la jeune fille, pose une main sur son épaule et tente de parler de façon rassurante.

-Ecoute Misaki. Le monde est con. Tu pourras dire tout ce que tu veux, il y en aura toujours, des cons. Celui-là fait partie des cons finis. Alors maintenant, tu es une femme. Une femme forte peut contenir ses larmes toute sa vie. Tu es forte?

Elle me fixait, hébétée. Elle ne connait pas la souffrance, l'égarement. C'est normal pour elle d'être dans un coup dur face à cela. Il y a un an, j'aurai réagit pareil. Mais maintenant la donne n'est plus la même, mes heures sont comptées.
Je regarde ensuite Owell. Du sang n'arrête pas de couler...et il bouge pas. Je me tourne à nouveau vers la jeune fille.

-Tu vois pas qu'il pisse du sang? Va chercher des pansements!

Bon, je suis peut-être de nouveau brute mais je suis tellement dans une période de...changement? Je ne sais même pas comment nommer cela.


Un doute, je regarde autour de nous, dans la salle. Pas de témoin oculaire à l'extérieur, il est encore tôt. Je regarde les coins de la pièce...une caméra.

-F*ck!

Je m'assieds rapidement sur une chaise, face à la table et sort mon ordinateur avant de l'allumer et de pianoter sur le clavier avec ma vitesse habituelle. Je m'adresse à Owell car Misaki est partie dans l'arrière boutique pour peut-être trouver des pansements.

-Soyez mignon et filez moi l'adresse exacte de l'endroit... Vous n'avez rien vu, je n'existe pas et je ne suis jamais entrée dans ce restaurant. Enregistré?

Et voilà que je repasse au vouvoiement. Ma logique est à revisiter...

Crazy Snake haussa les sourcils, un air ahuri collé sur son visage ; il était étonné de voir à quel point la jeune fille s'agaçait. De plus, elle lui parlait sur un ton qu'il n'appréciait pas. Il détestait qu'on lui donne des ordres, et la plupart du temps, il se débrouillait pour faire le contraire. Yu gronda qu'elle voulait l'adresse du restaurant. Crazy lui envoya un regard furieux. Elle pouvait pas demander ça plus poliment ? Il devait avoir dix ans de plus qu'elle !

Rah les gosses ! Il ne les comprenait plus, il ne les avait jamais compris. Il avait connu une adolescence trop bizarre pour pouvoir saisir tout ce qui pouvait les tourmenter. Pourquoi elle perdait autant son sang-froid ? C'était juste une « petite » agression. Pour Crazy Snake, ce n’était trois fois rien, surtout comparé à la rencontre violente qu'il avait subi, des années auparavant. Il avait encore ses deux jambes, il n'avait pas eu la gorge écrasée, et rien ne lui avait été enlevé. Il s'en sortait bien, il lui restait son oeil droit. Sa patience se faisait grignoter, de plus en plus vite, au point où ses doigts qui tenaient la cigarette commencèrent à trembler. Exaspéré, il lança :

« Z'avez qu'à chercher sur votre ordinateur. J'suis peut-être serveur, mais j'suis pas votre esclave. Enregistré ? »

Et ça voulait dire quoi ? « Vous ne m'avez jamais vu, et je ne suis jamais rentré ici » ? Pfff... il allait de nouveau rencontrer les emmerdes. Enfin, Crazy Snake pouvait facilement vivre avec ça, après tout il n'était pas spécialement le bienvenu dans la société. Personne au Japon ne se doutait de sa véritable identité, à part ceux cherchant à travailler à tout prix avec lui. Au quotidien, il n'était que Daniel Owell, émigré occidental qui bossait comme serveur.

En réalité, il était l'auteur de plusieurs attentats, qu'il ne revendiquait pas tout le temps, ça dépendait de son employeur. Les criminels aimaient bien dire que l'accident à la gare de Londres — par exemple — venait du « Crazy Snake », le fou des explosifs. Alors que les Rebelles cachaient avec honte les cadavres des enfants de l'école, qu'il avait fait voler en éclat. Lui, il s'était amusé à filmer la scène. Comme les Rebelles l'ennuyaient, il s'était débrouillé pour la mettre sur YouTube, une belle plaisanterie. Un joli souvenir, ça le faisait sourire. Il valait mieux ne pas l'énerver, et lui faire confiance ; Yu s'était trahie, sans le faire exprès. Elle lui avait sous-entendu qu'elle était recherchée, ce genre d'information pouvait lui servir... s'il s'en souvenait. Sa mémoire adorait se foutre de sa gueule.

Misaki finit par revenir, avec des pansements. Son front suait, ses mains tremblaient, et elle tentait de paraître calme. Elle lui tendit d'abord un mouchoir, puis elle prit son portable afin de prévenir son père de la situation. Crazy essuya le sang, puis il leva la tête vers le plafond, espérant qu'il n'avait rien de cassé. Il fronça les sourcils, il grimaça, il grogna ; il éternua soudain sur Yu. Apportons un détail : il éternua du sang sur Yu.

« Meeeerde. »

Crazy Snake ne s'excusa pas, il grogna plus fort, puis il abattit son poing sur le mur. Évidemment, désormais il n'avait plus mal qu'au nez, sa main droite se paralysa de souffrance. Il recracha un « merde », en serrant les dents. Il bougea lentement les doigts pour s'assurer qu'il ne s'était rien cassé, puis il lança un regard furieux aux deux jeunes filles. C'était bon, ça lui tapait trop sur les nerfs. Misaki avala sa salive, Crazy Snake souffla :

« Journée de merde. Journée de merde. Journée de merde. »

Son nez éclaté lui donnait la nausée, en plus de fortes envies d'éternuer. Ce qu'il fit encore, répandant plusieurs gouttes de sang sur lui, et sur le sol. Rah... et il trouva sa cigarette fade ! Il ouvrit la porte pour la jeter dehors. Il en ralluma une autre, quand il fut pris d'une violente quinte de toux.

« Owell ! »

Misaki lui toucha le bras, le borgne la repoussa aussitôt. Plié en deux, contre le mur, il continuait de tousser, et de plus en plus fort. Sa poitrine était compressée, comme si quelqu'un s'était assis lui afin de l'écraser. Il racla sa gorge, sans que ça change quelque chose. Une main sur son nez ensanglanté, l'autre sur son torse, une larme lui montait à l'oeil... ce son ! Dans son crâne, il y avait ce son horrible, lui transperçant toutes ses pensées. Crispé, il lâcha, la voix enrouée :

« Merde... j'ai oublié mon inhalateur. »

En plus, Crazy Snake était certain que la cigarette qu'il venait d'allumer était la dernière dans son paquet. Journée de merde.

Sourire amusé. C'est dingue que, dans ce type de cas, le type se contente de bredouiller un ''oui'' avant de donner l'information qui convient. Il n'est pas comme tout le monde, c'est peut-être pour ça  que je n'arrive pas à le détester malgré sa façon de répondre.
Je n'aime pas utiliser la géolocalisation...cela risque de faire poser des questions aux surveillances internes du pays... Dans la situation actuelle, je suis quelque peu embêtée.

Le croissant entre les dents, je clapote sur mon ordinateur et j'utilise la clé internet de la jeune femme m'a donnée. Google est mon ami. Je tape le nom de la rue et me voilà devant le site. J'ai l'adresse, c'est bon.
C'est quand j'allais débuter les opérations que voilà mister tousse tout ce qu'il a dans les poumons. La jeune fille l'appelant, elle s'est même fait repousser avant de pouvoir l'aider. Mais quel est le résonnement de ce type? Ca me dépasse...
Soit, je ne vais pas le laisser comme ça, dans son sang, sur le carrelage du restaurant.
Misaki appele quelqu'un.

-N'appeler pas la police et prévenez celui que vous appelez de ne pas le faire thanks.

J'espère sincèrement qu'elle n'appelait pas la police. Trois fois que je me retrouverais ''par hasard'' dans un fait impliquant de la violence...ça fait trop louche pour être innocente. Qui plus est, je ne suis plus mineure et ce statut ne me protège plus. On se croirait dans un jeu vidéo. Un effet ne fonctionne plus, il faudra être mage pour le régénérer...
Mais soit, ce n'est pas le plus important.

Owell est appuyé au mur à jurer comme pas possible. Bien, il tient encore debout, c'est encore une bonne chose. Mais quand j'entendis qu'il n'avait pas pris son inhalateur...

-Jesus! You may be crazy?! Mais quel âge vous avez?

Soupir de lassitude. Je ne comprends pas du tout sa logique. Un asthmatique qui fume et qui est violent...c'est pas courant. Je prends les pansements des mains de Misaki tout en lui demandant (quelque peu fermement) de courir jusqu'à la pharmacie la plus proche pour prendre un inhalateur, qu'importe la marque. Je précise que je la rembourserais. Dès qu'elle quitta le bâtiment en courant, je pose une main ferme sur l'épaule de Owell. J'espère que mister va bien vouloir m'écouter cette fois.

-Owell, c'est ça? Moi c'est Yu, j'ai pas l'air mais je suis secouriste. Je vais vous demander de vous tenir le dos contre le mur, toujours debout et de respirer par le ventre. Vous savez faire ça?

Il faut éviter que la victime soit en état de choc...
Mettre la personne à l'aise tant que l'on peut...
Ne pas l'inquiéter, ne pas s'inquiéter. Si cela s'aggrave, il faudra évidemment appeler une ambulance...mais cela risque de l'inquiéter si il m'entend.

Actuellement, ses bronches sont en train de se comprimer alors qu'elles le sont déjà au maximum. Le contact entre les parois irrite les poumons en plusieurs endroits ce qui le fait tousser.
J'essaie de me faire rassurante, comme si ce n'était pas grave...bien que je sois au courant qu'une crise d'asthme de ce type est assez grave.

-Inspirez par le nez et expirez par la bouche. Essayez juste de faire gonfler votre ventre en inspirant plutôt que le torse.

Et tout ce sang à éponger...c'est grave que cela ne l'a pas fait réagir.
Pendant qu'il tente de respirer comme je lui ai expliqué, j'approche une compresse de son nez pour éponger le sang. Oh boy c'est dégouttant, ça coule de partout.

-Misaki va arriver avec un inhalateur, pas d'inquiétude. Même si vous avez plus l'air énervé qu'autre chose...

« Nan, en fait, c'est un vrai plaisir d'avoir l'impression de vomir ses poumons. Et où est passée ma clope ? »

Ce fut ce que Crazy Snake parvint à cracher — péniblement — entre deux inspirations haletantes. Yu ne pouvait certainement pas comprendre, à quel point cette sensation était désagréable. « Respirer par le nez ? » BIEN SÛR, surtout lorsqu'il pissait du sang par les narines. La douleur dans son crâne augmenta d'un cran, ce qui influença sa mauvaise humeur. Il grogna des insultes entre ses dents, puis il repoussa la jeune fille pour se laisser tomber sur une chaise. Il détestait son asthme, il le haïssait au point d'avoir envie de plonger la main dans sa poitrine, et y arracher ses poumons pour ne plus rien ressentir. Plus de soucis pour respirer, après ça, car il ne respirerait plus du tout. Un problème de moins. Il tremblait, mais ce n'était pas à cause de la souffrance ; la colère le rendait fou.

Tout ce dont le borgne désirait, c'était fumer, ça le détendait toujours, surtout dans les situations de crise. En réalité, Crazy Snake maudissait tant son asthme qu'il faisait son possible pour l'oublier ; et il l'oubliait, ainsi que son inhalateur qu'il abandonnait toujours chez lui. Il n'était même pas sûr de pouvoir le retrouver, il ne savait plus où il l'avait rangé (de plus, la notion de rangement était quelque chose de relatif, chez lui). Il plaçait les cigarettes très haut dans son ordre de priorité, effaçant le reste, et ce truc qui aurait pu l'aider grandement. Il avala sa salive, son oeil bleu et unique écarquillé, brillant de fureur. Finalement, il donna un coup de poing dans la table, changeant de cible comme d'humeur.

« Mais putain de MERDE. »

Les mains près de ses tempes, Crazy Snake s'arrêta au dernier moment. Il avait été sur le point de frapper ses tempes de toutes ses forces, ce son dans son crâne le rendait fou. Ce son... perçant... ce son distinct emplissait ses tympans. Pourquoi ne voulait-il pas se taire ? Pourquoi ne fermait-il pas sa gueule de merde ? Il jura encore, dans un Japonais très approximatif, inventant même des mots. Il finit par poser son front contre la table, sa respiration était toujours aussi difficile, il était sur le point de pleurer, tellement il était énervé. Et bien sûr, plus il s'énervait, plus sa crise devenait forte. Une tache de sang tomba sur la table, elle ne tarda pas à grossir.

« Ça va... je gère, j'ai l'habitude. »

L'habitude de quoi ? De ne jamais avoir son inhalateur sur lui ? Mais ça le faisait chier de prendre ce truc ! Sa vue commença à se troubler, Crazy Snake devait faire vite, sinon, il ne retrouverait pas sa cigarette. Il releva la tête, il fixa d'abord Yu d'un regard haineux et sauvage, puis il se mit à chercher sa tendre cigarette. Il la retrouva, non pas à son incroyable talent d'observateur, mais grâce à l'odeur douce de fumée. Il se releva en chancelant, niant l'existence de Yu pour ramasser sa cigarette. Il tenait encore sur ses jambes, ça allait, non ? Bien sûr, il saignait toujours, il ne pouvait pas respirer, mais tant qu'il pourrait fumer... ça irait. Et puis, s'il n'était pas tombé dans les vapes, c'est que ça devait — plus ou moins — aller.

L'homme porta l'objet de tous ses désirs à sa bouche, mais avant de pouvoir goûter au plaisir suprême, il toussa. Sa main se crispa sur la cigarette, pourtant il tenta encore une fois sa chance. Ses lèvres se pincèrent, il aspira une grande bouffée pour aussitôt la recracher, avec un peu de sang. Ça devenait affreux là, s'il ne pouvait plus fumer, sa vie n'avait plus de sens. Nouveau soupir, plus ou moins entrecoupé de toussotement. De la sueur suintait sur son front, pourtant il commençait à avoir froid, il tremblait toujours. Point positif, Misaki n'assistait pas à la scène, il pouvait se passer de ses engueulades.

« Secouriste ? Hein ? Me faîte pas rire. Vous avez juste dû lire un mode d'emploi sur internet. »

Ce n'était pas parce qu'il était sur le point de cracher ses poumons qu'il n'était pas forcément vulnérable. Dans ce genre de situation, Crazy Snake s'efforçait un maximum de rester lui-même, ce « lui » désagréable qui râlait sur tout le monde, et qui jetait à la face des gens des sarcasmes blessants. C'était un moyen de se préserver, il ne voulait pas qu'on développe pour lui un pseudo sentiment maternel de protection. Avec son oeil en moins, il avait déjà assez à faire avec ça. Bah oui, sa vie aurait été moins palpitante s'il n'avait été qu'asthamatique, un oeil moins, c'était déjà un peu plus classe. S'il avait été un minium geek, il aurait pu se faire des amis en faisant des cosplays d'Albator, ou ce genre de truc. Malheureusement, ses connaissances en informatiques étaient aussi élevées que... hum... sa culture générale, sans doute ; on frôlait le néant.

Il a l'habitude...l'habitude? Si il a l'habitude d'agoniser, c'est qu'il est soit particulièrement tête en l'air, soit il le fait exprès. J'ognore totalement quelle est la solution la plus plausible.
Je hausse les épaules. Je veux bien être gentille mais ma jauge de bonté est malheureusement déjà presque vide. Une journée pourrie avec un quotidien on ne peut plus médiocre et je ne parle pas que de mon niveau de vie et de mon état psychologique.

Haussement d'épaules et regard las dans sa direction.

-Soit, étranglez-vous dans votre sang si vous voulez...

Je m'assieds sur une chaise, juste en face de lui. Il tousse, il jure, tape du poing sur la table. Mais, une seconde... Si il succombe à un asphyxie (ce qui semble fortement probable)...je ne risque pas une non assistance à personne en danger? Mine de rien, si il s'en sortait, il serait capable de me dénoncer. Décidément, ce n'est pas la peine de jouer au loto aujourd'hui.

Je me lève, soupir de lassitude numéro 2.

-Well sh*t, j'ai pas usé 3 mois de mon existence pour que ce foutu brevet de secouriste pour rien. Bon écoutez deux minutes et essayez juste de me prendre au sérieux une fois.

J'use des dernières gouttes de bonté de ma jauge mais c'est bien parce que c'est le seul mouton noir que j'aie croisé jusqu'à maintenant. Je me place sur le côté de monsieur pour voir son dos.

-D'avance désolée, vous risquez de cracher une partie des poumons mais ou moins vous ne vous étoufferez plus.

Je regarde le dos. Je dois viser entre la cinquième et la onzième vertèbre thoracique. Trois grandes tapes dans le dos, en faisant aller la main de bas en haut pour donner une impulsion du sang vers la cavité buccale. C'est partit.

Il crachote encore un peu mais ça devrait aller.

-J'sais pas pourquoi mais j'arrive pas à te détester malgré ce caractère pourri que tu traînes. C'est peut-être parce que tu ne réagis pas comme tout le monde comme un mouton...

Je ne sais pas pourquoi je lui dis ce que je pense à l'instant. Malgré son air de ''je m'en foutiste'' et chercheur de noises, il faut croire que je me suis mise à lui faire confiance. Mais quelle idée... Et voilà que la demoiselle revient avec un inhalateur.
Je le lui arrache des mains en marmonnant un ''merci'' avant de le tendre vers Owell. Je crois que je l'ai plutôt lâché entre les mains mais soit, le principe est le même.

-Voilà votre inhalateur.

Je retourne (enfin) à mon ordinateur et clapote quelques lignes de codes et, via une interface de géolocalisation, je trouve le bâtiment dans lequel nous sommes actuellement.
Je crois que je n'aurais pas le temps d'effacer les données comme il faut avant de partir...soit.
Encore quelques bidouillages et des lignes de codes et voilà que les circuits de la caméra se mettent à fumer, la cause étant la surchauffe des circuits intégrés de la carte mémoire de l'appareil. La mémoire est grillée, c'est parfait.

Je range enfin tout dans ma sacoche et bois d'une traite mon café. Aïe, c'est chaud. Mais j'avais trop envie de café. Je prends mon croissant entre les dents tout en enfilant mon veston rouge et me dirige vers l'extérieur du bâtiment.
Juste avant de sortir, je tend quelques billets à la jeune femme pour rembourser l'inhalateur et payer l'addition ainsi qu'une carte dans la poche de Owell.
Sur cette carte, il n'y verra que "Répérations informatiques et plus" et une adresse mail: "cyborgirl@skarlet.com".

-Au rf'oir, merch'i 'our le 'epas!

Parlais-je avec le croissant entre les dents tout en quittant le bâtiment, probablement définitivement.